A l’issue des élections communales, DéFI a la gueule de bois. © BELGAIMAGE

Pour DéFI, c’est désormais muer ou mourir (analyse)

Une crise au printemps, une première débâcle électorale le 9 juin et une seconde le 13 octobre. Dans un désordre idéologique, DéFI doit renverser la table, avaler les couleuvres, et changer de ligne. En attendant, le parti amarante passe en mode mineur.

Il y a les gueules de bois, et les gueules de bois particulièrement difficiles. Celles où l’on se dit qu’on ne touchera plus jamais une goutte d’alcool et que les grandes soirées endiablées, c’est fini. Le mal de crâne qui a frappé les cadres de DéFI, réunis au lendemain du scrutin communal à l’occasion d’un bureau de parti, est fait de ce bois là. Il était même si fort que certains, comme Bernard Clerfayt (5.310 voix de préférence perdues en six ans), ne sont pas venus.

Les présents ont, eux, posé une gerbe sur l’idée de voir un jour DéFI reprendre du galon. «La marque DéFI ne fonctionne plus, reconnaît le président des amarantes bruxellois, Fabian Maingain. Il faut une refondation complète du parti, de la marque et de la manière dont on communique.»

DéFI s’apprête donc à changer de nom, de couleur, de visage. En ligne de mire: les élections de 2029, qui amorceront soit un nouveau départ, soit la chute définitive du parti, 65 ans après sa création.

«Changer de logiciel»

En Région bruxelloise, DéFI a perdu 34 de ses 94 conseillers communaux. «La chute est rude, admet Pierre Vercauteren, politologue à l’UCLouvain. Cela étant, on a déjà annoncé l’inéluctable disparition de nombreux partis et courants politiques en Belgique sans que cela ne se produise.» Maxime Prévot, président des Engagés, peut en témoigner. Le politologue avance notamment deux raisons expliquant la dégringolade des amarantes: d’une part, la nouvelle génération n’est pas parvenue à fidéliser la base électorale constituée par les personnalités parties à la retraite; d’autre part, le logiciel idéologique du parti est désuet. «Depuis la sixième réforme de l’Etat, d’autres enjeux sont bien plus importants que ceux en lien avec le communautaire, disparus principalement sous le gouvernement Michel», note Pierre Vercauteren.

«Il faut changer de logiciel», concède Fabian Maingain. Ce logiciel, chez DéFI, c’est la défense des intérêts des francophones en Région bruxelloise. D’ailleurs, la N-VA, qui carbure aussi sur ce thème communautaire, a également connu une débâcle ce 13 octobre puisqu’elle a perdu la totalité de ses conseillers communaux en région bruxelloise. «Je n’ai pas entendu beaucoup de candidats de DéFI aborder la question de la défense de Bruxelles et des Bruxellois», regrette celui dont le seul mandat, désormais, se trouve rue du Lombard, comme député bruxellois.

«Il reste de la place pour un parti qui combat tant le conservatisme que le communautarisme, assure Sophie Rohonyi, la présidente du parti. La laïcité, l’attachement aux fonctions régaliennes fortes, la défense des intérêts des francophones… Ces combats resteront d’actualité même si la N-VA est absente de Bruxelles. En un mois, deux crèches ont fermé dans ma commune pour des raisons communautaires. […] En 2029, après un mandat de l’Arizona, on aura de mauvaises surprises sur le plan communautaire.»

«Il existe toute une frange de la population à qui l’on ne parle plus. Je penche pour adopter une vision plus démocrate sociale.»

Fabian Maingain, président de DéFI Bruxelles

Fabian Maingain le sent, le voit, le sait: le vent n’a pas tant tourné à droite que ça. «Il y a toute une frange de la population à qui l’on ne parle plus. […] La droite ne s’étend pas à Bruxelles. C’est une ville de gauche. Dans tout ça, nous devons réincarner le vote utile. C’est une opinion personnelle, mais je penche pour adopter une vision plus démocrate sociale.» Le créneau du centre-droit étant désormais incarné par Les Engagés, DéFI devra manœuvrer ailleurs. «On doit retrouver cette notion de vote utile, d’autant plus sur une scène politique de plus en plus polarisée, et de plus en plus populiste», parie-t-il.

Aggiornamento

«C’est un challenge pour tout parti, un jour ou l’autre, de faire un aggiornamento (NDLR: une mise à jour) pour s’ancrer dans la réalité dans laquelle il évolue, prévient Pierre Vercauteren. C’est très clairement ce qu’a fait Maxime Prévot.» Le processus a lieu en deux étapes: d’abord le programme, ensuite les personnalités.

Pour avoir une force de frappe, il faut aussi des moyens. Les dotations aux partis étant liées aux nombre d’élus de ceux-ci, le budget de DéFI sera forcément réduit. «On devra être modestes, convient Fabian Maingain. Mais on avait déjà commencé en juin, et l’on ne s’attendait pas à ce qu’octobre remplisse les caisses.»

2029 est désormais la prochaine échéance. Les Engagés aussi ont eu cinq ans pour relever la tête. Un temps suffisamment long que pour refondre totalement le parti et lui insuffler une nouvelle dynamique. Assez long, aussi, pour mourir dans l’anonymat… «Le travail sur le terrain des mandataires actuels sera un élément clé», analyse Pierre Vercauteren. Quels mandataires? Sophie Rohonyi, l’actuelle bourgmestre d’Auderghem, et Sophie de Vos, formée pendant un demi-mandat par l’ancien bourgmestre Didier Gosuin, représentent l’idéal de transition qu’aurait dû amorcer le parti amarante. «Là où l’on garde des maïorats, c’est là où l’on a su assurer une génération intermédiaire.»

Et si, malgré tout, la mue de DéFI ne suffit pas à endiguer la chute du parti et que 2029 marquait l’entrée en phase terminale? Sophie Rohonyi ne le conçoit pas. «Ce lundi matin, en bureau de parti, nous étions tous d’accord pour dire que ce n’est pas parce que nous sommes en difficulté que nous sommes morts.» C’est pourtant parfois l’impression que l’on a lorsque la gueule de bois frappe fort.

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