Bart De Wever empile les derniers mandats autant que les dérogations du Conseil du parti. © ID/Károly Effenberger

Pourquoi Bart De Wever dit toujours qu’il va partir, mais qu’il est toujours là

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Il domine la vie politique depuis vingt ans. Dans six mois, le président de la N-VA pourrait décider de l’avenir de la Belgique. Mais que pense vraiment Bart De Wever? Retour sur une vie politique de victime à travers une demi-douzaine de préceptes.

Bart De Wever dit toujours qu’il va partir mais n’est toujours pas parti (1/6)

La Nieuw-Vlaamse Alliantie est fondée en 2001. Elle hérite d’un parti, la Volksunie, que les politologues disaient «victime de son succès». Elle était née à la fin des années 1950, avait un temps rassemblé tout le mouvement flamand sur une revendication, le fédéralisme. Une fois celui-ci endossé par les autres partis se posait la question de la pertinence, politique et électorale, de la Volksunie. A la fin des années 1990, elle se déchire entre une pincée de progressistes qui finira par lancer le défunt Spirit, et une poignée de conservateurs menés par Geert Bourgeois.

Un référendum interne est organisé, les conservateurs l’emportent, mais pas suffisamment pour pouvoir tout conserver. Ils peuvent garder les locaux, les ressources et le patrimoine de la Volksunie, mais pas son nom. Ils lancent la N-VA. Bart De Wever en est. Il sera vice- président du parti en 2003. Le jeune historien a abandonné la thèse de doctorat qu’il préparait sur le Mouvement flamand après 1945. Il est né dans son sujet. Le père de Bart De Wever était membre de la Volksunie. Il a emmené son fils, à 3 ans, à sa première manifestation, pour la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Bart De Wever a arrêté sa thèse pour s’engager pleinement à la Volksunie, contrairement à son frère aîné, Bruno, docteur après une dissertation sur le Mouvement flamand avant 1945 et aujourd’hui historien à l’UGent. A 23 ans, Bart De Wever est déjà candidat aux élections communales à Anvers, sur une liste commune CVP-VU. Il rassemble 277 voix.

Le parti héritier de la Volksunie inscrit l’indépendance de la Flandre à l’article 1 de ses statuts. C’est le but des De Wever depuis trois générations. La N-VA est également en pointe sur la bonne gouvernance – on dit goed bestuur. Elle se dote d’instruments avancés de démocratie interne. Le cumul des mandats est, pour l’époque, assez rigoureusement limité. L’article 4.2 des statuts stipule qu’on ne peut la présider que durant deux termes de quatre ans consécutifs. La première expérience électorale de la N-VA, aux législatives de 2003, est catastrophique.

Seul le président Geert Bourgeois est élu à la Chambre. Celui-ci négocie alors un cartel avec le CD&V, devient ministre flamand après les élections régionales de 2004. Il entre dans le gouvernement (régional) Leterme, avec qui il a constitué le cartel. Il a sauvé son parti et les siens. Mais il ne peut plus le présider. Son vice-président lui succède, Bart De Wever dont on dit qu’il est son contraire en plus clair, ou son complément en plus frais. Il est d’abord coprésident par intérim, avec Frieda Brepoels, puis président de plein exercice. Il devient un Flamand célèbre, et un épouvantail à Wallons.

Mais il n’a statutairement droit qu’à deux mandats consécutifs. Il termine le premier en mars 2008, alors que le gouvernement (fédéral) Leterme s’installe et que, pour cette raison, le cartel explose, officiellement en septembre 2008. La N-VA est toujours indépendantiste. Elle redevient indépendante.

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Depuis lors, Bart De Wever empile les derniers mandats autant que les dérogations du Conseil du parti.

Il est réélu président de la N-VA en 2011. Il jure que ce sera la dernière fois. On présente Ben Weyts comme son successeur naturel. Puis en 2014. Il assure que c’est sa dernière dérogation. Il en réclame une autre en 2017, c’est promis c’est la der et Sander Loones semble s’imposer en incontournable légataire.

Le 14 novembre 2020, Bart De Wever n’a, comme à toutes les élections précédentes, aucun candidat successeur face à lui lorsque 96,8% des adhérents le reconduisent à la tête du parti, sous dérogation et pour la dernière fois, et avec des successeurs presque garantis, toujours Sander Loones ou parfois Zuhal Demir, ils y sont tous habitués, ça fait quinze ans que ça dure.

Tout comme son envie garantie de changer de carrière. «Je me demande si je vais continuer longtemps à faire de la politique […]. Cette année, j’ai dû lire que j’étais Milosevic, que j’étais Hitler […]. Cette image de monstre qu’on m’a faite, ça me touche», confie-t-il à La Libre Belgique en juillet 2008.

En 2016, son nom est associé à un scandale de promotion immobilière à Anvers. Il laisse couler des larmes et se demande s’il ne doit pas tout quitter parce que son honnêteté est mise en cause. En novembre 2023, au magazine Trends, il avoue qu’il ne croit plus en rien.

On croit lire un énième testament, avant qu’il annonce, deux jours plus tard, réfléchir à lancer des listes en Wallonie. Il va partir depuis des lustres. C’est imminent depuis quinze ans. Quinze ans plus tard, il est encore là dans la pleine lumière de l’éminence.

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