Pour ne plus “courir après le PTB”, certains PS plaident pour un recentrage
Les grandes explications sont remises à plus tard au PS, même si certains plaident déjà pour un recentrage du projet socialiste. C’est ce qui s’est dit au bureau de parti, lundi.
Un bureau de parti un lendemain de défaite est toujours un lieu plus propice au soin psychologique qu’à l’analyse politique. Et l’état de stupeur qui a gagné les socialistes du PS après « l’échec historique », on y reviendra, du 9 juin 2024, cinq ans après l’historique échec du 25 mai 2019, n’a pas favorisé la sérénité analytique. Même si cette stupeur a empêché les éclats de voix, elle n’a pas évité que le sommet du parti reparle de ce dont il parle quand ça va mal, le décumul.
Les socialistes sont battus, et comme tous les battus de tous les partis du monde, chaque socialiste pense que c’est la faute des autres, ceux des autres partis et les autres de son propre parti. Au PS aujourd’hui, tous pensent que la communication n’a pas été bonne, certains pensent que la ligne n’a pas été la bonne, mais tout le monde pense que ce n’est pas le moment de changer de président.
Même si le président, lui, ne vit pas sa meilleure vie. Même s’il n’est pas impossible que sa présidence ne dure plus que quelques mois. Et même si des membres du bureau du Parti socialiste veulent changer de président.
Lorsqu’il a entamé la réunion du bureau de parti, le 10 juin après-midi, Paul Magnette a proposé de démissionner immédiatement si le bureau l’acceptait, et le bureau ne l’a pas accepté, même les membres du bureau qui pensent que la communication n’a pas été bonne et la ligne choisie par le président non plus, même ceux qui en veulent personnellement et politiquement à Paul Magnette. Elio Di Rupo a résumé le sentiment général en insistant sur le calendrier, sachant que seul un été sépare la défaite du 9 juin des communales du 13 octobre, et qu’il ne faudrait pas donner aux électeurs l’impression que le Parti socialiste aurait passé l’été à se déchirer entre candidats à la présidence, ou à se faire diriger par un président démissionnaire. C’est que ce sentiment général n’était pas seulement orienté par le trauma de la veille, il était aussi conditionné par l’instinct de survie. La véritable bagarre, si bagarre il y a, parce qu’il n’est pas impossible non plus qu’en cas de défaite Paul Magnette propose alors une démission plus admissible ou qu’en cas de triomphe la vie large continue, se disputera après les communales.
La véritable bagarre, si bagarre il y a, se disputera après les communales.
PS: l’air de «courir après le PTB»
Paul Magnette a dit que personne n’avait vu venir une si écrasante victoire du MR, au contraire de celle des Engagés, et il a rappelé que le PS s’était fait découper par une double lame. La première est passée lors des précédents scrutins, elle a vu des dizaines de milliers d’électeurs déçus, à gauche, et quitter le PS pour le PTB. La seconde a profité aux Engagés, et a vu ce 9 juin des électeurs plus centristes se déporter du PS pour renflouer le centre réinventé de Maxime Prévot. Entre les deux, la communication du PS a été agressive, pensée pour répondre au PTB sur le ton du PTB, et si les uns ont trouvé qu’elle a pu juguler les fuites vers la gauche, beaucoup d’autres ont estimé qu’elle avait encouragé une déperdition sur le centre. Dans les deux cas, personne n’a osé émettre l’hypothèse que se donner l’air de «courir après le PTB», l’expression est revenue à de très nombreuses reprises, a permis de gagner de nouveaux électeurs.
Debout, au fond de la salle, le bourgmestre de Mons Nicolas Martin, meilleur taux de pénétration de Wallonie comme tête de liste régionale dans l’arrondissement de Mons-Borinage, qui a largement battu Georges-Louis Bouchez et Paul Magnette en voix de préférence sur le territoire montois, et qui l’a rappelé par un habile communiqué de presse lundi après-midi, juste après le bureau, a été le plus incisif. Nicolas Martin n’était pas le plus à gauche de l’assemblée, il ne l’a jamais été dans son parti, et il a plaidé pour l’urgence d’un recentrage doctrinal et même idéologique. Il a déploré les propos plutôt durs de certains socialistes, dont son président, envers les patrons, et il a expliqué qu’il avait, lui, bien vu venir la droitisation d’une partie de l’électorat traditionnel du PS, y compris sur les questions socioéconomiques. Et il a affirmé que ce que le PS avait subi ce n’était pas «une érosion», comme l’avait déclaré Paul Magnette lors de son allocution au soir du 9 juin, mais un échec historique.
Aujourd’hui, les voix des Bruxellois pèsent plus puisque l’échec est exclusivement wallon.
Le retour du décumul
Nicolas Martin a aussi défendu le cumul des mandats de parlementaire et de bourgmestre ou échevin, alors qu’il avait jadis imposé à la Fédération de Mons, qu’il préside, un décumul intégral aux membres des exécutifs de commune de plus de 25.000 habitants.
Cet appel à un recentrage et à revaloriser cette figure du député-bourgmestre a été appuyé par une belle poignée de députés-bourgmestres. Cette strate du parti est, depuis 2017, en froid relatif avec Paul Magnette qui, à l’époque, avait vainement plaidé pour que les statuts du PS imposent le décumul intégral –ils n’obligent qu’au décumul financier (un bourgmestre peut cumuler tant qu’il reste payé comme un parlementaire). Des figures comme Eric Thiébaut, député-bourgmestre d’Hensies, Laurent Devin, de Binche, ou Dimitri Legasse, de Rebecq, qui défendent cette double ligne depuis longtemps, sont allés dans le même sens.
Ahmed Laaouej, député-bourgmestre de Koekelberg et président de la fédération bruxelloise du PS, est aussi favorable au cumul, mais il a plaidé, lui, contre tout recentrage. Comme Christophe Lacroix, député-bourgmestre de Wanze, qui a recommandé à Paul Magnette de davantage écouter les députés et les élus locaux. Les autres Bruxellois qui sont intervenus également. Leur voix pèse aujourd’hui plus qu’hier, puisque l’érosion ou l’échec historique du PS, en ce 9 juin, est exclusivement wallon. A Bruxelles, les socialistes ont maintenu leurs positions, et ont même gagné un siège à la Chambre.
L’échevine de Charleroi Babette Jandrain, candidate malheureuse aux régionales dans son arrondissement et ancienne présidente de la fédération socialiste de Charleroi, a avoué regretter avoir, jadis, plaidé pour le décumul intégral. Cette discussion sur le décumul avait marqué les dernières années de présidence d’Elio Di Rupo. Elle revient déjà pour menacer celle de Paul Magnette. Toujours autour d’un trauma.
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