Nicolas Martin (PS): «Clairement, on aurait pu être meilleurs»
Bourgmestre de Mons et (bien) élu au parlement wallon, Nicolas Martin égratigne la com’ de son parti. Il souhaite cumuler parlement et hôtel de ville «au moins jusqu’à décembre».
Bourgmestre de Mons et président de la fédération de Mons-Borinage du PS, Nicolas Martin a été élu, avec le meilleur taux de pénétration régional, parlementaire wallon. Il égratigne la campagne de son parti. Et il souhaite obtenir du bureau de parti qui se tiendra le 24 juin une dérogation aux statuts. Il veut jouir de la possibilité de siéger au parlement tout en continuant d’exercer le mayorat de sa cité. Sans cumuler les rémunérations, ça, c’est vraiment interdit.
Vous avez eu des propos assez incisifs en bureau de parti, lundi 10 juin. Pour vous, Paul Magnette a tort de parler d’une «érosion»: le PS a connu un «échec historique», avez-vous dit…
Le bureau de parti est le lieu où on peut s’exprimer en interne, faire part de son ressenti. Paul nous a toujours demandé de nous y exprimer librement, et c’est tout à son honneur parce que ce n’est pas le cas dans d’autres partis, et je ne suis pas sûr que la démocratie interne soit aussi vivante partout ailleurs. Et donc j’ai fait part de mon ressenti personnel par rapport à un résultat qui est tout sauf anodin.
Et qui est, donc «un échec historique»?
Les termes n’ont pas beaucoup d’importance. Ce qui est important, c’est de comprendre le message de l’électeur, de comprendre ce qui a bien fonctionné et ce qui a moins bien fonctionné. Un élément à rappeler c’est que certes le PS a reculé, on a perdu 3% en Wallonie, mais qu’on reste plus que jamais le parti central de la gauche de l’échiquier politique. On fait près du double de voix du PTB, qui pense avoir gagné alors qu’il recule dans notre région, et on fait le triple d’Ecolo. C’est quelque part rassurant pour nous, parce que nous sommes le socle de base à partir duquel la gauche va pouvoir se reconstruire en Wallonie dans les années qui viennent.
Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné, alors?
Clairement on aurait pu être meilleurs dans notre communication. La caricature de nous qui a été faite pendant des mois par la droite, relayée massivement dans les médias, d’un parti qui protège les assistés, d’une forme de misérabilisme wallon, cette caricature est totalement à l’opposé de ce que nous sommes! A Mons, comme d’autres leaders socialistes qui ont souvent bien performé à travers toute la Wallonie, on fait un travail qui est équilibré, entre d’une part le développement économique, le dynamisme entrepreneurial, et d’autre part le bien-être social et environnemental. On est un parti gestionnaire, sérieux, qui a l’expérience de la gestion publique et qui engrange des acquis sociaux et des avancées économiques partout où il est, mais de manière équilibrée. C’est cette forme d’équilibre qu’on doit un peu mieux mettre en avant. Je note que partout où localement ce travail est fait par des socialistes, à Charleroi, à Mons, à Liège, à Bruxelles, à Tournai, à Verviers ou ailleurs, l’électeur nous a reconnus. Au-delà du discours ambiant et du matraquage médiatique, il a quand même salué des résultats locaux. Ce sont les reflets de cette politique équilibrée, et en rien un soutien à une forme d’assistanat que je rejette totalement…
Mais quoi, il aurait fallu faire campagne sur d’autres thématiques, par exemple?
Il faut reconnaître que même avant le début de la campagne électorale, les libéraux ont lancé un assaut assez impressionnant sur le plan de la communication et des médias, avec notamment une campagne financée d’affichage réduisant la gauche à un camp de l’assistanat. Et donc c’est vrai qu’on aurait dû, et c’est un échec collectif, j’y prends ma part, être beaucoup plus fermes sur nos messages.
Lesquels?
D’abord, un message qui mette notre bilan en avant. Un bilan qui augmente les petites pensions de 350 euros par mois, le salaire minimum de 400 euros, qui refinance les soins de santé, c’est un bilan significatif mais qui ne renforce en rien l’assistanat. Une pensionnée qui voit sa pension monter à 1650 euros net, une mère de famille qui travaille dans un supermarché et dont le salaire minimum augmente de 400 euros par mois, ou quelqu’un qui a un accident, qui se fait hospitaliser, et dont les frais sont largement remboursés par la sécurité sociale, je ne considère pas que ces gens sont des assistés… Tous méritent bien ces avancées sociales obtenues par les socialistes.
Et ensuite?
Et deux, des messages de campagne qui auraient valorisé ce que le PS a fait, notamment en termes de développement économique pour la Wallonie. Parce que si la Wallonie va mieux aujourd’hui dans certains de ses bassins industriels, notamment sur le sillon industriel, c’est d’abord le fruit du travail des socialistes: l’aéroport de Liège, l’Aéropole de Charleroi, Initialis à Mons, les pôles de compétivité, etc. On ne peut pas dire que le MR, qui dispose de tous les levers économiques wallons depuis sept ans, ait fait preuve d’un dynamisme particulier sur le sillon wallon, où vivent pourtant la moitié des wallons. C’est beaucoup moins difficile de redresser des régions rurales et d’y attirer des entreprises que des régions d’ancienne industrialisation, où il faut dépolluer les sols, où il y a une densité d’habitation, où, en bref, il faut développer des projets qui sont beaucoup plus complexe à mettre en oeuvre. Or je note que, de ce point de vue-là, les libéraux n’ont rien fait, et c’est une forme d’inquiétude pour moi pour les prochaines années… Et c’est tout leur paradoxe, les libéraux avaient la responsabilité de ces secteurs et ils dénonçaient un manque de dynamisme qui était finalement la résultante de leur propre inaction. Un paradoxe qu’on aurait aussi dû mettre plus souvent en avant, moi le premier.
Pour vous, le PS reste donc central. Il doit aussi devenir plus centriste, alors?
Non. Le PS est le parti des travailleurs. Il doit s’adresser aux classes moyennes et aux classes populaires. Sa valeur de base, c’est le travail. Paul Magnette l’a très bien expliqué dans son récent livre. On doit se montrer plus agressifs sur le plan de la communication, localement et nationalement. On voit que le MR a beaucoup investi dans des campagnes payantes, dans des agences de communication, dans des conseils sur les réseaux sociaux, etc. Et on doit être beaucoup plus offensifs sur le sujet.
Lundi, vous avez envoyé un communiqué de presse titré «à Mons, les électeurs ont plébiscité Nicolas Martin». N’est-ce pas un peu immodeste au lendemain de ce que vous appelez vous-même un «échec historique»?
Le communiqué évoquait l’ensemble des candidats de la fédération, qui ont tous obtenu de bons résultats. Il était nécessaire dans un contexte où les médias ne parlent que de «marée bleue» et de victoire libérale. Il fallait dire que dans notre région, comme dans d’autres zones de Wallonie, le PS a enregistré de bons voire de très bons résultats. Et que, face à la machine médiatique que représente Georges-Louis Bouchez, qui est de Mons et qui truste tous les médias quotidiennement, il fallait rassurer les Montois et leur montrer que la «vague bleue» s’était arrêtée aux portes de Mons. Je n’ai pas envie que cette «vague bleue» s’installe dans les têtes dans ma ville alors qu’elle n’a pas eu lieu, faute d’une analyse suffisamment précise dans les médias. Il n’y a donc aucune conclusion à tirer de la «vague bleue» nationale sur les prochaines élections communales, qui sont évidemment l’objectif majeur sur lequel je suis fixé aujourd’hui.
Fixé comment, alors? Parce que selon les statuts de votre parti, vous ne pourrez pas cumuler les deux mandats de bourgmestre et de parlementaire wallon…
Je suis extrêmement inquiet de voir que les partis de droite vont gouverner la Wallonie et le fédéral et vont s’attaquer à une série de cibles qu’ils ont eux-mêmes identifiés pendant la campagne électorale. Parmi ces cibles il y a les grandes villes wallonnes, dont Mons fait partie. Aujourd’hui, ces villes tiennent le coup, malgré tous les transferts de charges scandaleux opérés par le gouvernement MR/N-VA en termes de pensions, de police, de pompiers, de revenu d’intégration sociale, grâce aux aides que Christophe Collignon a fait adopter par le gouvernement wallon lors de la dernière législature. On parle d’une trentaine de millions par an pour Mons et Namur, et d’une centaine pour Liège et Charleroi, ces montants sont tout sauf faibles. Ca veut dire que demain, si le futur gouvernement de droite décide de couper l’aide aux grandes villes, celles-ci seront virtuellement en faillite. Et je crains que, par vengeance politicienne, Georges-Louis Bouchez opère de la sorte. Il y a des centaines, voire des milliers, d’emplois concernés. Et donc, effectivement, comme seul bourgmestre d’une grande ville élu au parlement wallon, je veux me battre pour protéger les intérêts de ces villes, de ces milliers de travailleurs, et des services rendus à la population.
Mais votre fédération interdit le cumul d’un siège de parlementaire et d’un mandat exécutif d’une commune de plus de 25.000 habitants. Et au niveau national, le PS l’interdit pour les communes de plus de 50 000 habitants…
Sur le principe, je n’ai jamais été favorable au cumul. Et si dérogation il y a, elle ne portera pas sur le revenu, puisque le décumul financier continuera à s’appliquer pleinement. Il y aura un cumul de charge de travail, et pas de rémunération. Mais vu les circonstances aujourd’hui, potentiellement dramatiques pour les villes, il est essentiel qu’on ait une voix qui défende l’intérêt de ces villes au parlement wallon. Pas que, évidemment, puisque je voudrai défendre l’intérêt de tous les Wallons. Mais, particulièrement sur ces sujets-là, qu’on puisse avoir quelqu’un qui soit conscient des enjeux et qui se batte pour éviter un bain de sang social dans les communes et les provinces, qui sera la résultante d’une politique de droite si Georges-Louis Bouchez applique son programme à la Région wallonne.
Cette demande de dérogation vaudra-t-elle pour Paul Magnette, concerné également par ce point des statuts?
Cette demande est faite à titre personnel, en tant qu’élu au Parlement wallon, parce que c’est au niveau wallon que les villes sont financées et que beaucoup d’enjeux liés au financement des villes se discutent. Donc je parle de ma situation, en tout cas jusqu’à l’installation, en décembre, des prochains collèges communaux. Après, on verra. A partir du moment où l’aspect financier n’est pas pris en compte, parce qu’il n’y a pas de cumul des rémunérations, je pense qu’on est dans des circonstances exceptionnelles, qui induisent des réactions exceptionnelles, car je ne doute pas que Georges-Louis Bouchez fera tout pour étrangler les villes, où les gens votent moins pour le MR…
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