Piège à l’emploi: un travailleur peut-il réellement gagner moins qu’un allocataire social?
A en croire l’Open VLD, certains travailleurs gagnent moins qu’un allocataire social. Aussi le parti souhaite-t-il que la différence entre travailler et ne pas travailler atteigne au moins 500 euros. Mais un travailleur peut-il réellement gagner moins qu’un allocataire social? Analyse.
Samedi 13 mai, au cours d’un congrès organisé à Gand, les libéraux flamands ont martelé que l’écart de revenu entre un travaillleur et un non travailleur devait s’élever à au moins 500 euros. Ils ont proposé différentes solutions pour parvenir à cet écart. Ils souhaitent notamment que tous les avantages sociaux soient rassemblés en un seul. « Nous sommes d’accord avec les jeunes Open VLD pour tout rassembler dans un instrument qui serait un crédit d’impôt lié au revenu. Il rassemblerait les avantages sociaux au niveau fédéral, régional et communal, et donc le ‘job bonus’, à l’exception des allocations familiales et des suppléments pour les études », a expliqué le vice-Premier ministre Vincent Van Quickenborne.
« Le modèle libéral ne peut être le modèle du hamac, mais celui des trampolines pour les gens qui peuvent et veulent sauter », souligne le député Jasper Pillen, l’un des artisans du congrès. Une obligation de travailler serait liée à ce crédit d’impôt. « Nous le modulerons de manière à ce qu’un travailleur à temps plein reçoive au minimum 500 euros en plus qu’une personne qui ne travaille pas. »
Plafonner les avantages sociaux
Le président de l’Open VLD Egbert Lachaert souhaite même plafonner « les avantages sociaux pour les non-travailleurs ». Pour lui, ceux qui font « des efforts insuffisants » devraient même, à un moment, perdre le droit à un revenu d’intégration pour ne retomber que sur « un soutien purement indispensable, matériel ».
Les libéraux flamands estiment en effet qu’il y a de plus en plus de gens « qui ne veulent pas travailler ». En cause, la dérive des allocations sociales et des avantages sociaux dans notre pays, affirment-ils à notre confrère de Knack Ewald Pironet.
« Les personnes qui bénéficient du tarif social, des tarifs réduits en crèche, des allocations sociales majorées, des aides pour le transport passent du on au off quand elles retravaillent, perdant alors l’ensemble de ces aides. Les assistants sociaux conseillent parfois aux gens de ne pas travailler! Nous, on propose donc qu’il y ait toujours un écart de 500 euros net entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas », déclare également la secrétaire d’Etat libérale au Budget, Alexia Bertrand au quotidien Le Soir.
Lire aussi | Le taux d’emploi à 72,3%, une bonne nouvelle?
Piège à l’emploi
L’économiste Philippe Defeyt fustige la proposition de l’Open VLD, non adaptée selon lui à chaque situation individuelle. « Il est évident que la situation n’est pas la même en termes de piège à emploi pour le ménage, si votre conjoint travaille comme salarié ou s’il est chômeur », explique-t-il. Pour rappel, le piège à l’emploi, c’est une situation où une allocation est plus financièrement intéressante que travailler.
Ces pièges à l’emploi sont-ils une réalité ? Philippe Defeyt rappelle qu’une personne qui travaille à temps plein ne peut gagner moins qu’une personne qui bénéficie d’un revenu d’intégration sociale. « Le salaire minimum pour un temps plein s’élève en effet à 2 070 euros par mois (pour la RMMMG de la CP 329.03), ce qui revient à 1 862 euros par mois nets pour une personne seule. Si cette personne percevait le revenu d’intégration sociale, elle aurait 1 214 euros. En outre, la plupart des secteurs accordent un 13e mois et un double pécule de vacances à leurs employés, qui augmentent le net mensuel d’environ 10% », explique-t-il.
En revanche, une personne qui travaille à temps partiel peut percevoir un salaire plus faible que le revenu d’intégration sociale, « mais elle ne pourra jamais au total avoir un revenu moindre que celui du CPAS, soit parce qu’elle aura droit à un complément accordé par le CPAS (différence entre le montant de son salaire et le revenu d’intégration correspondant) si elle est seule ou si elle est parent seul, soit parce qu’elle vit avec une autre personne qui elle-même a des revenus ; le revenu total du ménage est dans ce cas supérieur au revenu d’intégration », souligne Philippe Defeyt.
Si on tient compte de certains avantages sociaux tels que le statut BIM (Bénéficiaire de l’Intervention Majorée) ou le tarif social pour l’énergie – un travailleur peut disposer d’un niveau de vie inférieur à celui d’un allocataire social, affirme l’économiste. Cependant, l’explication principale demeure la faiblesse du salaire proposé et même imposé à beaucoup de demandeurs d’emploi peu qualifiés. Il souligne que hors période de surchauffe énergétique, « l’avantage apporté par le tarif social joue peu ». En outre, ces situations concernent surtout les parents seuls avec enfants. « Faut-il comprendre que Lachaert souhaite réduire les revenus et le niveau de vie de ces personnes, qui sont surtout des femmes? », s’interroge Philippe Defeyt.
« L’Open VLD part de clichés »
Interrogé par notre confrère de Knack, le professeur en sociologie spécialisé en pauvreté Wim Van Lancker partage l’avis de Philippe Defeyt. « L’Open VLD part de clichés, par exemple lorsqu’il parle de la ’dérive des allocations’ dans notre pays. Le nombre de chômeurs a baissé. Il dit aussi que ‘les allocations pour les personnes qui ne travaillent pas dans notre pays sont incroyablement élevées’, ce qui est contredit par les chiffres de l’OCDE », déclare-t-il.
« Le parti affirme vouloir ‘parvenir à ce que ceux qui travaillent soient toujours mieux lotis d’au moins 500 euros nets par mois que ceux qui ne travaillent pas’. D’où viennent ces 500 euros ? C’est parce que c’est un beau chiffre rond ? Et le pire, c’est que dans la plupart des cas, une personne qui travaille à temps plein dispose déjà de 500 euros de plus que celle qui ne travaille pas. Et si quelqu’un choisit de rester à la maison pour s’occuper d’un enfant handicapé, par exemple, la différence doit-elle aussi être de 500 euros? Pour tout le monde et pour toujours? », s’interroge Wim Van Lancker.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici