Pourquoi la confection des listes MR dans le Hainaut fait grincer des dents
La confection des listes MR dans le Hainaut, dont Le Vif révèle les têtes de listes, et où Georges-Louis Bouchez mènera le « combat des chefs » contre Magnette et Nollet, fait grincer quelques dents. Surtout chez certaines figures féminines…
Le plus vieux parti de Belgique a le sens de l’histoire. Elle reste dans la tête de chacun au MR en ce moment, crucial, de composition des listes. En particulier dans le Hainaut, la plus grande province wallonne, 17 sièges de député fédéral à pourvoir dans une circonscription unique, et 27 sièges de député wallon à distribuer à travers quatre arrondissements électoraux, où un président de parti, une poignée d’anciens ministres, un ministre actuel, des jeunes qui veulent confirmer et de très populaires bourgmestres sont en chamaille, qui pour venger un passé cuisant, qui pour s’assurer d’un avenir, qui pour ne pas insulter le présent.
Georges-Louis Bouchez, président du MR, montois donc hainuyer, avait, aux législatives de 2019, subi un traumatisme personnel, et il n’était pas sans signification politique. Quatrième d’une liste fédérale qui ne fit que trois sièges, il manqua l’élection, malgré le deuxième meilleur résultat en voix de préférence (16 500 voix, Denis Ducarme, tête de liste, en fit 25 000), parce que deux candidates moins populaires que lui, Marie-Christine Marghem (14 000 voix) et Caroline Taquin (13 000), purent profiter de l’effet dévolutif de la case de tête. Il le reprocha au parti, à Denis Ducarme, président provincial, et à Charles Michel, président national, qui avaient insisté pour qu’il accepte la quatrième place pour donner la troisième à Caroline Taquin.
C’est à la Région que le MR devra faire la différence s’il veut éviter la coalition wallonne PS-Ecolo-Les Engagés.
Cinq ans plus tôt, en mai 2014, c’était Caroline Taquin, bourgmestre de Courcelles, qui avait souffert de la même douleur, fort poignante au congénital individualisme libéral. Elle l’avait reproché au parti, à Charles Michel, président national, et à Olivier Chastel, président provincial, et avait fait venger le passé en se faisant, la fois suivante, protéger par le «pot».
Voici cinq ans, dans l’arrondissement régional de Tournai-Ath-Mouscron, c’était Jean-Luc Crucke, vice-président du MR, et vieil ennemi de Marie-Christine Marghem, qui avait mené l’équipe libérale picarde. L’ancien ministre wallon, remplacé début 2022 par le jeune (35 ans) Adrien Dolimont au gouvernement wallon. Il a reproché plein de choses à son parti, à Charles Michel, président du Conseil européen, et à Georges-Louis Bouchez, président national, et il espère s’être assuré un avenir en menant la liste fédérale d’un autre parti, Les Engagés.
La deuxième du binôme
Dans la chamaille libérale hainuyère, toutes ces histoires récentes et anciennes composent un contexte. Le parti avait, en 2019, envoyé trois députés fédéraux du Hainaut vers Bruxelles et cinq députés régionaux du Hainaut vers Namur. Si les trois sièges fédéraux sont arithmétiquement garantis, l’espoir d’un quatrième est faible, mais vit, la crainte de n’en retrouver que deux, elle, est inexistante. Mais c’est à la Région que le MR devra faire la différence s’il veut éviter la coalition wallonne PS-Ecolo-Les Engagés que l’isolement réformateur semble promettre. Et c’est à la Région que, grâce au mécanisme de l’apparentement, une voix n’est jamais vraiment perdue: elle peut profiter à un camarade d’un autre arrondissement.
Le président Bouchez mènera la liste fédérale, c’est acquis. Il donnera la réplique à Paul Magnette, tête de liste socialiste, et à Jean-Marc Nollet, tête de liste écologiste. Il a sans fatigue, ces dernières années, semé pour que les voix de préférence se récoltent comme jamais (record à battre: les 67 000 d’Olivier Chastel en 2007). Est également acquise la troisième place fédérale de Denis Ducarme.
Mais c’est dans la subséquente distribution des rôles féminins que cela se tend. Le dénouement devra se célébrer à Ath, le dimanche 14 janvier, aux vœux réformateurs, où les candidats emblématiques seront présentés. Il y a trois candidates pour la deuxième place fédérale.
On dit que le président réformateur, qui cache aussi peut-être une surprise, a choisi le tiers qu’il préférait comme binôme: la jeune (30 ans) députée wallonne Rachel Sobry, récemment installée à Thuin mais originaire de la Botte du Hainaut.
Les deux autres postulantes, députées fédérales, s’inscrivent dans une histoire plus longue: Marie-Christine Marghem, de Tournai, et Caroline Taquin, de Courcelles.
Les deux députées fédérales sortantes souhaitent le rester. Le président, et certains autres réformateurs qui comptent, préféreraient les voir en campagne à l’échelon régional.
Mais la première, Marie-Christine Marghem, est appuyée par une résolution du bureau de la fédération MR de Wallonie-Picarde. Le bureau fédéral a, dès octobre dernier, intronisé le bourgmestre de Péruwelz, Vincent Palermo, comme tête de liste régionale, et réclamé la deuxième place fédérale pour Marie-Christine Marghem.
L’ancienne ministre de l’Energie tient à ce niveau de pouvoir, et les sollicitations de Georges-Louis Bouchez, voire de Sophie Wilmès et de Willy Borsus, n’y ont rien fait jusqu’à présent. L’hypothèse d’une deuxième place à l’Europe, pourtant plutôt vouée à une Bruxelloise (Valérie Glatigny, par exemple) si Charles Michel tire bien l’attelage réformateur, a même été suggérée.
Doublement doublé
Dans sa circonscription régionale de Wallonie picarde (sept sièges, deux MR en 2019), la députée wallonne de Celles, Véronique Durenne, pourrait suivre Vincent Palermo, si les souhaits du MR de l’arrondissement priment sur ceux des MR de la province et du pays entier.
La seconde, Caroline Taquin, désire continuer à cumuler une carrière parlementaire avec son mayorat de Courcelles, dérobé en 2012 aux socialistes, et consolidé depuis. C’est impossible si elle accepte la deuxième place régionale qui lui est proposée – elle ne figurera alors pas dans les députés-bourgmestre de son groupe au taux de pénétration le plus élevé. C’est risqué si elle choisit la quatrième place fédérale qui ne lui est pas inaccessible – le MR n’avait enlevé que trois sièges en 2019 dans le Hainaut, alors qu’il y en avait 18 à attribuer.
Le souvenir de sa hiérarchie de 2019 empêchera à sa hiérarchie de 2024 de se rappeler de celui de sa hiérarchie de 2014. En 2019, elle avait menacé de se retirer sur sa chère commune pour obtenir la troisième place aux dépens de Georges-Louis Bouchez. Mais maintenant, sa hiérarchie, c’est lui.
Georges-Louis Bouchez avait, aux législatives de 2019, subi un traumatisme personnel.
Dans sa circonscription régionale de Charleroi-Thuin (dix sièges, deux MR en 2019), c’est le ministre Adrien Dolimont qui sera donc tête de liste face à Thomas Dermine (PS) et Germain Mugemangango (PTB). Très ancré à Ham-sur-Heure-Nalinnes, dans l’ancien arrondissement électoral de Thuin, le ministre régional du Budget et des Sports devrait idéalement être suivi d’une représentante de l’arrondissement de Charleroi plutôt que par Rachel Sobry, thudinienne elle aussi. C’est une autre raison qui justifie l’insistance provinciale et nationale pour voir Caroline Taquin quitter l’échiquier fédéral.
Au sortant Nicolas Tzanetatos, député wallon et chef de groupe au conseil communal de Charleroi, alors, ne resterait qu’une incertaine suppléance, régionale ou, encore moins certaine, fédérale, pour poursuivre son travail parlementaire. Le Carolorégien serait, à cette aune, la principale victime de cette chamaille hainuyère, doublement doublé par l’emménagement de Denis Ducarme à Charleroi et par la désignation d’Adrien Dolimont à Namur.
Les autres arrondissements régionaux sont, eux, déjà pourvus. Dans la circonscription du Centre (cinq sièges, aucun MR en 2019), Maxime Daye, bourgmestre de Braine-le-Comte, président de l’Union des villes et communes de Wallonie, conduira les cinq candidats réformateurs, et dans la circonscription de Mons-Borinage (cinq sièges, un MR en 2019), c’est à Jacqueline Galant que sera, comme en 2019, dévolue la tête de liste.
S’il veut siéger comme député européen, Charles Michel devra anticiper son départ du Conseil de l’UE
L’ancien Premier ministre, c’est de plus en plus assuré, devrait conduire la liste de son parti pour le scrutin européen. Valérie Glatigny est pressentie pour le seconder, Olivier Chastel pour le suppléer, tandis que l’on ne sait toujours pas de quoi l’avenir politique de Didier Reynders sera fait. Le poste de président du Conseil européen n’est pas incompatible avec le statut de candidat député européen. Mais si Charles Michel choisit de siéger, il lui sera impossible de mener son mandat à son terme prévu de décembre 2024. Jusqu’au 16 juillet, date à laquelle le nouveau Parlement européen sera installé, Charles Michel devra donc simultanément piloter la suite de sa carrière et la procédure de sélection de son successeur parmi les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union. Mais il ne pourra pas laisser le dilemme durer plus longtemps. Car contrairement à ce qui se pratique dans nos parlements, un eurodéputé qui laisse son suppléant siéger ne peut pas reprendre son siège, et le perd à tout jamais. Le plus probable, si le Brabançon n’est pas appelé à d’autres fonctions internationales d’ici là, est qu’une fois les nouveaux rapports de force continentaux connus, et les grands compromis décidés, il quitte à l’été le Conseil, pour s’installer au Parlement européen avec, comme ambition minimale, la position huppée de chef de groupe libéral (on dit désormais Renew) dans l’assemblée continentale. Et la perspective, sait-on jamais, d’encore jouer un rôle de premier plan pour son pays, ou même son parti, plus tard.
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