L’Open VLD s’effondre: c’est la cata mais pas encore la mort (analyse)
L’Open VLD s’enfonce encore dans les sondages. La situation est très inquiétante pour les libéraux flamands, mais pas obligatoirement désespérée. Voici pourquoi la situation est grave pour eux. Ou pas tant que cela…
Ce ne sont jamais que des intentions de vote à un an du scrutin, diront les libéraux les plus optimistes. Ou un alarmant coup de semonce adressé au parti du Premier ministre, s’inquiéteront les autres. Au nord du pays, l’Open VLD semble à la dérive. C’est du moins ce qu’indiquent les sondages, les uns après les autres.
Le plus récent a livré ses résultats le week-end dernier. Le «grand baromètre» réalisé par Ipsos pour le compte de divers médias (Le Soir, Het Laatste Nieuws, RTL Info et VTM), dans les grandes lignes, pointe un PS toujours en tête en Wallonie, un MR qui ravit la première place à Bruxelles et, en Flandre, un Vlaams Belang qui reste le premier parti. Au nord du pays, l’Open VLD s’écrase à 8,3% des intentions de vote, alors qu’il récoltait 13,5% des suffrages en 2019. Si ces prévisions se confirment dans les urnes, l’Open VLD sera le sixième parti de Flandre, ne devançant que Groen, et perdra six de ses actuels douze sièges à la Chambre.
Est-ce grave, docteur? Pour les libéraux flamands, la situation est des plus sérieuses mais pas forcément insurmontable.
Pourquoi c’est grave…
➜ Parce que cela les dépasse
Les partis traditionnels ne convainquent plus, la tendance dépasse largement la politique belge, d’ailleurs. Lors des élections de 2019, déjà, les partis issus des trois familles traditionnelles n’obtenaient pas la moitié des sièges à la Chambre. Les sondages confirment cette désaffection. Dans le même temps, la tentation des extrêmes s’accentue, le Vlaams Belang se situant à 22,7% des intentions de vote en Flandre, et le PVDA à 10,3%. Hormis Vooruit, tous les partis des majorités fédérale et flamande s’érodent. «C’est mathématique. Si Vooruit, le PVDA et le Vlaams Belang gagnent des électeurs, d’autres doivent en perdre», résume Caroline Sägesser, chercheuse au Crisp, le Centre de recherche et d’information sociopolitiques. Mais la bérézina semble plus catastrophique à l’Open VLD qu’ailleurs et c’est d’autant plus visible qu’il s’agit du parti du Premier ministre.
➜ Parce qu’on marche sur leurs plates-bandes
L’électorat flamand penche à droite, mais la concurrence est telle de ce côté de l’échiquier politique que le parti libéral n’y trouve plus sa place. Les électeurs font leur marché ailleurs, notamment à la N-VA. Conner Rousseau, président de Vooruit, s’est lui aussi mis à adopter des postures centristes, voire de centre-droit, sur la thématique des demandeurs d’emploi, par exemple. Il faudra toutefois attendre l’après-2024 pour évaluer dans quelle mesure Vooruit aura siphonné des voix à l’Open VLD, tempère le politologue Benjamin Biard (UCLouvain – Crisp).
➜ Parce qu’ils incarnent le fédéral
On peut débattre à l’envi de la volonté réelle des électeurs flamands à vouloir moins de Belgique et plus de Flandre. Les intentions de vote, en attendant, sont limpides: elles attribuent au Vlaams Belang et à la N-VA près de 45% des voix au total. Or, l’Open VLD est ce parti qui incarne plus que les autres l’échelon fédéral. L’Open VLD figure bien dans le gouvernement régional flamand, mais des partenaires, ce n’est pas celui qui attire le plus la lumière. Même l’échelon local prend ses distances. Het Nieuwsblad rapportait mardi qu’un bourgmestre sur quatre ayant présenté une liste communale Open VLD en 2018 ne le fera plus sous cette bannière l’an prochain. Cette option est même envisagée à Brakel, le fief des De Croo…
➜ Parce que c’est la Vivaldi
La coalition fédérale est régulièrement qualifiée de «trop à gauche» au nord du pays, où l’on voit volontiers les socialistes et les écologistes tenir les rênes. C’est un paradoxe à assumer pour l’Open VLD, dont le président Egbert Lachaert était présenté comme un tenant de l’aile droite du parti, lorsqu’il a succédé à Gwendolyn Rutten, en mai 2020.
Ce sera un subtil équilibre à trouver entre le rôle d’un parti en mauvaise posture et celui du Premier ministre.
Cette coalition «a mauvaise presse, observe Caroline Sägesser. On est à un an des élections et on dresse déjà des bilans négatifs» d’une majorité qui aurait plutôt bien géré les crises, mais manqué de vision, d’unité et de réformes ambitieuses. C’est la petite musique qui agace, au 16 rue de la Loi. Si les réformes fiscales ou des pensions devaient encore atterrir, elles seront avant tout portées par des ministres d’autres formations, respectivement le CD&V et le PS. Il appartient à Alexander De Croo et, avec lui, à l’Open VLD de conserver contre vents et marées le rôle de capitaine d’une coalition à sept, où les autres peuvent plus aisément se permettre de faire campagne ou de jouer la «participopposition». Le Premier ministre s’est quelquefois aventuré sur un terrain plus partisan – en proposant une «pause environnementale», par exemple – sans que ce soit accueilli avec enthousiasme. Le tout en subissant les assauts d’une opposition qui, elle, se révèle extrêmement audible et identifiable.
➜ Parce qu’il y a de la nervosité
Quelques épisodes n’auront pas aidé l’Open VLD à redresser la barre. Dans le dossier des suppléments de pension indûment versés, l’ancien président de la Chambre, un certain Herman De Croo, était impliqué, même s’il a bien plus que d’autres fait amende honorable. En interne, la mise à l’écart de la secrétaire d’Etat au Budget Eva De Bleeker et son remplacement par Alexia Bertrand, transfuge du MR, aura éventuellement laissé des traces. On songe aussi à l’affaire Sihame El Kaouakibi, du nom de cette députée flamande qui a quitté le parti en raison de suspicions de fraude aux subsides.
Le récent sondage a lui aussi suscité quelques crispations en interne, la charge la plus virulente venant de la députée régionale Els Ampe, qui critique ouvertement la tête du parti. La présidence d’Egbert Lachaert est remise en cause par quelques-uns, lui qui doit composer dans un espace politique «où la personnalisation est devenue très importante», explique Caroline Sägesser, avec des figures telles que Bart De Wever (N-VA), Sammy Mahdi (CD&V), Raoul Hedebouw (PTB-PVDA) et Conner Rousseau (Vooruit).
Pourquoi ce n’est pas si grave…
➜ Parce que ce ne sont que des sondages
Les dernières tendances sont prises très au sérieux à la tête de l’Open VLD mais il ne s’agit pas d’un résultat électoral. Le «grand baromètre» est une prise de température, traduit des intentions uniquement et, accessoirement, a une marge d’erreur maximale de +/- 3,1% en Flandre et en Wallonie et de 4% à Bruxelles.
➜ Parce que c’est la rançon de la gloire
Lorsqu’on occupe le 16 rue de la Loi, la personnalité du Premier ministre a beau engranger de la notoriété, son parti en paie le prix dans les urnes. Ce n’est peut-être pas une loi d’airain de l’ingratitude en politique, mais une réalité souvent observée. En 2019, le MR de Charles Michel perdait six sièges à la Chambre. En 2014, au terme du gouvernement Di Rupo, le PS en perdait trois. Les occupations du poste par Yves Leterme et Herman Van Rompuy n’ont pas profité au CD&V sur le moyen terme. «Il faut remonter à 2003 pour avoir une exception, avec Guy Verhofstadt qui est sorti vainqueur des élections, mais c’était un contexte différent, avec un gouvernement arc-en-ciel qui avait marqué la rupture en 1999 et engrangé des avancées», retrace Caroline Sägesser. Le paysage politique n’était de surcroît pas encore éclaté comme il l’est deux décennies plus tard.
➜ Parce qu’il reste un an
L’état-major de l’Open VLD s’est réuni dès le 10 mai pour évoquer la situation. Le parti devra mettre un plan d’attaque en œuvre s’il souhaite faire mentir les sondages. Le président Egbert Lachaert s’est fixé le 9 juillet comme échéance pour avancer des plans. Plusieurs pistes sont évoquées, par plus ou moins de monde au sein du parti et avec plus ou moins de conviction, la plus radicale étant l’éjection du président, qui pourrait être particulièrement risquée à un an du scrutin. Certains cadres du parti envisagent un changement d’identité, y compris un changement de nom. Une partie de la formation appelle également à un renouvellement des cadres du parti, une rupture avec le passé, à tout le moins une redéfinition des rôles.
C’est mathématique. Si Vooruit, le PVDA et le Vlaams Belang gagnent des électeurs, d’autres doivent en perdre.
Caroline Sägesser
Les prises de parole des derniers jours, d’Egbert Lachaert ou Alexia Bertrand notamment, indiquent une prise de distance par rapport à la Vivaldi. L’Open VLD veut affirmer sa ligne libérale, à droite, autonome par rapport à la coalition fédérale. Ce sera un subtil équilibre à trouver entre le rôle d’un parti en mauvaise posture et celui du Premier ministre, qui pourra capitaliser sur le sens des responsabilités, le bilan, la gestion des crises, etc.
➜ Parce que d’autres sont passés par là
Il est vrai qu’en matière d’intentions de vote, les chiffres sont faméliques pour les libéraux flamands. Mais la majorité des partis de majorité ou dits traditionnels sont en recul. Le CD&V ne se porte pas tellement mieux. Et d’autres sont passés par des creux. En politique, les choses peuvent évoluer rapidement. Les socialistes flamands, qui n’obtenaient que 10,8% des suffrages en 2019, se refont une santé sous la houlette de Conner Rousseau et pointent désormais à 16,8%. Le Vlaams Blok, désormais Vlaams Belang, n’a-t-il pas été annoncé mort et enterré par le passé?
➜ Parce qu’Alexander De Croo peut limiter la casse
Sauf réorientation de carrière, il ne se présentera jamais que devant les électeurs de Flandre-Orientale, certes, mais le Premier ministre jouit toujours d’une certaine popularité. En Wallonie et à Bruxelles, où seule Sophie Wilmès le devance dans les sondages. En Flandre, il est troisième, derrière Conner Rousseau et Bart de Wever. Précisément, 46% des Flamands souhaitent qu’il joue un rôle, 42% ne le souhaitent pas. Cela reste honorable eu égard au score de son parti et il est fort probable qu’il se profile toujours plus comme sa figure de proue.
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