Pourquoi le MR et les Engagés veulent régulariser des personnes en séjour illégal: «Des réfugiés sont prêts à travailler. Ils ne demandent que ça!»
Série | Tous les tabous wallons ne sont pas tombés (4/10). Le nouvel accord de gouvernement wallon prévoit de régulariser les migrants, y compris en séjour illégal, capables d’exercer des métiers en pénurie, en leur délivrant des permis de travail temporaires. Mais ne dites surtout pas «politique de régularisation»…
Le contexte
«Faire tomber les tabous.» En présentant la Déclaration de politique régionale (DPR) et la Déclaration de politique communautaire (DPC), les deux formateurs/présidents de parti Georges-Louis Bouchez (MR) et Maxime Prévot (Les Engagés) ont rivalisé de déclarations ambitieuses. Les socialistes et les écologistes, battus, sont relégués dans l’opposition, et ne pourront pas les empêcher de mettre en œuvre un programme de réformes salué par tous les éditorialistes et auquel aspire une majorité de l’électorat francophone. Jamais le centre et la droite n’ont eu autant «les coudées franches» à la Région et à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pourtant, certains engagements (ré-)novateurs, beaucoup d’ambitions innovantes et quelques promesses de campagne disruptives ne devraient pas, à la lecture de la DPR et de la DPC, se réaliser. Voici les tabous que le MR et Les Engagés n’ont pas osé faire tomber.
Les uns ne le voulaient absolument pas, les autres le souhaitaient sans faire campagne sur le sujet. Il y a quelques mois, le ministre-président wallon Elio Di Rupo proposait de donner des papiers aux personnes en séjour illégal qui exerçaient ou qui étaient disposées à exercer des métiers en pénurie. Le MR, via Georges-Louis Bouchez puis Willy Borsus, ministre wallon de l’Economie, cassaient durement la proposition socialiste, peu soutenue dans l’opinion publique. Les Engagés s’y montraient plus ouverts, leur programme laissant une place à l’accueil et à la régularisation de migrants, en particulier de ceux qui travaillent. «Il faut un discours plus positif sur l’immigration», répétait souvent Maxime Prévot, avant qu’on ne soit vraiment en campagne (il est Engagé, pas suicidaire).
Les ministres régionaux, en Belgique, ont un rôle à jouer dans la politique migratoire: ce sont eux qui délivrent les permis de travail aux migrants. Et la déclaration de politique régionale présente plutôt des convergences avec ce que disaient Elio Di Rupo et Maxime Prévot avant la campagne qu’avec ce que Georges-Louis Bouchez et Willy Borsus disaient pendant. Les migrants, déjà en Wallonie ou pas, qui disposent des compétences pour exercer un métier, recevront, selon certaines conditions, un permis de travail qui régularisera leur situation.
«Permettre une intégration par le travail»
Attention, on ne pourra surtout pas définir ces opérations de régularisations de sans-papiers comme une opération de régularisation des sans-papiers (Georges-Louis Bouchez et Maxime Prévot font tomber les tabous, mais pas celui du suicide politique): «Simultanément à une activation accrue des demandeurs d’emploi et afin de répondre aux besoins dans les métiers en pénurie, le Gouvernement flexibilisera l’octroi de permis de travail temporaires pour les migrants, en concertation avec le pouvoir fédéral, afin de lutter contre le travail au noir et la traite des êtres humains, et pour permettre une intégration de ces derniers par le travail. Cette politique ne peut tenir lieu de politique de régularisation», dit en effet la page 38 de la Déclaration de Politique régionale (DPR).
Depuis son banc parlementaire, le Jodoignois Jean-Paul Wahl (MR) défend l’idée, jadis taboue pour les plus hauts dirigeants de son parti. «Il y a une réalité économique. D’une part, des fonctions nécessitent que l’on puisse faire appel à des compétences extérieures, parce que l’on n’a pas les compétences nécessaires. Et d’autre part, j’ai un centre de réfugiés dans ma commune, il y a des gens qui sont prêts à travailler, ils ne demandent que ça. Il faut probablement assouplir les règles à ce niveau. Je ne pense pas qu’une interdiction pure et simple a beaucoup de bon sens. C’est une question de modération. Et moi je suis un modéré…», conclut-il en riant, soulagé de pouvoir le dire aujourd’hui et sans doute heureux qu’on ne lui ait pas demandé avant le 9 juin (il est modéré, pas fou).
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