« On ne va pas être rancunier pendant 150 ans » : l’heure de la réconciliation a-t-elle sonné entre le PS et la FGTB ?
Le PS ne votera pas la « loi anticasseurs ». Objet de vives tractations politiques, le texte était décrié dans les rangs syndicaux, FGTB en tête. La pression du syndicat socialiste, combinée à l’avis négatif du Conseil d’Etat et au spectre menaçant du PTB, semblent finalement avoir poussé les troupes de Paul Magnette à se raviser. Si la Vivaldi en sort fragilisée, l’alliance FGTB-PS, elle, pourrait s’en voir renforcée.
Définitivement enterrée, la « loi anticasseurs » ? Les sorties socialistes et écologistes des dernières quarante-huit heures semblent avoir donné le coup de grâce au projet porté par l’ex-ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) qui visait, entre autres, à réprimer les actes de vandalisme commis lors de manifestations. Dans les colonnes de L’Echo, samedi, le président du PS Paul Magnette a ainsi fait savoir que son parti ne voterait pas le texte. Une position partagée par les écologistes et confirmée par le vice-Premier Georges Gilkinet sur les ondes de Bel RTL lundi matin.
Le projet de loi « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme » fait l’objet d’âpres négociations dans la majorité depuis près d’un an. Au centre des débats, la disposition qui permet à un juge d’interdire les « casseurs » de manifester pour une période définie. Considéré par les syndicats et plusieurs membres de la société civile comme une atteinte « antidémocratique » aux libertés de manifester, le texte a été longuement discuté, puis amendé. Avant d’être voté en juillet en Commission justice de la Chambre, y compris par les députés PS et Ecolo. Alors comment expliquer cette évolution de positionnement au sein de l’aile gauche du gouvernement ?
Un texte trop flou
« Il ne s’agit pas d’un revirement de situation », réfute le député socialiste Khalil Aousti, qui tient à rappeler l’entièreté de la séquence. « Quand la loi a été pensée, en 2022, l’objectif était d’offrir aux bourgmestres un moyen légal complémentaire de lutter contre les casseurs. La loi devait se limiter à ça. Il était hors de question de porter atteinte aux libertés fondamentales », recadre l’ancien avocat. « Malgré les amendements apportés au texte, tant le Conseil d’Etat que l’Institut fédéral des droits humains (IFDH) continuent d’alerter sur les ‘blind spots’, ces éléments flous qui laissent place à une mauvaise interprétation de la loi. A partir du moment où il y a un risque que le texte soit détourné de sa fonction première, nous devons en tirer les conclusions nécessaires. »
Si le PS justifie officiellement son refus de voter la loi par l’avis négatif du Conseil d’Etat – émis début octobre, soit « postérieurement au vote en Commission » – l’influence de la FGTB sur le dossier n’est certainement pas étrangère au revirement socialiste. « Dès le départ, la FGTB a très fortement mis la pression sur le PS », rappelle Jean Faniel, directeur général du Crisp (Centre de Recherche et d’Information socio-politiques). Début juin, le président du syndicat socialiste Thierry Bodson faisait exceptionnellement un saut au Boulevard de l’Empereur pour dire tout le mal qu’il pensait du texte et implorer les élus socialistes de s’y opposer. Des critiques réitérées une semaine plus tard dans un courrier virulent, dans lequel le président de la FGTB menaçait même de publier la liste des parlementaires PS votant en faveur du texte. Outre ces tentatives d’intimidation en coulisses, la FGTB, aux côtés de la CSC, de la CGSLB et de plusieurs organisations de la société civile telles que Greenpeace ou Amnesty, a mené une véritable croisade publique contre le projet de loi, à coups de tracts et de pétitions. Avec, en point d’orgue, une manifestation qui a rassemblé entre 10.000 et 12.000 personnes dans les rues de Bruxelles, le 5 octobre. « Si la loi est votée, il y aura un ‘avant et un après’ avec le PS et Ecolo », rappelait à cette occasion Thierry Bodson.
Le spectre du PTB
A quelques mois des élections, avec un PTB de plus en plus menaçant dans les sondages, le contexte politique devenait intenable pour le PS. « Le parti a essayé de jouer la montre, mais la situation a pris trop d’ampleur. Cela devenait nécessaire pour le PS de sortir ce caillou de sa chaussure, analyse Jean Faniel. Si Paul Magnette assure que ce n’est pas le changement de ministre qui a dicté sa conduite, la démission de Van Quickenborne et la débâcle interne au sein de l’Open VLD ont constitué un momentum pour freiner ce projet, qui menace la campagne électorale du PS et ses relations avec la FGTB. »
« C’est vrai que ça a été tendu, on ne va pas le nier. »
Thierry Bodson, président de la FGTB.
Un « calcul électoral » que le PS réfute. « On ne réfléchit pas qu’en termes de stratégie électorale, sinon il y aurait beaucoup de choses qu’on ne ferait pas, tranche Khalil Aousti. On est là pour ‘gérer la cité’ et assurer le cadre démocratique duquel on est les héritiers, dont les libertés syndicales et les libertés de manifester font entièrement partie. »
« C’est la vie » : PS et FGTB réconciliés?
Calcul ou pas, l’évolution du positionnement du parti réjouit Thierry Bodson, qui reconnaît une dégradation des relations entre PS et FGTB ces derniers mois. « C’est vrai que ça a été tendu, on ne va pas le nier. » L’heure de la réconciliation a-t-elle sonné ? « A partir du moment où la pression qu’on met permet d’aboutir à un résultat positif, tant mieux. J’aurais voulu que ce soit plus rapide et qu’on n’ait pas à organiser trois manifestations, mais c’est la vie. On va désormais passer à autre chose. On ne va pas être rancunier pendant encore 150 ans. »
Pour Jean Faniel, cette séquence pourrait favoriser un « retour en grâce » de l’action commune socialiste. « Cela renforce l’idée que quand le parti et le syndicat font cause commune, ils peuvent remporter certaines batailles importantes ou en tout cas freiner certains reculs », analyse l’expert. « On est peut-être au début d’une dynamique de renforcement entre le PS et la FGTB, mais cela parait encore un peu tôt pour juger, d’autant que les situations sont très variables d’une région à l’autre. »
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