Conner Rousseau a-t-il bien fait d’engager Vooruit dans l’Arizona ? Il devra donner des réponses ce samedi soir à ses militants, et le 13 février dans la rue aux syndicats. © BELGA

Pour Vooruit, l’Arizona ouvre une période d’incertitude: «Il y aura des problèmes relationnels»

Sylvain Anciaux

Depuis ce vendredi soir, le monde syndical critique vivement l’accord de majorité dessiné par l’Arizona. Les socialistes flamands ont un peu plus de quatre ans pour convaincre de leur impact au sein du gouvernement.

Il était glacial, ce message du président du Parti Socialiste, Paul Magnette, envoyé vendredi soir suite à l’annonce d’un accord global pour l’Arizona. «Le gouvernement des droites MR/N-VA/Les Engagés va être installé, écrivait-il sur X en omettant de citer son homologue néerlandophone, Vooruit. Nous décortiquerons [l’accord] minutieusement et nous l’expliquerons de manière constructive à chacun et chacune, en proposant toujours des alternatives plus justes.» Autrement dit, les socialistes francophones annoncent une opposition intense aux mesures du nouveau gouvernement, comme les syndicats l’ont déjà démontré avec des grèves et manifestations chaque 13 du mois.

De l’autre côté de la frontière linguistique, les militants socialistes peuvent donc se demander pourquoi leur leader, Conner Rousseau, a décidé de monter dans ce gouvernement. 95% d’entre eux ont d’ailleurs validé la participation de leur parti au premier exécutif belge de l’histoire gouverné par un nationaliste ce samedi soir lors du congrès. «Mais la démocratie interne ne représente vraiment plus rien, assène le politologue Dave Sinardet. L’accord définitif ne devrait même pas être publié avant le vote. Il faudrait abolir ces congrès ridicules.»

Pour Vooruit, l’Arizona est l’occasion de prendre ses responsabilités

Alors que Bart De Wever entrait au Palais Royal, vendredi, Vooruit communiquait déjà sur son site internet les raisons de sa participation à l’Arizona. Et la posture est claire: c’est celle de la responsabilité. « Quand le monde est en feu, nous aidons à l’éteindre. D’autres restent en sécurité dans les casernes, nous osons prendre nos responsabilités. Nous osons prendre et expliquer des décisions difficiles . Mais seulement si les efforts sont répartis équitablement et que tout le monde participe, y compris les grandes fortunes.»

En douze points, les socialistes flamands expliquent assez concrètement ce qu’ils comptent faire dans ce gouvernement, et marquent même un premier bilan, comme la sauvegarde de l’indexation automatique des salaires. La liste vante notamment la limitation des allocations de chômage dans le temps, une politique migratoire plus stricte, une tolérance zéro pour les drogues autour des gares… Bien sûr, des mesures plus «à gauche» sont citées telles que le fameux impôt de 10% sur les plus-values des actions, la fameuse contribution des «épaules les plus larges», ou la fin du subventions aux énergies fossiles (qui est ici présentée comme un objectif, pas une promesse).

Voilà les quelques trophées que pourra présenter Conner Rousseau à son parti, ce samedi soir, en congrès. «C’est vraiment une situation très difficile, souffle une influente socialiste néerlandophone. Conner à tout donné, sans nous l’accord aurait été beaucoup plus à droite, et faire échouer les négociations après sept mois aurait été mal vu, mais certaines parties de l’accord seront sans doute imbuvables pour une partie de nos membres.» Vooruit a-t-il donc pris un risque pour son avenir électoral en s’engageant comme seul parti de gauche dans l’Arizona? «Oui, il y a un risque, répond Dave Sinardet. Mais ils pourront aussi dire que c’est un parti fort, qui a pris ses responsabilités en jouant un rôle important dans le gouvernement, on pense notamment au ministère de la Santé, qui pourrait être une victoire sur Les Engagés s’ils l’obtiennent. Et la menace de Groen et du PVDA est assez faible, en Flandre.»

Des tensions dans la famille socialiste à prévoir

Ces acquis, le président de la FGTB (qui s’exprime pour son camarade néerlandophone Bert Engelaar, Secrétaire Général), Thierry Bodson, les considère avec prudence. «C’est toujours la même chose. C’est vrai que l’accord initial était pire que celui-ci. Le retrait de l’indexation a été gommé, mais pour le reste, c’est le cahier de revendications du banc patronal

Sur le fond, le syndicaliste regrette que la concertation sociale soit «malmenée», comme pour la fin de la revalorisation salariale d’office la nuit, le dimanche ou un jour férié. «Alors oui, l’employé pourra toujours négocier un sursalaire. Mais c’est plus compliqué quand il n’y a plus le rapport de force syndical. Le rôle des syndicats va se retrouver amoindri. Le texte établit un rapport de force clairement en faveur du patronat.» Il pense notamment au quota de 360 heures supplémentaires autorisées par an, dont 240 sans sursalaire, à la perte d’avantages en cas de changement d’employeur, où à une réforme fiscale dont il estime qu’il faudra créer 500.000 emplois pour en voir l’efficacité.

Et si Thierry Bodson observe une perte de puissance pour son organisation syndicale, il prédit cependant le maintien d’une forte mobilisation populaire. «Il n’y aura pas besoin des syndicats pour protester contre l’Arizona, on verra bien le 13 février quand des 50 ou 100.000 personnes descendront dans la rue.» Des syndicats socialistes qui manifesteront donc contre un gouvernement où siègent des socialistes, le président de la FGTB ne s’en cache pas, «il va y avoir des problèmes relationnels avec Vooruit.» Y a-t-il de l’eau dans le gaz dans l’historique pilier socialiste ? «Pour le pilier, je ne sais pas, mais au sein de la famille politique socialiste, c’est assez clair.»

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