Raoul Hedebouw, PTB
Raoul Hedebouw ne voit pas comment Vooruit pourrait rester à la table des négociations. © Belga

« On est dans l’excès »: faut-il interdire les publicités politiques sur les réseaux sociaux?

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

La présidente de Vooruit, Melissa Depraetere, souhaite interdire les publicités politiques sur les réseaux sociaux. Elle a déposé un texte en ce sens à la Chambre, alors que la Vivaldi vit ses derniers mois. Et que tous les partis sont en ordre de marche pour la campagne électorale.

La successeure de Conner Rousseau trouve logique que les partis partagent leurs points de vue et propositions sur les réseaux sociaux. Mais « l’ordre de grandeur des montants dépensés de nos jours pour les publicités sur les médias sociaux est tout à fait anormal« , estime la présidente des socialistes flamands. Melissa Depraetere plaide donc pour une interdiction des publicités politiques sur Facebook et consorts, en et hors période électorale.

La jeune présidente de parti, n’est, par contre, pas favorable à une telle mesure pour la propagande des partis dans les médias traditionnels (papier, télévision et radio). Ces supports, dit-elle, appliquent des standards de qualité et de transparence supérieurs aux réseaux sociaux, qui sont eux guidés par la loi des algorithmes, et sujets à la désinformation.

« Les plus petits partis veulent limiter les dépenses des plus gros, pour être plus visibles »

Jean Faniel, directeur du Crisp

Interdire les publicités politiques sur les réseaux sociaux ? Ce qu’en pensent les partis

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Le PS, avant Vooruit, plaidait déjà pour une interdiction des publicités politiques sur les réseaux sociaux © getty

Le PS, avant Vooruit, avait déjà déposé une proposition de loi visant à interdire les publicités des partis politiques sur les réseaux sociaux. Mais celle-ci n’a jamais abouti. La tentative des socialistes flamands aura-t-elle plus de succès ? « En tout cas, la question de la régulation des publicités politiques sur les réseaux sociaux agite de plus en plus le débat, au vu des sommes importantes englouties », explique le directeur du Crisp Jean Faniel. Qui estime néanmoins que les actions concrètes ne suivront pas forcément les prises de parole. « Chacun reste campé sur sa position. Les plus petits partis veulent limiter les dépenses des plus gros, pour être plus visibles. Et les partis dominants, plus riches, veulent rester en position de force ».

« La publicité sur les réseaux sociaux a simplement remplacé les tracts et les toutes-boites »

Mathieu Bihet, député fédéral MR

Au niveau francophone, aucun parti ne veut pour l’instant aller aussi loin que les socialistes, en interdisant les publicités politiques sur les réseaux sociaux. « Au MR, nous ne sommes pas favorables à une interdiction pure et dure », commente le parlementaire Mathieu Bihet. « La publicité sur les réseaux sociaux a simplement remplacé les tracts et les toutes-boites qui se retrouvaient dans les boites aux lettres auparavant ». Le libéral n’exclut par contre pas un plafonnement des dépenses.

Tout comme Ecolo. « Il y a deux ans, nous avions déposé une proposition pour plafonner les dépenses publicitaires à un million d’euros par parti et par an, pour le papier et en ligne », explique Gilles Vandenburre. « Je constate que maintenant, on est encore plus dans l’excès ». Le chef de groupe écologiste à la Chambre déplore que les partis extrémistes soient ceux qui en profitent le plus. « Le danger pour la démocratie est bien réel, car il n’y a pas de contrepoids sur Facebook et compagnie ».

Publicités politiques: les dépenses faramineuses des partis sur les réseaux sociaux

Le Vlaams Belang et la N-VA sont les 2 partis qui ont dépensé le plus en pubs en 2023

En 2023, les partis ont consacré 6 millions d’euros en publicités politiques sur Instagram et Facebook, les réseaux de Meta. C’est 22% de plus qu’en 2022, et assez logique alors que les échéances électorales se rapprochent de plus en plus. Le Vlaams Belang, la N-VA et le PTB/PVDA constituent le peloton de tête.

Le point commun entre ces trois partis ? Ils occupent les bancs de l’opposition à tous les niveaux de pouvoir (sauf la N-VA au gouvernement flamand). Pour le directeur du Crisp Jean Faniel, ils ont un argument de taille pour s’opposer à la régulation des dépenses. « Ils disent que les autres partis essaient de les baillonner, qu’en étant dans l’opposition ils n’ont pas le même accès aux médias ».

« C’est scandaleux de voir les montants qui sont gaspillés par ces partis sur les réseaux sociaux »

Özlem Özen, députée fédérale PS

« C’est scandaleux de voir les montants qui sont gaspillés par ces partis sur les réseaux sociaux », s’insurge la députée fédérale PS Özlem Özen. « Je suis d’accord qu’on utilise l’argent public pour financer les centres d’étude des partis, d’où les idées émergent. Mais pas pour investir dans l’immobilier, comme le font certains (la N-VA, NDLR) ». « Ni pour développer son propre média », rejoint Gilles Vandenburre. Le chef de groupe écologiste à la Chambre fait référence à Vlaams Belang TV, la chaine de télévision web créée par le parti d’extrême droite du même nom.

Un accord de majorité avant la fin de la législature ?

Pour les élections communales d’octobre prochain, le gouvernement wallon a décidé qu’un plafonnement des dépenses sur les réseaux sociaux sera d’application, comme l’ont révélé nos confrères de La Libre. Les élus pourront consacrer 50% maximum de leurs dépenses électorales sur ces supports numériques.

Une telle mesure ne devrait pas être d’application pour les élections du 9 juin. Même si Melissa Depraetere voudrait que sa proposition de loi soit examinée fin janvier à la Chambre, en même temps que les 34 recommandations du panel de citoyens mené par We need to talk. Certains commissaires qui participent aux discussions ne le souhaitent pas. Des réunions de majorité aborderont la thématique dans les semaines qui viennent, pour tenter de trouver un consensus. Mais les protagonistes confirment qu’il sera compliqué d’arriver à un accord avant la fin de la législature, et qu’il faut plutôt envisager une réforme globale du financement des partis pour le prochain gouvernement.

  

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