Olivier Maingain et le ‘suicide’ de DéFi: « Il risque d’entraîner le parti dans sa chute »
La polémique continue d’enfler chez DéFi. Le faiseur de voix Olivier Maingain, désormais ennemi public du président amarante François De Smet, annonce qu’il ne sera pas présent sur une liste électorale le 9 juin. Véritable décision ou tentative de chantage ? La manoeuvre pourrait bien enterrer définitivement le parti de centre-droit. Analyse avec les politologues Pascal Delwit (ULB) et Jean Faniel (Crisp).
De cette polémique, DéFi n’avait vraiment pas besoin. À quelques mois des élections, le parti s’englue dans une lutte interne entre cadors. Olivier Maingain, à la tête des Amarantes pendant 25 ans, se prend le chou publiquement avec le président actuel François De Smet. Le premier demande la démission du chef de cabinet du second, accusé d’avoir manipulé les résultats d’un vote interne pour la confection de la liste régionale bruxelloise. Une démission dont François De Smet ne veut pas entendre parler.
« Depuis quelques semaines, DéFi a amorcé une fuite en avant suicidaire, énonce le politologue Pascal Delwit (ULB). Les bisbrouilles internes feront peut-être fuir les électeurs qui n’apprécient pas que le parti lave son linge sale en public, ou bien ceux qui estiment tout simplement qu’il n’a plus d’avenir ». Le directeur du Crisp Jean Faniel se place sur la même ligne. « Vu de l’extérieur, on se demande comment cette tentative de suicide face caméra va se terminer ».
« Les propos d’Olivier Maingain constituent une menace, qui vise à mettre la pression sur François De Smet »
Jean Faniel
Olivier Maingain absent des listes: quel impact pour DéFi ?
Dans les colonnes de La Libre, Olivier Maingain a annoncé qu’il ne participerait pas aux élections fédérale et régionale du 9 juin prochain, préférant se concentrer sur les communales d’octobre. « En réalité, il pourrait bien occuper une place sur une liste, estime Jean Faniel. Ses propos constituent à mes yeux une menace, qui vise à mettre la pression sur François De Smet ».
Et si Olivier Maingain mettait sa menace à exécution ? DéFi perdrait ainsi un gros faiseur de voix, mais « son poids électoral a diminué par rapport au passé, évoque le directeur du Crisp. Pendant longtemps, le FDF et DéFi, c’était lui. Il fait partie de la vieille garde amarante, qui a du mal à passer le flambeau à la nouvelle génération d’élus. Mais en ne voulant pas se mettre en retrait, Olivier Maingain risque d’entraîner le parti dans sa chute ».
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De l’avis des deux politologues, il est difficile de mesurer l’impact qu’aurait une absence d’Olivier Maingain sur les listes DéFi en juin prochain. « Il faudrait savoir si ceux qui votent pour lui habituellement voteront pour une liste amarante en son absence, explique Pascal Delwit. En 2019, son fils Fabian, qui poussait la liste, avait recueilli 6.500 voix de préférence. On peut émettre l’hypothèse que c’est plutôt grâce à son nom de famille qu’à sa personne ».
« Il faudrait savoir si ceux qui votent pour Olivier Maingain habituellement voteront pour une liste amarante en son absence »
Pascal Delwit
Olivier Maingain, un gros faiseur de voix pour les amarantes
Lors du scrutin de 2019, celui qui est bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert depuis 17 ans poussait la liste européenne des Amarantes. Il avait recueilli 34.575 voix de préférence. Dans la commune gérée par Olivier Maingain, DéFi était arrivé en tête à la Région avec 36% des voix. Au fédéral, le parti de centre-droit l’avait aussi emporté, avec la préférence de 27% des Saint-Lambertiens.
En 2014, Olivier Maingain était candidat à la Chambre. Il avait obtenu 32.246 voix exprimées en sa faveur, 3e meilleur score pour Bruxelles à la Chambre après Didier Reynders et Laurette Onkelinx. Dans sa commune, DéFi avait recueilli près de 32% des voix au fédéral, et quasi 38% des voix en Région de Bruxelles-Capitale. Le parti scorait donc mieux par le passé.
« Un transfert de voix vers d’autres partis n’est pas exclu »
Les voix en faveur d’Olivier Maingain, s’il n’est présent sur aucune liste, pourraient bénéficier à d’autres partis. « Au vu du positionnement de DéFi au centre-droit de l’échiquier politique, ces voix pourraient aller en tout ou en partie au MR, à Ecolo ou aux Engagés », estime le politologue de l’ULB. Trois partis pour qui les communes du sud-est de Bruxelles (les deux Woluwe, Auderghem et Watermael-Boitsfort) sont des places fortes.
Certaines voix pourraient, dans une moindre mesure, être récupérées par le PS via… Caroline Désir, tête de liste socialiste à Bruxelles pour le fédéral. « Elle est la petite-fille de Georges Désir, figure emblématique du FDF (ancêtre de DéFi, NDLR) et ancien bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert. Comme l’électorat du parti amarante est l’un des plus âgés de la capitale, peut-être que certains feront le rapprochement », hypothétise Pascal Delwit.
« J’ai plutôt l’impression qu’on va vers l’escalade du conflit que vers une piste de solution »
Jean Faniel
DéFi, au-delà d’Olivier Maingain: quelle sortie de crise ?
D’après Pascal Delwit, la question n’est pas de savoir si les menaces d’Olivier Maingain sont réelles. Plutôt si une solution au conflit ouvert avec François De Smet peut être trouvée, afin de ramener un peu de sérénité dans les rangs amarantes à l’aube des élections. « J’ai plutôt l’impression qu’on va vers l’escalade du conflit que vers une piste de solution », augure Jean Faniel.
« L’arrivée de Michel Claise signalait la volonté du parti d’aller chercher un troisième siège à la Chambre. En réalité, le deuxième siège (actuellement occupé par Sophie Rohonyi) est loin d’être assuré », clame Pascal Delwit. Pire encore, c’est la survie de DéFi qui est en jeu. Les derniers sondages montrent que la formation est juste au-dessus du seuil électoral.
Et si, comme cela a été envisagé en interne, Olivier Maingain se résignait à pousser la liste bruxelloise au fédéral ? « Alors DéFi parviendra peut-être à conserver une partie de l’électorat pro-Maingain, mais toujours pas à attirer un nouvel électorat », termine le politologue de l’ULB.
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