Mais où est donc passée Rajae Maouane? Les raisons de l’effacement de la coprésidente d’Ecolo
Rajae Maouane, coprésidente d’Ecolo et tête de liste fédérale à Bruxelles, est effacée en ce début de campagne. Son coprésident Jean-Marc Nollet prend beaucoup de place. Il n’est pas le seul…
Mais où est donc passée Rajae Maouane? Elle est, en ce début de campagne, particulièrement effacée, et la coprésidence écologiste semble aujourd’hui plus déséquilibrée que jamais. Son binôme avec Jean-Marc Nollet, celui du madré wallon et de la jeune bruxelloise, installé en 2019, laisse de plus en plus voir une division fort genrée du travail coprésidentiel. Il est souvent là, et elle pas. Au débat des présidents de parti de la Fédération Construction, il était là, et elle pas. A celui de la FEF, il était là, elle pas. A celui de QR, sur la RTBF, il était là, elle pas. Au débat Canal Z-FEB, il était là et elle pas. Encore plus important, au débat des présidents du Vif, le 23 mars, il sera là, elle pas, elle sera à Rennes, pour un colloque sur l’extrême droite. Même si elle a participé à un débat du MOC, même si elle fera un débat de la RTBF, et même si elle en a fait un sur RTL en janvier, Rajae Maouane est peu là où on attend qu’une présidente en campagne soit, et Jean-Marc Nollet y est tout le temps. Elle est dans les associations, à Bruxelles, et elle est sur les réseaux sociaux, elle donne des interviews aux pages régionales des quotidiens populaires, elle introduit les discussions en bureau politique ou dans les différents «G9» écologistes, et elle ne se dispute jamais. Lui, il est dans tous les médias, dans tous les débats, il ne laisse pas à un grain de poussière le temps de se déposer dans un coin du parti, et il a été, il est ou il sera, à un moment ou l’autre, en bagarre avec toute personne ayant un jour siégé dans une quelconque instance écologiste.
Il y a de l’attendu, dans cette inégale répartition, parce que Rajae Maouane n’a pas l’expérience de son homologue et qu’à leur intronisation, à l’été 2019, puis à leur prolongation, au printemps 2023, prévue jusqu’à janvier 2025, et du reste durant tout leur mandat, hors d’Ecolo mais aussi à l’intérieur, c’est à Jean-Marc Nollet qu’on a demandé des comptes.
La distribution des territoires respectifs, le fédéral surtout pour lui, la Région wallonne aussi, ne laissait plus à Rajae Maouane que Bruxelles, et donc presque rien, parce que la politique de la Région-capitale, chez Ecolo, est davantage l’apanage de la régionale du parti que de sa coprésidence bruxelloise. Le dispatching des thématiques de prédilection, le climat, l’environnement, l’économie et l’énergie pour lui, le féminisme et les questions culturelles, où en outre Ecolo, surtout à Bruxelles, regorge de concurrentes, a aussi réduit la surface des expressions possibles de Rajae Maouane.
Leur place sur les listes contribue également à l’effacement de l’une au profit de l’autre. Jean-Marc Nollet n’avait déjà pas besoin de cela pour engager une campagne nationale, mais voilà, il est hainuyer, il a demandé et obtenu de pouvoir se re-re-représenter comme tête de liste fédérale. Il aura face à lui Paul Magnette pour le PS et Georges-Louis Bouchez pour le MR, qu’ils se rencontrent au moindre coin de rue et toute la Belgique en sera avertie: la Ligue des champions politiques se jouera cette année en province de Hainaut.
Rajae Maouane sera tête de liste au fédéral aussi, certes, elle aura des choses à dire, c’est certain, mais pendant que Jean-Marc Nollet jouera la grande bataille des décisifs, elle participera à la petite guéguerre des décidées, ces têtes de liste qui ne l’auront été, à Bruxelles, que parce que des personnalités plus décisives ont choisi d’aller ailleurs. Le scrutin fédéral, à Bruxelles, aura cette saison des allures de championnat provincial. Au PS, Caroline Désir est tête de liste fédérale parce qu’Ahmed Laaouej a choisi d’aller à la région. Au MR, Valérie Glatigny est tête de liste fédérale parce que Sophie Wilmès a choisi d’aller à l’Europe. Et chez Ecolo, Rajae Maouane est tête de liste fédérale parce que Zakia Khattabi a choisi d’aller à la Région. L’appareil écologiste, comme celui des autres partis, se mobilise surtout pour le scrutin régional. Ainsi Rajae Maouane peut-elle mener sa campagne sans grand bruit, parce que les grands enjeux se trouvent ailleurs.
La bifurcation, inattendue, de Zakia Khattabi vers la Région relègue encore, en quelque sorte, la coprésidente écologiste un cran plus bas dans la hiérarchie bruxelloise. Dimanche 17 mars, à Namur, au meeting de lancement de la campagne, Rajae Maouane a animé les deux heures de discussion, elle a fait des blagues, elle a introduit les intervenants, elle a fait son discours après le discours de Jean-Marc Nollet, et puis l’un comme l’autre ont invité Zakia Khattabi à venir conclure la journée, et ainsi l’aînée bruxelloise a-t-elle symboliquement, et avec le consentement éclairé de chacune, été portée sur le pavois par sa cadette.
Rajae Maouane, le 9 juin, sera éluée députée fédérale. Mine de rien, il s’agira d’un moment important pour elle, qui n’a jamais siégé que quelques semaines, en 2019, au parlement bruxellois. Si elle le souhaite, et si le résultat écologiste ne pousse pas à une révolution de palais, elle devrait pouvoir cumuler jusqu’à janvier 2025, une fois passée la séquence communale. Et après? Jean-Marc Nollet, il ne le cache pas, souhaite reconduire son mandat de coprésident. Il dit même, il paraît, que ça sera son dernier bail en politique.
Il aura, c’est presque certain, un équipage face à lui. Il y en a qui ne le trouvent pas assez radical, et ceux-là, souvent, trouvent que Rajae Maouane ne l’aiguillonne pas assez. Ils ont pu être en colère contre le Carolorégien, mais ils n’ont même pas vraiment été déçus par la Bruxelloise.
En attendant, le madré Wallon gardera-t-il sa jeune équipière bruxelloise? Rajae Maouane n’est pas tout à fait favorite pour se succéder à elle-même. Le madré Wallon, c’est certain, pense déjà à son prochain binôme, le dernier de sa longue carrière. La jeune Bruxelloise, elle, pourrait préférer exercer le premier vrai mandat électif de sa vie politique, à la Chambre, loin des visées omniscientes de son madré Wallon de coprésident. Un peu éloignée, aussi, des pesantes nécessités qu’impose la direction d’un grand parti de gouvernement.
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