Olvier Maingain, DeFi chairman and Sint-Lambrechts-Woluwe - Woluwe-Saint-Lambert wolluwe mayor, pictured in Bruxelles on 1 April 2021. © BELGAIMAGE

Olivier Maingain: «Jean Gol disait de la nation francophone qu’elle devait oser être elle-même»

Sylvain Anciaux

Olivier Maingain a quitté DéFI. Le bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert s’exprime sur le projet qu’il compte mettre en place, donne des lignes, fixe des rendez-vous.

Cent dollars. C’est ce que coûte le nom de domaine pour héberger le site internet de la section DéFI de Woluwe-Saint-Lambert, qui n’est plus en ligne. Inutile de savoir si la page web est désactivée depuis le départ, vendredi, de l’ancien président Olivier Maingain, rejoint ce week-end par tous les membres de sa locale, la plus importante du parti. «Il y avait un malaise depuis un certain temps, pointe l’échevin Eric Bott. Nous n’avons pas eu un seul contact avec le 127 (NDLR: le numéro où se situe le siège du parti, Chaussée de Charleroi à Bruxelles) depuis le 13 octobre. Je pensais qu’on allait être concerté sur la participation à un gouvernement bruxellois. C’est triste de laisser de côté les mandataires locaux. Il y a six échevins de moins de 40 ans dans notre collège, il y avait pourtant un renouveau sur lequel jouer.»

Bouchez est un Sarkozy bling-bling qui voit tout par le prisme de l’argent. Beaucoup d’humanistes ne s’y retrouvent pas.

Olivier Maingain

C’est pour rester «plus fidèle que jamais» à ses valeurs que le bourgmestre woluwéen a claqué la porte. «DéFI n’a plus le ressort pour porter ce qui m’anime depuis mon adolescence, dit-il. Il n’y a plus de vision, mais seulement de petits arrangements. Depuis un certain temps, j’enrageais de voir l’impuissance, l’absence de vue qui nous ont menés à ces résultats.»

Le renouveau prévu pour Pâques

Alors, la (désormais ex) figure du parti annonce vouloir créer un nouveau parti dont il donnera des nouvelles d’ici Pâques, avec des premières lignes dans les semaines à venir. Pour ce nouveau projet politique, il compte rassembler l’ensemble des déçus des trois partis dominants sur la scène francophone. «Aujourd’hui, il y a de nombreux socio-démocrates en errance dans toute l’Europe. Ils sont attachés à l’universalisme, à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, ils rejettent le communautarisme. Il est clair que le PS bruxellois n’est plus de cette ligne. Il y a également de nombreux progressistes qui ne se retrouvent plus chez Georges-Louis Bouchez. Ceux qui reconnaissent que le service public bien géré est indispensable à l’Etat, dont je veux rétablir l’autorité. Et puis, il y aura aussi des centristes qui s’étonnent que Le Engagés soient devenus les auxiliaires du MR. Bouchez est un Sarkozy bling-bling qui voit tout par le prisme de l’argent. Beaucoup d’humanistes ne s’y retrouvent pas.»

Créer un nouveau parti en tant que figure de droite dans un paysage où les votes de droite sont nombreux, mais éclatés entre le MR et Les Engagés, le projet est ambitieux. «Il faut voir s’il va entraîner un certains nombres de personnalités de Défi, hors-Défi, et de la société civile avec lui», pointe le politologue de l’UCLouvain, Pierre Vercauteren. «On a vu Armand De Decker qui a voulu créer son propre courant, et ça n’a pas pénétré. Il n’a pas fédéré autour de lui. Il s’agit d’avoir des personnalités extrêmement charismatiques. Olivier Maingain est connu pour son expérience et sa maîtrise des dossiers, mais pas tellement pour son charisme

Au sein de DéFI, quelques lignes bougent à cet égard. Eric Bott estime que le parti a «oublié beaucoup de choses, dont l’axe écologique et les droits des francophones. On parle beaucoup de laïcité, de droit à l’avortement. Mon épouse est catholique, elle a quitté le parti pour de nombreuses raisons dont celle-là. Le centre gauche est un peu oublié, aujourd’hui DéFI est un parti de centre droit, voire de droite-droite», déplore celui qui avait pourtant voté pour Sophie Rohonyi à la présidence du parti. Fabian Maingain, qui devrait normalement avoir sa place à la table des négociations bruxelloises suite à l’invitation du formateur bruxellois David Leisterh (MR) ce lundi matin, s’est fait remplacer par Sophie Rohonyi, Bernard Clerfayt et Jonathan De Patoul. Le Bruxellois ne s’est pas encore exprimé quant à son futur politique, et son père lui laisse la liberté de le faire.

Un logiciel désuet ?

Mais la politique n’est, heureusement, pas qu’une question de personnes. «J’ai reçu beaucoup de témoignages ce week-end de gens heureux de voir quelqu’un porter encore l’avenir des Wallons et des francophones, assure Olivier Maingain. Pour beaucoup de Bruxellois, il ne faut pas que Bruxelles soit livrée à des non-Bruxellois.» L’historique bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert en profite pour envoyer un tacle au président du MR qu’il estime être à la merci des nationalistes. «Bouchez n’existe que par la volonté de la N-VA. Jean Gol disait pourtant, à propos de ce qu’il appelait la Nation francophone – par opposition à la Nation flamande – que nous devons oser être nous-mêmes.»

Mais la défense des francophones, et plus encore de leur «nation» a-t-elle encore un sens, en 2024 ? «Cela dépend du contexte, estime Pierre Vercauteren. Quand on parlait de BHV lors de dernière réforme de l’Etat, c’était conçu. Aujourd’hui, le contexte est plus économique ou social et, dans une moindre mesure, environnemental. Il y avait un contexte communautaire qui a permis l’ascension de Bart De Wever à son époque, mais ce contexte ne me semble pas présent pour le moment côté francophone.»

A 66 ans, Olivier Maingain a cinq ans pour persuader l’électeur que c’est tout le contraire. «La Flandre est tout de même dominée par deux formations nationalistes, d’extrême-droite, même si l’une d’entre-elle a été quelque peu banalisée.» Cinq ans pour construire une équipe, un programme et une victoire pour empêcher les revendications communautaires de tomber aux oubliettes. Fouad Ahidar l’a fait en quatre mois. Pendant que les gagnants du 9 juin échouent à écrire l’histoire, les perdants s’interrogent sur leur sort.

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