«Manifestants, pas criminels» : pourquoi les syndicats descendent dans la rue ce jeudi
Le front commun syndical organisait une manifestation nationale à Bruxelles, ce jeudi. FGTB, CSC, CGSLB et membres de la société civile ont protesté contre le projet de loi « anticasseurs », porté par le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne.
Les rues de la capitale ont vu déferler une vague rouge-vert-bleu, ce jeudi matin. Plus de 10.000 personnes selon les syndicats (7.000 selon la police) se sont donné rendez-vous dès 10h00 devant le cabinet du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) pour protester contre son projet de loi visant à rendre la justice « plus humaine, plus rapide et plus punitive ».
En musique, sous les fumigènes et les pétards, ils ont offert une toilette publique au ministre de la Justice. « Avec sa loi, pour un pipi dans une manifestation, certains activistes pourraient se voir interdire de manifester », ont-ils ironisé, en écho à la polémique ayant entouré la fête d’anniversaire du libéral flamand durant l’été.
Après le feu vert de la Commission Justice, début juillet, le texte devait être soumis au vote des députés en séance plénière, jeudi. S’il n’est finalement pas à l’agenda, ce n’est que partie remise, ce qui suscite la colère dans les rangs syndicaux.
Depuis le début de l’année, la FGTB, la CSC et la CGSLB manifestent leur réprobation face à ce projet de loi qu’ils jugent « antidémocratique ». Un article en particulier cristallise les tensions : celui qui permet à un juge d’assortir d’une interdiction de manifester une peine prononcée pour des actes de violence ou de dégradations commises lors d’un « rassemblement revendicatif ». Concrètement, les fauteurs de troubles lors d’une précédente action pourraient ainsi se voir interdits d’accès aux manifestations durant trois ans, voire six en cas de récidive.
Le flou règne
Ce qui inquiète les syndicats, c’est le caractère particulièrement large des faits visés par le ministre Van Quickenborne. Certes, le projet de loi évoque des actes graves, tels que des menaces d’attentat, des meurtres ou des lésions corporelles volontaires. Mais le texte englobe également le vandalisme, les incendies ou la dégradation de biens. « Dès lors, quid d’un feu de palettes un jour de grève ? Quid d’un trottoir ou d’une façade salie, même par de la peinture lavable ? Quid du blocage d’un magasin d’alimentation? Quid d’un jet d’œufs ou de tomates lors d’une action militante ? », s’interrogeait la FGTB en juin.
La notion de « rassemblement revendicatif » est également jugée trop floue par le front commun syndical. Si le ministre de la Justice a assuré que les actes commis durant une action de grève ne seraient pas visés par le texte, le président de la FGTB Thierry Bodson en doute fortement. « J’ai fait relire ce texte par de nombreux juristes, et tous s’accordent à dire que les mobilisations syndicales et les piquets de grève pourraient être concernés », s’indigne la figure de proue du syndicat socialiste, qui voit en ce texte une grave atteinte à la démocratie.
« Un avant et un après »
Face à ces nombreuses interrogations, le front commun syndical appelle les députés à voter contre le texte, aux côtés d’associations comme Greenpeace et la Ligue des droits humains. Après leur arrêt devant le cabinet de Van Quickenbrone, les trois syndicats du pays se sont rendus devant les sièges des partis de gauche du gouvernement fédéral (Ecolo, Groen, PS, Vooruit) pour les enjoindre de s’opposer au projet de loi. « J’ai déjà averti ces deux familles politiques: si ce projet est voté, cela ne passera pas chez nous, insistait Thierry Bodson dans les colonnes du Soir, jeudi. Entre la FGTB, le PS et Ecolo, il y aura un avant et un après. »
En raison de cette manifestation, les transports en commun bruxellois sont perturbés. Les services du Tec et De Lijn sont également impactés.
Vincent Van Quickenborne défend son projet de loi
Vincent Van Quickenborne (Open Vld) a défendu son projet de loi. Le ministre de la Justice a particulièrement visé le président du PTB Raoul Hedebouw : « vous êtes du côté des casseurs criminels. Comment osez-vous les défendre? », a-t-il lancé. Vincent Van Quickenborne a rappelé que cette loi avait comme point de départ les débordements survenus en marge d’une manifestation contre les mesures sanitaires en janvier 2022. « Il s’agit toujours du même petit groupe de casseurs portant des cagoules et des marteaux. (…) Il s’agit de ceux qui tabassent les policiers, qui incendient, qui détruisent les magasins. Il s’agit de ces casseurs-là. »
Cette réponse n’a pas convaincu Raoul Hedebouw, le PTB voyant dans cette loi une possibilité de poursuivre tout manifestant. « Qui est trainé devant les tribunaux ? Les activistes de Greenpeace, les travailleurs de Delhaize face aux huissiers, c’est ça la vérité ! » Le président des communistes a appelé l’aile gauche de la Vivaldi à ne pas adopter cette loi. « Pourquoi suivez-vous la droite ? Réagissez ! »
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