Georges-Louis Bouchez et réseaux sociaux
Georges-Louis Bouchez est le président de parti qui a le plus publié sur les réseaux sociaux en 2024 © BELGA MAG/AFP via Getty Images

Partis politiques et réseaux sociaux: pourquoi les algorithmes aiment autant Georges-Louis Bouchez

Le libéral francophone est le président de parti qui a le plus publié sur les réseaux sociaux en 2024, davantage même que le MR. Stratégie payante pour Georges-Louis Bouchez.

Comment les partis politiques se sont-ils comportés en ligne en 2024? Le spécialiste en marketing digital et réseaux sociaux, Xavier Degraux publie une étude sur «l’usage des réseaux sociaux par les politiques belges en 2024», dans le cadre d’une recherche menée pour le Centre de recherche et d’information socio-politique (CRISP). Voici ce qu’il en ressort.

Super année électorale oblige, les partis politiques et leur (co)président ont publié 64% de posts de plus en 2024 qu’en 2023. «C’est la première fois, je pense, dans l’histoire de la Belgique qu’il y a eu autant de scrutins organisés dans un si court laps de temps. L’ensemble des assemblées, européennes et locales, ont été renouvelées», rappelle Benjamin Biard, docteur en sciences politiques et chercheur au CRISP.

Georges-Louis Bouchez, star des réseaux sociaux

De ce palmarès, Georges-Louis Bouchez est incontestablement le champion, avec un total de 4.409 messages «organiques», c’est-à-dire non payants, postés sur ses propres réseaux, soit l’équivalent de 12 publications par jour en moyenne. «La plus grosse surprise c’est que Georges-Louis Bouchez soit en première position, loin devant les autres. Ce n’est pas surprenant de le retrouver sur le podium, on le savait présent mais pas dans ces proportions-là », s’étonne Xavier Degraux.

De fait, le président du MR devance de loin tous les autres présidents de parti: il a publié 85% de posts en plus que Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang, qui arrive à la deuxième place du classement. François De Smet (Défi) complète le podium avec 1.721 publications propres, suivi à la quatrième place par Raoul Hedebouw du PTB avec 1.429 posts. «Ce décalage entre une personnalité, quel que soit son bord, et le reste du paysage politique est inquiétant pour la démocratie. Il y a une personne qui inonde et personne en face pour répondre», regrette l’expert.

© Xavier Degraux

D’après le spécialiste des réseaux sociaux, cette omniprésence lui permet d’être «le maître du jeu» et de créer son propre agenda politique. Le libéral francophone s’inscrit dans une «stratégie de saturation de l’espace public, qu’on trouve plutôt chez les populistes d’habitude. Saturer les discussions, c’est créer des diversions sur les vrais enjeux politique», estime-t-il. A la Trump? «Je ne le comparerais pas à Donald Trump, même si c’est vrai qu’il y a une stratégie d’occupation, tempère Benjamin Biard. Que ce soit sur le plan personnel ou celui des idées».

«La volonté de visibilité de Georges-Louis Bouchez est très large, elle va au-delà des réseaux sociaux, note le politologue. On le voit dans sa présence sur les médias traditionnels ou dans les programmes plus originaux comme l’émission « Speciale Forces »». Le président du MR essaie de percoler en Flandre également et fait des apparitions régulières dans les médias au nord du pays. A chaque fois qu’il s’exprime dans les médias, il récupère les contenus et les diffuse sur ses réseaux comme si c’était les siens. Mais avec le cachet du média, qui vient crédibiliser sa parole», précise Xavier Degraux.

L’incarnation poussée à l’extrême

Si Georges-Louis Bouchez est omniprésent sur les réseaux sociaux, c’est aussi parce que le parti libéral joue à fond la carte de l’incarnation. Les canaux de Georges-Louis Bouchez ont diffusé 87% de messages en plus que les canaux officiels de son parti (2.359 posts en 2024 pour le MR), alors que la moyenne se situe à 36% en moins. Seuls lui et le président de Défi ont posté plus que leur parti en 2024. Le parti le plus prolifique sur les réseaux sociaux est le Vlaams Belang avec 4.769 posts, suivi par la N-VA avec 3.072 posts, puis le MR.

Publications des partis sur les réseaux sociaux en 2024

«Aujourd’hui, tout le monde sait en Belgique que Georges-Louis Bouchez est le président du MR. Tout le monde n’est pas capable de citer la présidence d’autres formations politiques, affirme Benjamin Biard. Il veut imprimer sa propre marque. Le MR de Bouchez n’est pas le MR de Charles Michel ou de Didier Reynders par exemple. Il essaie d’incarner une forme renouvelée du MR, ou lui dirait « plus authentique ». En tout cas, il essaie de repositionner le MR sur l’échiquier politique», poursuit le politologue.

La stratégie de Bouchez semble payante. Le «retour sur investissement» des réseaux sociaux est au rendez-vous, souligne Xavier Degraux, puisqu’au total tous les posts de GLB ont suscité 1.634.322 interactions publiques (likes, partages et commentaires). Succès également du côté de Tom Van Grieken, ses posts ont suscité 1.681.367 engagements, soit 3% d’engagement de plus que son homologue du MR.

Le succès des posts incarnés s’explique par le fait que «les humains s’identifient beaucoup plus à d’autres êtres humains», qu’à des idées ou des partis, commente Xavier Degraux. «Nous sommes dans un monde « peopolisé » et Georges-Louis Bouchez joue bien là-dessus, comme le montre le recrutement de Julie Taton par exemple. Ca fonctionne aussi pour l’extrême droite, en Belgique comme en France: un visage humain, c’est un masque qui dédiabolise».

Les algorithmes aiment la polémique

Mais incarnation et présence ne font pas tout. Pour exister sur les réseaux sociaux, il faut susciter polémique et réactions. «La force de Georges-Louis Bouchez sur les réseaux sociaux réside dans le fait qu’il assume pleinement ses idées et est prêt à combattre: il aime le débat, il est vindicatif. L’algorithme l’encourage, il favorise les « clasheurs ». Il a une autre tonalité que les populistes classiques, il joue avec les recettes de l’extrême droite mais ajoute une couche de contenu», analyse Xavier Degraux.

Avec ses 1.721 publications, l’ex-président du parti amarante, troisième en nombre de posts présidentiels diffusés l’an dernier, n’a suscité « que » 55.180 interactions, 29 fois moins que « GLB », note l’étude. «François De Smet n’avait pas le même nombre de followers, ni les mêmes moyens budgétaires que le MR, et ses propos étaient nuancés. Il savait qu’il ne pouvait pas remporter les élections et devait donc ménager les futurs leaders potentiels. Il n’a pas pu développer un discours polémique», décrypte l’expert en marketing digital.

D’ailleurs le post le plus engageant de François De Smet a été un tweet où il partage une interview donnée à La Libre, dans lequel il critique violemment Ecolo, qu’il accuse d’être «le relais politique de l’islam», souligne l’étude.

X reste la plateforme privilégiée

Les politiques belges restent attachés à X (ex-Twitter), puisque les tweets représentent 47, 8% des posts présidentiels et 46,7% des posts des partis. Arrivent ensuite Instagram (19,6% des publications des présidents et 20,9% des partis) et Facebook (19,2% des publications des présidents, et 21,6% des partis).

X compte 1, 8 million de Belges actifs au moins une fois par mois, ce qui est loin des 6,7 millions de Facebook ou des 9 millions de Youtube, renseigne Xavier Degraux. Mais il reste une «cible prioritaire pour les partis car ils touchent les médias et autres politiques. Il y avait un temps où le moindre tweet de Georges-Louis Bouchez était repris dans la presse. X est un canal de diffusion indirect».

Les réseaux sociaux les plus utilisés par les présidents de partis en 2024

2024 n’aura résolument «pas été une année TikTok», souligne l’étude. Les présidents de partis ont posté sur TikTok à hauteur de 7,6% et les formations politiques à hauteur de 2,2% . Pour Xavier Degraux, il y a trois raisons derrière cela: TikTok n’autorise pas les publicités politiques en Europe, le réseau social demande une grammaire particulière qui n’est pas aussi simple que sur les autres plateformes. Le risque de bad buzz y est plus important. «TikTok représente une audience plus jeune, prescriptrice de ce qui est « in » ou « out ». Les partis n’osent peut-être pas franchir le pas pour ne pas subir de moqueries, comme ça peut être le cas avec Elio di Rupo par exemple. »

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