PTB, PS, Ecolo, MR: pourquoi ils peuvent tous tirer profit de la présence des marxistes au pouvoir
Que le PTB participe au pouvoir dans plusieurs communes comporte une part de risque, pour lui comme pour les autres partis. Mais chaque protagoniste peut aussi tirer bénéfice de la situation. On fait le tour.
Exercer le pouvoir a un coût, surtout en s’associant à d’autres formations politiques. C’est souvent une histoire de vases communicants, d’ailleurs: ce qui profite aux uns nuit aux autres, et vice versa. C’est sans doute ce qu’apprendra le PTB, qui s’apprête à intégrer les majorités à Mons, à Forest et à Molenbeek. Dans la partie qui s’est engagée entre le parti marxiste, le PS, Ecolo et les autres formations, chacun tirera les marrons du feu comme il le peut. Voici quelques bénéfices que pourront engranger les partis.
Voter PTB est-il encore inutile?
C’est la petite musique qui a bercé les campagnes électorales du PS: voter pour le PTB était inutile, allait diviser la gauche, affaiblir les partis aptes à participer au pouvoir et, in fine, renforcer la droite. Il ne faut pas être grand politologue pour l’observer: s’associer au parti présidé par Raoul Hedebouw lui offre désormais du crédit et écorne l’argumentaire du vote inutile.
Le PTB s’apprête donc à endosser des responsabilités, non pas dans l’une ou l’autre commune au poids tout relatif, mais à Mons, ville d’une petite centaine de milliers d’habitants qui a concentré à elle seule une bonne part des enjeux électoraux, et dans deux communes bruxelloises, dont la très observée Molenbeek. Cela a beau constituer une «expérimentation», comme l’a déclaré le président du PS, c’est tout de même un triple coup qui compte.
Le parti aura l’occasion de mettre en lumière quelques nouvelles figures, apparaissant comme conciliantes, qui se montreront actives dans des matières cibles, comme le logement ou l’égalité des chances. Il y aura, a promis Raoul Hedebouw, une «PTB touch» dans les accords de majorité.
Puisque le parti semble jouer le jeu de la démocratie locale dans une approche institutionnalisée, sa vocation devient naturellement de déployer quelques dimensions de sa politique. En cela, il sort gagnant de cette séquence politique. Et quand bien même l’une ou l’autre majorité devait se déchirer en cours de mandature, cela servira encore et toujours le logiciel du parti et de ses exigences de rupture. A tous les coups, il sera gagnant.
Le PS «mouille» son concurrent
Dans les communes où le PTB est associé au pouvoir, une constante s’observe: c’est bel et bien le PS qui, en premier lieu, a les cartes en main. Le signal envoyé à la concurrence, celle du MR et des Engagés principalement, est donc limpide. Le PS a ouvert le champ des possibles, il a décloisonné l’arithmétique électorale et, ce faisant, s’est octroyé la possibilité de faire monter les enchères là où c’est possible.
Le PS pourra toujours déclarer soit qu’il a entendu le message des électeurs, soit que ce sont les autres partis qui l’ont contraint à pactiser de la sorte. L’opération lui permet de se maintenir dans une position de pierre angulaire, de majorités de gauche en l’espèce.
De façon un peu plus cynique, on observera aussi que le meilleur moyen de neutraliser un adversaire est parfois de s’associer à lui. A Mons, Forest et Molenbeek, le PS ne sera plus guère attaqué sur sa gauche, ce qui constituait l’un de ses principaux tourments ces dernières années.
Au pire, cela ne fonctionnera pas et le PS pourra toujours se retourner en déclarant que le PTB n’est pas apte au pouvoir, comme il l’a souvent dit. Les socialistes, en embarquant un parti plus à gauche, s’apprêtent donc à le confronter à l’exercice du pouvoir. Rira bien qui rira le dernier, lorsqu’il faudra se saigner (faire des concessions) pour faire face aux difficultés budgétaires.
Cela n’a pas échappé à Paul Magnette ni à l’ensemble de son parti. Ailleurs en Europe, la participation de la gauche radicale au pouvoir s’est souvent soldée par un désaveu dans les urnes, en bout de course. Ou des résultats en deçà des espérances, à tout le moins. Die Linke en Allemagne, Podemos en Espagne ou Syriza en Grèce en ont fait les frais. A Zelzate, commune flamande où le PVDA était au pouvoir durant la mandature qui s’achève, il n’a pas franchement subi de revers, mais c’est en définitive les socialistes de Vooruit qui y ont gardé la main.
On observera que le meilleur moyen de neutraliser un adversaire est parfois de s’associer à lui.
Ecolo n’a rien à perdre
Tel est donc le dilemme auquel sont confrontés les partis de gauche radicale. «Quelle est leur véritable valeur ajoutée, lorsqu’ils sont au pouvoir?», comme le formule le politologue Pascal Delwit (ULB). C’est un questionnement qui pourra éventuellement servir Ecolo, au même titre que le PS, si d’aventure l’expérience avec le PTB ne s’avérait pas concluante.
On sait aussi, chez les verts, que l’on ne pèse plus très lourd, après deux élections désastreuses. Pour le formuler simplement, Ecolo n’a plus grand-chose à perdre, peut-être même tout à gagner en prouvant qu’il peut encore prendre ses responsabilités lorsque l’occasion se présente.
Une autre dimension pourrait servir Ecolo, dans la participation au pouvoir du PTB. Ce sont en effet les deux partis qui, plus que les autres, appellent à un changement systémique. Partant, impliquer le plus antisystème des partis de l’échiquier dans le système à proprement parler (la superstructure politique, en termes marxistes) contient aussi sa part d’ironie.
Les autres s’en donnent à cœur joie
On ne peut raisonnablement pas affirmer que le MR, Les Engagés et DéFI sont heureux de voir le PTB accéder au pouvoir. C’est évidemment à Mons que la désillusion est à son comble, puisque le président libéral, Georges-Louis Bouchez, voit un parti marxiste impliqué dans la gestion de la ville qu’il convoitait.
On pourra cependant déceler quelques signes jubilatoires à la vue de cette nouvelle configuration politique. Le PS s’acoquine avec le PTB et cela ne fait que le rendre plus repoussant encore, dans le cadre d’une distribution des rôles des plus limpides. L’ensemble de la gauche au pouvoir, l’ensemble de la droite dans l’opposition, avec le loisir de tirer à volonté. C’est l’exact inverse de ce qui s’est constitué en Région wallonne et à la Fédération Wallonie-Bruxelles, deux niveaux de pouvoir où certains édiles communaux peineront probablement à bénéficier de relais politiques. Là, ce sont bien le MR et Les Engagés qui restent maîtres du jeu.
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