Pourquoi Bruxelles et Liège captent une bonne part des subsides de Bénédicte Linard
La plus grande part de subsides facultatifs accordés par Bénédicte Linard (Ecolo) au cours de la mandature s’est dirigée vers des bénéficiaires de la région bruxelloise. En matière de culture, c’est assez logique.
Ministre de de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des Femmes, Bénédicte Linard habite à Enghien, dans la circonscription de Tournai-Ath-Mouscron, en province de Hainaut.
Depuis le début de la législature, elle a décerné 29.224 subsides facultatifs (1) ou tranches de subsides pour un montant de 215.628.819,84 euros.
Pour cette analyse, afin de pouvoir décrypter la répartition géographique des subsides, ceux-ci ont été divisés en deux catégories:
- Ceux accordés à un bénéficiaire dont l’action n’a pas de barrière géographique (typiquement des subventions pour la coopérative de travailleurs et travailleuses Smart). Ces derniers représentent 13,3% des subsides octroyés pour un montant de 28,7 millions d’euros.
- Ceux qui bénéficient à un récipiendaire dont l’action se situe sur une commune particulière, éventuellement avec ses environs (par exemple des subsides au Foyer culturel de Beloeil ou, de manière un peu moins « localisée », des compagnies de théâtre, plus ou moins implantées dans une région). Ces derniers représentent 86,7% de la somme totale, soit 186,97 millions d’euros. Les explications « où vont les subsides » ci-dessous ne portent que sur cette catégorie.
Où vont les subsides Bénédicte Linard? En région bruxelloise avant tout
Du point de vue géographique, la ministre a accordé 13.105 subsides ou tranches de subsides en Région de Bruxelles-Capitale. Cela représente un montant de 99,9 millions d’euros, soit 53,4% du montant total. Et en particulier à des bénéficiaires situés sur les communes de:
- Bruxelles (23,4 millions d’euros)
- Saint-Gilles (19,7 millions d’euros)
- Schaerbeek (11,7 millions d’euros).
Par ailleurs, la proportion de subsides par habitant est la plus élevée dans les communes de Saint-Gilles (403,89 euros/habitant), Saint-Josse (151,25 euros) et Forest (135,84 euros).
Étant donné ses compétences ministérielles, cela s’explique en grande partie par la présence de nombre d’opérateurs en région bruxelloise. En matière culturelle particulièrement, les grandes villes ont un rôle de centralité. « Une majorité d’opérateurs culturels se situent dans les métropoles, Bruxelles et Liège en tête. C’est un héritage historique, qui se vérifie aussi dans d’autres capitales européennes, en ce qui concerne Bruxelles. Cela étant, depuis le début de son mandat, la ministre Linard a mis différentes choses en place pour rendre la culture accessible partout sur l’ensemble du territoire », commente sa porte-parole, qui insiste sur le travail de transparence et d’équité mené par Bénédicte Linard en la matière. Elle cite en exemple plusieurs secteurs dans lesquels un effort est réalisé pour couvrir l’ensemble du territoire : le financement de toutes les bibliothèques à travers le décret « Lectures publiques », des moyens pour les centres culturels, des chantiers d’envergure comme « le Grand Théâtre de Verviers ou le cirque en dur de Marchin », etc.
C’est ainsi qu’après la région bruxelloise, c’est la circonscription de Liège que se taille la deuxième plus grosse part du lion. C’est le cas, soit dit en passant, de tous les ministres de la FWB : Bruxelles en tête, Liège ensuite, et puis les autres.
Pour les subsides de Bénédicte Linard en particulier, après Bruxelles (53,4%) figurent:
- les bénéficiaires de la circonscription de Liège obtiennent 30 millions (16%)
- ceux de la circonscription du Brabant wallon : 11,9 millions (6,4%)
- ceux de la circonscription de Namur : 9,8 millions (5,2%)
- ceux de la circonscription de Tournai-Ath-Mouscron, celle de Bénédicte Linard : 9 millions (4,8%)
- ceux de la circonscription de Soignies-La Louvière : 5,4 millions (2,9%)
- ceux de la circonscription de Charleroi-Thuin : 4,4 millions (2,4%)
- ceux de la circonscription de la province de Luxembourg : 4,2 millions (2,2%)
- ceux de la circonscription de Mons : 3,5 millions (1,9%)
- ceux de la circonscription de Dinant-Philippeville : 3,2 millions (1,7%)
- ceux de la circonscription de Verviers : 2,9 millions (1,5%)
- ceux de la circonscription de Huy-Waremme : 2,8 millions (1,5%)
Toutes circonscriptions confondues, les trois communes dont les bénéficiaires récoltent le plus de subsides sont Liège (26.577 659,65 €), Bruxelles (23.422.717,45 euros) et Saint-Gilles (19.724.633,33 €). La proportion de subsides par habitant est la plus élevée dans les communes de Saint-Gilles (403,89 €/hab), Viroinval (199,82 €/hab) et Beauvechain (153,83 €/hab).
Si de nombreux opérateurs sont implantés en région bruxelloise, dont à Saint-Gilles, la présence de communes à moindre population comme Viroinval s’explique logiquement par le fait que l’impact d’un subside conséquent y est beaucoup plus important, par habitant.
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A quelle couleur politique bénéficient le plus ses subsides?
D’un point de vue politique, la ministre a accordé 3.774 subsides ou tranches de subsides à des récipiendaires basés dans des communes dont le/la bourgmestre est membre de son parti, Ecolo (qui constituent 3,6% des communes de la Fédération Wallonie-Bruxelles). Cela représente un montant de 24,7 millions d'euros, soit 11,5% du montant total. Et en particulier à des bénéficiaires situés sur les communes d’Ixelles (11,1 millions d'euros), Forest (7,7 millions) et Ottignies-Louvain-la-Neuve (2,3 millions).
A titre de comparaison, les communes dirigées par un/une bourgmestre PS sont – et de loin – celles qui reçoivent de façon cumulée la plus grosse manne. Et ce n’est pas une surprise, puisque la plupart des grandes villes ont un/une bourgmestre socialiste : Liège, Bruxelles, Saint-Gilles, etc.
Par ailleurs, Bénédicte Linard a attribué 5 subventions à des associations liées à son parti. Cela représente un montant de 171.300 euros. Il s’agit de subventions au « centre d’animation et de recherche en économie politique » Etopia.
En comparaison, elle a également attribué 43 subventions à des organisations liées au PS (Institut Emile Vandervelde, Centre socialiste Education permanente du Brabant wallon...), ce qui représente un montant de 973 296,15 €, soit 0,45% des subsides attribués.
Elle a également attribué 58 subventions à des organisations liées au MR (notamment le Centre Jean Gol), ce qui représente un montant de 293 212,96 euros, soit 0,14% des subsides attribués.
Confessionnel: quel "pilier" décroche le plus de subsides?
D’un point de vue confessionnel, la ministre a attribué 77 subsides ou tranches de subsides à des associations montrant une appartenance au monde catholique, protestant, musulman, laïque ou autre.
- Au monde chrétien dans son ensemble, 36 subventions pour un montant total de 384 284,99 euros. Il s’agit par exemple de divers subsides aux antennes de la RCF, la Radio chrétienne francophone.
- Au monde juif ou judaïque, 14 subsides pour un montant total de 383 742,81 euros. Il s’agit par exemple d’un subside à l’Union des Etudiants Juifs de Belgique.
- Au monde laïque, 27 subsides pour un montant total de 172 680,95 euros. Il s’agit par exemple de subventions au Centre laïque de l’audiovisuel ou à la Fédération laïque des centres de planning familial.
Les "surprenants": drôles d'endroits pour des subsides
Par essence, serait-on tenté d’écrire, les matières culturelles subsidiées par Bénédicte Linard se définissent relativement peu par leur localisation. Une compagnie de théâtre, par exemple, est bien implantée quelque part, mais son rayon d’action dépasse largement celui d’une commune. Et il s’avère compliqué de le circonscrire à un territoire.
De temps à autre, il arrive aussi qu’un bénéficiaire se situe dans une commune alors qu’il organise un événement installé dans une autre, plus ou moins éloignée. C’est la raison pour laquelle il faut être prudent dans l’analyse des tendances géographiques.
C’est ainsi que l’ASBL Fête des Solidarités, implantée à 1000 Bruxelles, y est subventionnée, alors qu’elle est organisatrice du festival des Solidarités qui se tient à Namur. Signalons qu’elle a déménagé son siège social à Namur au 1er janvier 2023.
Au rayon des festivals, Couleur Café, à Laeken (Bruxelles), est organisé par l’ASBL Zig Zag qui reçoit des subsides, certes, mais qui est implantée à Auderghem. Et si le Festival international du rire de Liège se déroule bien… à Liège, c’est à Heusy (Verviers) que se trouve le siège social de son ASBL organisatrice, depuis 2021. Une localisation qui correspond aussi à la ville d’origine des organisateurs, le président de l’association étant un certain Bruno « Taloche » Counard.
(1) Par opposition aux nominatives et aux obligatoires, une subvention facultative est, juridiquement, une dépense qui n’est pas réglée par une loi (ou, ici, un décret) mais par un arrêté. Mais ces subventions ne sont pas distribuées par des ministres sans foi ni loi : elles sont encadrées par de nombreuses dispositions légales, qui limitent fortement la liberté du signataire. Il s'agit cependant incontestablement de la catégorie de subventions qui laisse le plus de marge à un mandataire politique pour orienter rapidement, et selon ses préférences, une partie des flux d’argent public sur lesquels il peut exercer un certain contrôle.
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