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Les négociations bruxelloises pourraient coûter cher, et pour longtemps

Sylvain Anciaux

Le 31 décembre, le gouvernement bruxellois (qui n’est pas encore né) devra remettre son budget à la Commission européenne. Si ce n’est pas fait, un paquet de mesures européennes inédites pourrait s’abattre sur Bruxelles. Les agences de notation ont la capitale dans le viseur, et David Leisterh est embêté.

Il est inquiet, énervé et peut-être même exaspéré, David Leisterh. Voilà plusieurs mois que le leader du MR bruxellois attend que les partis néerlandophones trouvent une majorité… en vain jusqu’à présent. Il faut dire que l’heure tourne. Initialement fixée au 20 septembre, la remise du budget 2025 est finalement attendue par la Commission Européenne pour le 31 décembre, sans quoi des sanctions tomberont. Des conséquences que le libéral ne veut pas imaginer. Il a alors proposé de créer de nouveaux postes au sein du gouvernement bruxellois afin que les quatre partis néerlandophones susceptibles de créer une majorité s’y retrouvent. En substance, il s’agit d’un siège non exécutif, rattaché au Ministre-Président qui garderait la compétence budgétaire, et dépourvu de droit de veto. Bref, un poste de comptable au sein du gouvernement. Et ça, personne n’en veut.

Ultimatum. C’est le mot de la rentrée. Sur les antennes de Bx1, lundi matin, David Leisterh a fixé la deadline à ses futurs partenaires néerlandophones à la mi-décembre. La date n’est pas choisie au hasard. Voyant que l’objectif d’un budget au 20 septembre ne serait pas respecté, la Commission Européenne a donné attitude jusqu’à la fin de l’année. «Si aujourd’hui, on a un accord, lundi on rentre en négociations. Le 20 novembre on présente le gouvernement bruxellois, et le 15 décembre on a un budget. Si on n’a pas de gouvernement au 20 novembre, alors ça devient plus compliqué», planifie une source proche des négociateurs.

Côté néerlandophone, on s’est quelque peu étonné de voir le formateur régional revenir avec comme proposition la création d’un poste de commissaire au sein du gouvernement bruxellois dont la forme juridique inquiète. Une telle proposition avait déjà été faite cet été. Et déjà refusée.

«Si aujourd’hui, on a un accord, lundi on rentre en négociations. Le 20 novembre on présente le gouvernement bruxellois, et le 15 décembre on a un budget. Si on n’a pas de gouvernement au 20 novembre, alors ça devient plus compliqué»

Une source proche des négociateurs bruxellois.

Surpuissantes agences de notation

Que se passera-t-il, alors, si le gouvernement bruxellois ne sera pas formé d’ici 2025 et qu’aucun budget ne sera remis à la Commission européenne ? «A en suivre les observations du Front Monétaire International (FMI), la situation économique va se dégrader, assure l’économiste Bertrand Candelon. Et plus on attend, plus les mesures à prendre seront fortes. Quand on creuse la dette (NDLR: aujourd’hui de 25% à Bruxelles, soit 13 milliards d’euros en 2023), les taux d’intérêt augmentent. En Grèce, en 2012, on était à 15% de taux d’intérêt. On est à 3% aujourd’hui.»

Jusque-là, c’est plutôt connu.

Mais ce lundi, sur Bx1, David Leisterh rappelait qu’une menace plus grande à ses yeux que les institutions européennes planait. «Au mois de mars, l’agence de notation (NLDR: Standard&Poors) va à nouveau revoir la note de Bruxelles, et si on n’a pas un budget, ils vont à nouveau la dégrader.»

La réelle inquiétude est là. Une note dégradée implique des emprunts plus onéreux pour la région, et donc une envergure politique réduite. L’avenir économique de Bruxelles se trouve peut-être dans les mains des trois agences de notation : Moody’s, Fitch et Standard & Poor’s. «Ces agences de notation sont trop cycliques, elles peuvent amplifier des tendances, bien qu’elles informent leurs clients à partir de données publiques, note Bertrand Candelon. En une semaine, si le marché s’emballe, les taux d’intérêt explosent», et un gouvernement affublé d’une mauvaise note par les agences de notation se retrouvera encore un peu plus noyé.

Au milieu de toute cette inquiétude, on se dit que Bruxelles pourra toujours compter sur le soutien du fédéral et de l’Europe. Sauf que ce que l’Europe donne d’une main, elle a souvent tendance à le reprendre de l’autre, les nouvelles mesures en matière de finances publiques en sont l’exemple. Le délai prolongé pour remettre le budget doit être respecté sans quoi les amendes tomberont, et le gel de fonds européens pour Bruxelles également. Idem si la Commission Européenne juge les dépenses bruxelloises toujours trop conséquentes. «Ces amendes pourraient monter jusqu’à 1% du PIB local.»

Voilà trois semaines que les négociations entre Groen et les autres partis néerlandophones ont repris, à Bruxelles. L’axe de confiance entre le MR et les écologistes flamands est à la reconstruction, «mais le port est encore loin», commente le cabinet Van Den Brandt. En coulisses, il se dit aussi que la N-VA est de retour dans les discussions et que celle-ci, sous certaines conditions, pourrait accepter le poste imaginé par David Leisterh. Mais «sous conditions» peut signifier beaucoup de choses, dans cet automne politique belge.

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