Négociations à Bruxelles: la N-VA bientôt dans le jeu? Le casse-tête qui ronge Elke Van den Brandt
Dans la capitale, les négociations pour former un gouvernement sont plus que jamais à l’arrêt. La faute aux partis néerlandophones, qui ne parviennent pas à former la majorité nécessaire à l’ouverture des négociations avec les partis francophones. Tour d’horizon d’un casse-tête dont l’issue risque d’attendre les élections du 13 octobre prochain.
Le 1er août dernier, le formateur francophone David Leisterh (MR) résolvait le casse-tête qui lui était promis une fois l’issue des élections régionales bruxelloises connue. Le PS acceptant – après deux mois d’intense réflexion – de rejoindre Les Engagés et le MR au sein de la majorité francophone du futur gouvernement, David Leisterh tenait l’arithmétique nécessaire à la poursuite des opérations post-électorales. En clair: commencer à discuter avec les partis de la majorité néerlandophone pour couler dans le marbre l’accord du prochain gouvernement bruxellois. Sauf que côté flamand, Elke Van den Brandt (Groen) n’a toujours pas résolu son propre casse-tête. Malgré l’ajout de l’Open Vld et de Vooruit au parti vert, leur majorité est trop courte… d’un siège pour atteindre les neuf sièges nécessaires dans le collège linguistique néerlandophone.
“Côté flamand, les partis qui participent aux négociations ont perdu les élections à Bruxelles”
Benjamin Dalle (cd&v)
Séduire le cd&v? Pour le moment, c’est raté
Le plus facile, s’est dit la formatrice Elke Van den Brandt dans les jours suivant les élections du 9 juin dernier, serait que le seul élu cd&v à Bruxelles (Benjamin Dalle) fasse l’appoint de ce siège manquant. C’était le scénario privilégié par l’ancienne ministre bruxelloise de la Mobilité. Mais le principal intéressé ne voit pas les choses de la même façon. «Je suis parti dans l’idée que je resterais dans l’opposition, comme lors de la précédente législature. Côté flamand, les partis qui participent aux négociations ont perdu les élections à Bruxelles. Je ne vois donc pas pourquoi je rejoindrais cette coalition arc-en-ciel comme quatrième partenaire.»
L’entourage de la formatrice pointe le démocrate-chrétien du doigt comme responsable du blocage des négociations. Il faut dire que les perspectives ne sont pas des plus réjouissantes pour Benjamin Dalle. Seul trois postes du gouvernement – déjà promis aux partis qui négocient – sont réservés aux néerlandophones. En rejoignant les futurs partenaires, l’élu cd&v n’aurait donc aucune garantie de pouvoir peser politiquement. «Je ne suis pas un carriériste, se défend Benjamin Dalle, mais je ne rejoindrai pas une coalition gouvernementale sans avoir l’assurance que les propositions de mon parti seront à l’agenda bruxellois pour les cinq prochaines années.»
“Nous voulons former un gouvernement avant les élections du 13 octobre, ce dont certains partis ont peur, visiblement”
Une source interne aux négociations gouvernementales
Elke Van den Brandt: un poste de «commissaire du gouvernement» pour sauver la mise?
Constatant qu’il ne serait pas simple de convaincre l’ancien ministre flamand des Médias, Elke Van den Brandt a alors tenté autre chose. La figure de proue de Groen propose à l’élu cd&v de devenir «commissaire du gouvernement», poste équivalent à celui occupé par Pedro Facon en marge du gouvernement fédéral pendant la crise Covid. Qui ne convainc pas non plus Benjamin Dalle: «C’est un poste symbolique, sans réel pouvoir». Une autre piste de résolution de ce casse-tête a été envisagée un temps par la formatrice flamande. Théoriquement, la création d’un quatrième poste ministériel réservé aux flamands est possible. Mais implique le paiement d’indemnités supplémentaires, malvenues au vu de la situation budgétaire compliquée en Région de Bruxelles-Capitale.
Alors, les six partis qui ont déjà décidé de rejoindre la future majorité bruxelloise se sont réunis, pour déjà discuter budget, sans le cd&v Benjamin Dalle, qui a dénoncé par après le dangereux précédent que constitue de tels échanges alors que le gouvernement n’est pas formé. «Le but était d’accélérer les choses en forçant les réunions, pour que le cd&v se joigne aux négociations, confirme une source interne. Nous voulons former un gouvernement avant les élections du 13 octobre, ce dont certains partis ont peur visiblement.» Le casse-tête d’Elke Van den Brandt se complexifiant de jour en jour, David Leisterh aurait décidé de donner un coup de main à sa comparse néerlandophone, pour tenter de faire avancer le processus. Et de mettre la pression sur les absents. «Je ne céderai pas au chantage», répète encore Benjamin Dalle.
“La piste N-VA est la plus crédible. À Bruxelles ils restent modérés par rapport à leurs ambitions communautaires”
Un négociateur francophone
La N-VA et la Team Fouad Ahidar, peu appréciés des partenaires
Les maux de tête s’aggravant, Elke Van den Brandt a rouvert des portes qu’elle aurait préféré garder fermées. Celles menant à la N-VA (deux sièges) et au Team Fouad Ahidar (trois sièges), partenaires alternatifs au cd&v côté flamand. Les nationalistes flamands restent très discrets dans cette séquence sur leurs ambitions. Et côté francophone, le PS de Ahmed Laaouej ne semble pas se réjouir à cette idée. Un autre négociateur francophone se montre moins catégorique: «La piste N-VA est la plus crédible. À Bruxelles ils restent modérés par rapport à leurs ambitions communautaires. Je pense que le parti se montre prudent, en attendant l’évolution des négociations fédérales et flamandes. Évidemment, ce n’est pas idéal. Cette option repousse encore la formation gouvernementale de quelques semaines. Il va être compliqué qu’un gouvernement aboutisse avant les élections communales.» Le fait que la formatrice côté néerlandophone soit Groen complique encore les choses, les divergences de contenu avec la N-VA étant importantes. La vision du parti de Bart De Wever pour Bruxelles – qu’il verrait bien splittée entre la Région flamande et la Région wallonne – en refroidit plus d’un.
L’autre voie mène donc au polémique Fouad Ahidar, vainqueur surprise des dernières élections bruxelloises. Certains partis, l’Open Vld et le MR en tête, ont très vite mis leur veto. «Je ne suis pas sûr de pouvoir travailler avec lui pendant cinq ans de manière stable», s’interroge un négociateur francophone. D’autres formations, comme les socialistes de Vooruit, ancien parti de Fouad Ahidar, se montrent moins claires quant à la possibilité d’inclure le Team Fouad Ahidar dans les négociations flamandes.
Elke Van den Brandt: et le PVDA dans tout ça?
Reste un autre chemin, jusqu’ici pas envisagé sérieusement par Elke Van den Brandt. Celui qui mène très à gauche, au PVDA, le pendant flamand du PTB. Jan Busselen, seul élu marxiste côté néerlandophone à Bruxelles, a été reçu durant le mois de juin par la formatrice Groen. Depuis, aucun contact n’a été noué. «Elle nous a informés qu’elle continuait avec Vooruit et l’Open Vld, précise Jan Busselen. Aussi, que les libéraux ne voulaient pas de nous, même si on reste ouvert à être entendus.» L’élu d’extrême gauche estime avoir été exclu trop vite du processus de formation. «Si un programme vraiment social nous est proposé, nous sommes prêts à discuter. Mais aucune proposition sur le contenu n’a filtré pour le moment.»
Bien malin celui qui peut prédire comment Elke Van den Brandt parviendra à résoudre son casse-tête, dans les jours voire les semaines qui viennent. Mais les sources consultées s’accordent sur un point: la piste N-VA reste la plus probable à l’heure d’écrire ces lignes.
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