Plantation d'arbres à Péruwelz © BELGAIMAGE

Promesse tenue ou pas? Comment Céline Tellier a remporté son 4.000.000 mètres haies

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Brocardé à son lancement, le projet wallon «Yes, we plant» est un succès. Plus de 4000 km de haies et plus de 1 million d’arbres ont été plantés. Et les mentalités ont commencé à changer…

«Effet d’annonce», «mesure symbolique concédée aux Verts», «objectif irréaliste»… Pour son baptême du feu en 2019, la nouvelle ministre wallonne de l’Environnement Céline Tellier (Ecolo) n’avait pas été épargnée par les quolibets. Son objectif consistant à voir plantés 4.000 kilomètres de haies et/ou 1 million d’arbres en cinq ans en Wallonie, en avait laissé beaucoup songeurs. Voire moqueurs. Mais au fil des ans, il a bien fallu se rendre à l’évidence. Ce point du programme ne servait pas à décorer la déclaration de politique régionale (DPR). Plus le temps passait et moins cet objectif paraissait farfelu. Alors que le prédécesseur de Céline Tellier à ce poste, René Colin (CDH), avait fièrement affiché un résultat de 112 kilomètres de haies plantés en trois ans, la ministre a, elle, réussi son pari. Selon les chiffres officiels arrêtés à la mi-mars 2024, 4.214 kilomètres de haies et 1.455.017 arbres ont bien été plantés dans le sol wallon depuis 2019.

Il ne s’agit toutefois pas d’un chiffre net. Autrement dit, il n’intègre pas les arbres ou plants de haies qui auraient été abattus ou arrachés durant la même période. «Les permis délivrés pour ce type d’opération prévoient un mécanisme de compensation, rappelle le cabinet Tellier: un mètre de haie agricole détruit doit être remplacé par 1 à 3 mètres de nouveaux plants. Si aucun permis n’a été demandé et que l’infraction a fait l’objet d’un constat, la procédure peut également aboutir à la mise en œuvre de compensation.»

A contrario, tous les particuliers, toutes les communes et tous les agriculteurs qui se lancent dans la plantation d’arbres ou de haies ne sollicitent pas un subside ni ne le renseignent d’office auprès des pouvoirs publics. L’administration ne connaît donc pas exactement le nombre de nouveaux arbres ou de plants de haies mis en terre depuis 2019. Les experts de l’administration planchent actuellement sur un référentiel cartographique de l’ensemble des haies en Wallonie. La tâche est complexe car les jeunes haies mettent plusieurs années à être visibles depuis le ciel et que les images aériennes doivent être prises durant la période où les haies sont détectables.

La biodiversité, priorité absolue

L’objectif poursuivi à travers ces chiffres emblématiques? La préservation et/ou la restauration de la biodiversité. Les arbres et les haies sont en effet susceptibles d’abriter de nombreuses espèces d’insectes, d’oiseaux et de petite faune. Les arbres fixent et stockent le dioxyde de carbone, ce qui permet de lutter contre le réchauffement climatique. Ils proposent de l’ombre aux animaux qui s’abritent sous leurs branches. Quant aux haies, elles offrent un rempart efficace contre les inondations, l’érosion des sols et les coulées de boues. Le rapport 2019 de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques était déjà relativement alarmant pour la Wallonie. A l’époque où le programme «Yes, we plant» était lancé, plus de 33% des populations d’araignées et de libellules étaient au bord de l’extinction au sud du pays. Et la survie de près de 30% des oiseaux et de 28 % des mammifères était également compromise.

Pour inciter les Wallons à prendre leur courage à deux mains en plus de leur bêche, des mesures de soutien ont été mises en place: à titre d’exemple, un subside de 5 à 9 euros par mètre de haie, selon le nombre de rangs qu’elle compte, et 25 euros par arbre fruitier. Des conseils pour la plantation et l’entretien pouvaient également être prodigués aux candidats planteurs, tant les particuliers que les communes et les agriculteurs.

Un programme de soutien spécifique aux pépiniéristes wallons a été mis en place: 1,2 million de plants d’une quinzaine d’essences ont été commandés à huit d’entre eux pour les saisons courant de 2022 à 2026. À ce jour, 450.000 plants provenant de cette filière ont déjà été distribués gratuitement. La campagne visait aussi à revaloriser la production locale des plants, avec une attention particulière portée à la plantation d’espèces indigènes.

En cette toute fin de législature, le gouvernement wallon vient de décider de simplifier encore les conditions d’accès à ces aides. Cette mesure entrera en vigueur le 1er mai prochain, pour la prochaine période de plantation, à l’automne 2024.

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Environ 1 million d’euros par an

Depuis quatre ans, une enveloppe d’environ 1 million d’euros par an a été consacrée à ce projet en subventions à la plantation: 963.787 euros en 2020, 916.700 euros en 2021, 1.068.775 euros en 2022 et 900.000 euros en 2023. «Ces subventions à la plantation ne sont pas les seuls soutiens mis en place», souligne-t-on au cabinet Tellier. Les distributions de plants gratuits continuent, par exemple. En décembre dernier, le gouvernement wallon a aussi décidé d’octroyer un droit de tirage de 10 millions d’euros aux 262 communes wallonnes désireuses de doper la plantation de haies et d’arbres sur leur territoire.

Selon Natagora, quelque 200 000 kilomètres de haies ont été arrachés en Belgique, depuis les années 1950, pour favoriser le développement de parcelles agricoles d’une plus grande superficie, donc l’agriculture intensive. Il resterait entre 15.000 et 20.000 kilomètres de haies linéaires en zone agricole, en Wallonie. Sur ce total, quelque 13.000 kilomètres bénéficient d’aides environnementales pour être maintenues en vie.

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