Nouvelle attaque patronale contre l’indexation automatique des salaires: «Pourtant, beaucoup de corrections ont déjà été apportées»
L’indexation automatique des salaires est dans le viseur de l’Arizona. Un nouveau lissage? L’uniformisation des régimes? Uu simplement l’annulation pure et dure du mécanisme? Nul ne sait encore ce que Bart De Wever et les partis ont trouvé comme accord. Mais les organisations patronales y ajoutent déjà leur grain de sel.
«L’indexation automatique des salaires, en janvier, tournera autour de 3,5 %. Certaines entreprises ne peuvent simplement pas y faire face ! C’est aussi un énorme désavantage concurrentiel. Ce modèle n’est pas tenable. Une des solutions à apporter à cela, c’est d’agir sur le timing de l’indexation, en phasant les hausses. Mais aussi de fixer un plafond à l’indexation des salaires», proposait dans La Libre mardi le président de la Voka, fédération patronale flamande, Rudy Provoost. Dans la même journée, son homologue francophone de la FEB sortait dans Le Soir pour alerter sur l’état du secteur privé victime d’un double handicap: «le coût horaire plus élevé et les coûts d’énergie trois fois plus élevés».
Il y a fort à parier que ces déclarations aient été lues par les négociateurs de l’Arizona qui prévoiraient notamment de retarder et limiter l’indexation des salaires et de permettre à certaines entreprises ou secteurs de ne pas appliquer les hausses salariales prévues, souligne encore la CSC mercredi.
L’indexation des salaires: un outil de paix sociale
Pourquoi ces nouvelles attaques à l’indexation automatique des salaires? «On a l’impression d’un discours patronal univoque, observe Jean Faniel, directeur général du centre de recherche et d’information socio-politique (Crisp) et chercheur sur les mécanismes de négociation sociale. A y regarder de plus près, c’est peut-être moins le cas. L’UCM (Union des Classes Moyennes) et la grande distribution via Comeos ont le sentiment que l’indexation est un mécanisme de dynamisme économique pour la consommation intérieure.»
D’autant plus que l’indexation automatique des salaires est, selon Jean Faniel et l’économiste (ancien député Ecolo) Philippe Defeyt, un exceptionnel outil de paix sociale. Un démantèlement de celle-ci provoquerait une réaction épidermique des syndicats. L’indexation automatique des salaires, malgré ses nombreux mécanismes qui diffèrent en fonction du secteur, permet d’estimer la masse salariale et d’anticiper son évolution. Cependant, seuls trois autres pays l’utilisent encore actuellement: le Luxembourg, Malte et Chypre. En France, il existe également une indexation du salaire minimum. Pour les autres, l’adaptation des salaires à l’inflation se décide lors d’âpres négociations sociales.
Monnaie d’échange
Ni dans La Libre, ni dans Le Soir, les patrons n’ont ouvertement remis en cause l’indexation des salaires en elle-même. Ce n’est peut-être pas pour rien. «Il faut se rendre compte que de nombreuses corrections ont déjà été apportées», note Philippe Defeyt. Il y a eu la modification du panier de la ménagère, le lissage de l’index sur des périodes plus longues, de même que pour l’indice santé. En 2017, il y a eu le durcissement de la loi de 1996 sur le blocage des salaires et puis, sous la Vivaldi, la baisse des cotisations sociales. Bref, si l’indexation ne saute pas, le patronat reste toujours gagnant en l’ayant transformé en monnaie d’échange, selon Jean Faniel.
Pour aider l’Arizona dans ses lentes négociations, Philippe Defeyt suggère l’idée d’indexer le salaire net à raison de deux fois par an à condition de faire de même pour les barèmes fiscaux. Un tel projet nécessiterait une fusion des (très nombreux) mécanismes d’indexation différents, ce qu’aurait par ailleurs envisagé l’Arizona avec une indexation annuelle. Les syndicats restent frileux sur une telle proposition, commente Jean Faniel, «car il n’y a jamais d’harmonisation via le meilleur système d’indexation».
D’autant plus que rien n’indique, poursuit le politologue, qu’alléger les épaules des employeurs n’impliquerait un sursaut du taux d’emploi. «Le taux de marge des entreprises se maintient à des taux exceptionnellement hauts alors que l’indexation a été la plus forte ces dernières années. Pourtant, une augmentation du résultat des entreprises ne garantit en rien que les bénéfices soient alloués à la création de l’emploi.»
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici