Conner Rousseau
Conner Rousseau figurera bien sur une liste Vooruit aux élections du 9 juin 2024. © BELGA

Les 5 enseignements du come-back de Conner Rousseau

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Conner Rousseau, président déchu de Vooruit, sera bien candidat aux élections du 9 juin. Cela peut faire les affaires de son parti, mais aussi de ses adversaires, voire du PS. Explications.

La nouvelle était dans l’air. Elle a été confirmée ce mercredi sur le coup de 16 heures, par la présidente de Vooruit, Melissa Depraetere. Son prédécesseur, Conner Rousseau, se présentera finalement aux élections du 9 juin. Il figurera en dernière position sur la liste de Flandre orientale, aux élections régionales.

D’indétrônable, il était devenu indésirable, pour finalement endosser le costume d’incontournable. Conner Rousseau, pourtant, avait démissionné de la présidence de Vooruit en novembre 2023, au terme d’une séquence peu à son avantage. Deux mois plus tôt, il s’était rendu coupable de déclarations racistes au cours d’une soirée arrosée, qui avaient filtré dans la presse, jusqu’à causer sa chute. Mais en politique, en temps de campagne électorale de surcroit, tout peut évoluer très rapidement.

1. Vooruit n’a pas pu se passer de Conner Rousseau

Le départ forcé de Conner Rousseau, durant l’automne 2023, s’apparentait à une catastrophe pour Vooruit, tant cette figure montante de la politique représentait le renouveau pour les socialistes flamands, promis à des beaux lendemains électoraux.

Très populaire dans les enquêtes d’opinion, il était celui par qui devait passer le redressement du parti. Remplacé au pied levé par une proche, Melissa Depraetere, à la présidence, il a continué (malgré lui, peut-être) de faire planer son ombre sur le parti. Et cette dernière, qui ne démérite pas dans sa façon d’occuper la fonction, ne parviendra sans doute pas à atteindre sa cote de popularité. Pas dans l’immédiat, en tout cas. Or, le temps presse, puisque le scrutin se tient dans deux mois.

Jusqu’à septembre 2023, par exemple, Conner Rousseau se partageait à avec Bart De Wever le rôle de personnalité politique que les électeurs flamands voulaient le plus voir jouer un rôle prédominant. C’est ce que mesuraient les Grand Baromètres trimestriels réalisés par Ipsos pour Le Soir et RTL.

Même après avoir démissionné, lors du baromètre de décembre, il chutait, mais figurait encore en 13e position du classement des personnalités, tandis que Melissa Depraetere était en 21e place. En mars dernier, cette dernière accédait à la 14e place et Conner Rousseau reculait à la 18e place, mais figurait toujours dans le classement, malgré son retrait.

Pendant ce temps, Vooruit reculait dans les sondages, qui créditaient de 16,8% d’intention de vote en juin 2023 (bien mieux que le score électoral de 10,8% en 2019), mais seulement de 11,4% en mars, en se faisant au passage chiper la place de troisième parti flamand par le CD&V.

Le sondage que Kantar a réalisé pour Le Vif en février plaçait Vooruit à 14,7% des intentions de vote en Flandre. Mais Conner Rousseau, lui, était relativement souvent cité par les sondés lorsqu’il s’agissait de désigner les personnalités politiques préférées. Lorsqu’il était demandé aux Flamands quelle personnalité politique les représentait le mieux, dans le cadre d’une question ouverte, Conner Rousseau arrivait en quatrième position (il occupait la même position parmi les personnalités qui représentant «le plus mal» les électeurs, cela étant). Melissa Depraetere, elle, était quasi inexistante dans ces tops des personnalités.

2. Conner Rousseau revient, mais pas non plus par la grande porte

Logiquement, la confirmation de la présence de Conner Rousseau fait l’objet d’une large couverture médiatique, étant donné le profil et le parcours de l’intéressé. Mais considérer qu’il revient par la grande porte serait sans doute quelque peu abusif, puisqu’il occupe une place de combat, en dernière position sur une liste régionale. «Pour être élu, il devra se battre pour chaque vote», commente d’ailleurs Melissa Depraetere.

L’ampleur de son résultat électoral déterminera vraisemblablement le rôle qu’il aura à jouer au sein du parti et sur l’échiquier politique en général. Si sa popularité reste grande, le dimanche électoral permettra également de jauger dans quelle mesure les électeurs éprouvent ou non une rancune à son endroit.

3. C’est cynique, mais c’est de la politique

«Non, je ne suis pas heureux du retour de Conner Rousseau, mais j’accorde à chacun une seconde chance. Toujours.» Ce sont les mots de Bert Anciaux, une des personnalités de Vooruit et un des rares à avoir ouvertement critiqué l’ex-président lorsqu’il était dans la tempête.

Cela témoigne d’un malaise probable, au moins auprès d’une partie des mandataires et des membres de Vooruit. Conner Rousseau, rappelons-le, n’a pas fait un pas de côté pour quelques broutilles, mais pour avoir été l’auteur de paroles racistes, qui l’auraient définitivement fait chuter s’il avait été un second couteau. C’est là que réside la part de cynisme qui caractérise, entre autres, cette séquence politique.

4. La présence de Conner Rousseau, un point fort comme un point faible

Vu sa popularité et ce qu’il a incarné pour son parti, ce retour de Conner Rousseau résulte nécessairement d’un calcul électoral. Pour Vooruit, il y a plus à gagner qu’à perdre, en réintégrant la brebis galeuse.

Mes les socialistes flamands s’exposent également à la critique. Tel une perche, l’argument est tendu aux adversaires politiques de tous bords, qui ne manqueront pas de le brandir à la moindre occasion. Vooruit est ce parti (socialiste, au demeurant) qui compte dans ses rangs, de façon délibérée, ce candidat qui traîne d’encombrantes casseroles.

5. Le retour de Conner Rousseau peut faire les affaires du PS

Les conjectures sont nécessairement prématures. Mais dès lors que la disparition de Conner Rousseau représentait une tuile pour la famille socialiste dans son ensemble, il est possible que son retour inverse quelque peu la vapeur.

Alors que l’arithmétique électorale a de grandes de chances de générer un casse-tête après le 9 juin, lorsqu’il s’agira de former des coalition, l’hypothèse d’une famille socialiste robuste au nord comme au sud du pays serait de nature à clarifier le jeu. Conner Rousseau, lui, n’est plus «Premier ministrable», comme il le fut peut-être. Et son attitude passée a fermement été condamnée dans les rangs du PS. Mais il avait cette qualité, aux yeux de certains, de conserver une entente cordiale avec Bart De Wever. Pour le formuler autrement: une famille socialiste nombreuse à la Chambre pourrait faciliter la mise en œuvre de l’axe PS-N-VA. Et peut-être augmenter les chances de Paul Magnette d’accéder au 16. Mais ce ne sont là que des supputations.

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