Marnix Vanhonacker occupe la deuxième place sur la liste Anders-Engagés aux communales 2024. Il est flamand, et espère entrer au collège de cette petite commune wallonne. © DR

Marnix Vanhonacker, candidat flamand aux communales en Wallonie: «Je suis 100% le contraire de José Happart ou des flamingants»

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Série (1/5) | Marnix Vanhonacker, deuxième sur la liste Anders-Engagés à Mont-de-l’Enclus, veut éviter que dans sa commune, et dans son pays, on se livre à des guerres linguistiques. «Les clichés sur les Wallons m’énervent vraiment», dit-il.

Communales 2024 en Belgique | Les poissons volants: «Il existe aussi des poissons volants, mais ils ne constituent pas la majorité du genre», parait-il. Ils sont même, aux élections communales, la très petite minorité, ces candidats engagés dans certaines communes dominées politiquement, historiquement, sociologiquement, outrageusement, par l’adversaire politique. Un poisson volant aux élections communales 2024 en Belgique, c’est une libérale qui se présente à Châtelet, un socialiste à Uccle, un Flamand en Wallonie, un communiste dans le Brabant wallon, un francophone en Flandre ou une écologiste à l’ombre d’une centrale nucléaire, par exemple. Le Vif a découvert ces poissons volants – ce ne fut pas simple. Il vous présente plusieurs spécimens de cette espèce rare, la très petite minorité du genre – c’est intéressant.

Marnix Vanhonacker vient de Moen, un petit village de Flandre occidentale. Il sera pensionné dans un an, il travaille dans une école de Brakel, et c’est pour ce Flamand -il préfère qu’on dise néerlandophone, établi à Mont-de-l’Enclus, à une quinzaine de kilomètres de Moen, il y a vingt-cinq ans, le moment de se lancer en politique.

Il sera deuxième sur la liste Anders-Engagés, qui espère damer le pion à l’actuel bourgmestre Jean-Pierre Bourdeaud’Huy (MR) de cette petite entité hainuyère de moins de 4.000 habitants, très verte, en lisière des Ardennes flamandes -pardon, néerlandophones.

Il parait même que vous voulez être bourgmestre?

Ah non, ça c’est une mauvaise expérience avec un de vos collègues, qui avait reformulé mes propos… On m’a juste demandé si ça m’intéressait de devenir bourgmestre si les résultats le permettaient. Moi, j’ai dit «bien évidemment», c’est normal aussi, sinon on ne participe pas à des élections, hein…

Ca ferait de vous un bourgmestre flamand en Wallonie, une espèce de José Happart inversé, alors?

C’est exactement ça que je veux éviter! J’ai l’impression parfois qu’il y a des gens qui veulent déclencher une guerre, ici! Moi, je suis arrivé ici il y a 25 ans. J’ai toujours été bien reçu, tout le monde s’entend bien avec moi, et tous les gens qui me connaissent savent que je ne suis pas un flamingant, bien au contraire. Je parle même français avec les néerlandophones ici, et ils me répondent «mais allez parle flamand, on est entre Flamands!». Certains ont pensé que ma candidature était motivée par des raisons linguistiques, pas du tout, au contraire.

Quel est le ressort de votre candidature alors?

Je suis bilingue. Et je sais que le bourgmestre dit aussi qu’il a des candidats bilingues sur sa liste, mais moi, j’y suis à une place éligible, c’est différent. Parce que Mont-de-l’Enclus a beaucoup changé. Quand je suis arrivé, il devait y avoir 20 ou 30% de néerlandophones, on s’est tous bien adaptés ici. Mais maintenant, on doit être à 50-50, et il y a des gens qui m’ont contacté pour faire une liste 100% néerlandophone, et j’ai dit «non, non, non!». Maintenant est le moment idéal pour réunir les deux communautés, pas pour faire la guerre!

Moi, déjà, je ne parle jamais d’un Flamand ou d’un Wallon, je ne parle que de francophones et de néerlandophones, parce que le mot «Flamand» ou «Wallon», souvent, est utilisé pour de mauvaises raisons.

Il y a des gens qui veulent faire la guerre à Mont-de-l’Enclus?

Il y a parfois des malentendus… Moi, déjà, je ne parle jamais d’un Flamand ou d’un Wallon, je ne parle que de francophones et de néerlandophones, parce que le mot «Flamand» ou «Wallon», souvent, est utilisé pour de mauvaises raisons. La seule chose que je veux faire, c’est nous rapprocher. Ce que j’entends aussi, c’est qu’on roule un peu à deux vitesses à Mont-de-l’Enclus. J’entends deux types de commentaires: «Il y a des personnes qui viennent ici, qui dorment ici, mais ça s’arrête là, elles ne participent à rien», et ça ça vient plutôt des francophones, et, de l’autre côté, j’entends des néerlandophones dire «on ne nous invite pas», ils se sentent un peu à l’extérieur, comme ça. Pour nous, qui voulons que Mont-de-l’Enclus soit une commune pétillante et pas une commune dormante, ça doit venir des deux côtés. S’il n’y a rien, c’est normal que les néerlandophones aillent à l’école en Flandre, fassent du sport en Flandre, fassent leurs courses en Flandre. Moi, depuis que je suis ici, je vais faire mes courses à Tournai, alors qu’on est tout près d’Avelgem, hein! Mon médecin, il est de Tournai, et c’est à l’hôpital à Tournai que je vais quand il faut. Tout le monde me dit «mais t’es fou», mais non, j’habite ici, pourquoi j’irais ailleurs? Je veux faire le contraire de ce qu’on veut bien laisser dire…

Les néerlandophones se sont installés ici parce que les prix de l’immobiliers étaient plus avantageux?

C’est-à-dire que c’est une très jolie commune. C’est très joli, très vert. Vous connaissez?

Un peu…

Moi je suis venu surtout pour ça, pour la ruralité, c’est ce que j’aime bien. Et c’est vrai qu’ici on achète un terrain de mille mètres carrés là où en Flandre on n’aurait que 300m², donc c’est intéressant pour des gens qui viendraient de Flandre pour acheter. Ca aussi, c’est quelque chose que je voudrais faire, je suis en train d’y réfléchir: j’entends de plus en plus de francophones, originaires d’ici, dont les enfants doivent quitter la commune parce qu’ils ne savent pas acheter ici. Je trouve ça terriblement malheureux. Ils sont obligés par le marché immobilier d’aller habiter là où c’est moins cher, souvent à Renaix… Je sais qu’en Flandre il y a des communes qui donnent une forme de priorité sur les terrains, on est en train de voir ce qui serait possible de faire.

Les néerlandophones ont des aspirations et des besoins différents sur la sécurité, la mobilité ou l’emploi?

Il y a une autre mentalité, ça c’est sûr. Moi je suis originaire de Flandre occidentale, on nous oblige presque à travailler dès la naissance. En venant ici, j’ai appris qu’il y avait aussi d’autres choses dans la vie… C’est ce que je dis toujours, on doit apprendre les uns des autres. Et pas apprendre les mauvaises choses, hein, les bonnes! L’autre jour, je discutais avec un industriel, je lui expliquais que très souvent, je prenais des jeunes en auto-stop, des jeunes qui habitent ici, et qui en fait sont sur la route pour aller chercher du travail ou travailler. Il n’y a presque pas de transport en commun ici, tout au plus un bus à 6h du matin, et un autre à 5 heures du soir! S’ils veulent aller postuler quelque part, souvent en Flandre soit ils arrivent beaucoup trop tôt, soit beaucoup trop tard, et je dois pas vous faire un dessin. Imaginez le patron flamand, qui voit arriver un demandeur d’emploi wallon, très en retard… Mais il ne peut rien y faire, le jeune! On doit faire cet effort pour aider nos jeunes, pour les aider à trouver du boulot. Je connais énormément de jeunes francophones qui veulent aller travailler, mais comment ils doivent faire, s’ils n’ont pas de voiture ou s’il n’y a pas de transports en commun? Hein?

On sent que ça vous énerve…

Ah oui, ça m’énerve vraiment ces clichés. On dit toujours des choses, on ne les résout jamais… Moi je veux résoudre les problèmes…

C’est le contraire de José Happart ou des flamingants ça…

Je peux dire que je suis 100% le contraire de ces gens-là oui.

Et sur le plan de l’emploi des langues, il y a tout de même des choses à changer non?

J’aimerais bien, mais ce n’est pas possible puisqu’on habite en Wallonie, et ce n’est pas mon intention de faire changer les lois linguistiques. Quand j’allais à la commune pour des papiers, il y avait une personne qui me répondait toujours en français, et bon, parfois j’avais un peu de mal en français, au début, pour les papiers, les formalités, trouver les mots et tout ça. Au bout de quinze ans, j’apprends qu’elle est non seulement bilingue, mais qu’elle était même originaire de Kuurne, et là je me suis dit «didjeu!»… Je trouve ça malheureux: si on peut aider, on aide. Et ça donne aussi de la confiance aux néerlandophones qui arrivent. Je suis rentré dans la politique pour ça, comme un remerciement pour les gens qui nous ont toujours bien reçus. Moi, je n’ai aucun problème avec mes voisins, et je n’ai encore entendu personne vraiment dire «les Flamands ceci ou les Wallons cela». Et je veux qu’on évite d’aller dans ce sens-là.

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