Le personnage préféré de Nadia Naji, la coprésidente de Groen: «Hermione Granger, parce qu’elle sait tout et que la leader, c’est elle»
Super-héros, aventurière, salaud, battante, loser, grande âme… Quel est votre personnage de fiction préféré? Chaque semaine, une personnalité se prête au jeu. En révélant beaucoup d’elle-même.
Elle dit qu’elle n’a pas hésité une seconde. Ça a fusé comme un sort qu’on jette, baguette brandie: Hermione Granger. Elle s’explique en vibrant, comme elle parlerait d’une sœur. Et sans jamais appeler la plus brillante élève de Poudlard, l’iconique école des sorciers, par le prénom que lui a donnée la version néerlandophone de la saga Harry Potter: Hermelien. Cette version qu’elle a lue et relue, dans son intégralité (sept tomes, de 1997 à 2007), «au moins trente fois»! Elle en parle avec des étoiles dans les yeux. Elle aurait tant aimé que cet univers-là existe, vraiment. Elle y replonge encore aujourd’hui, souvent, comme si c’était vital. Peut-être parce que, par son parcours, les a priori, les murs et les plafonds qu’elle a dû exploser, Nadia Naji, la jeune coprésidente de Groen, a, en elle, quelque chose d’Hermione/Hermelien. Beaucoup même. Sauf qu’elle rit beaucoup plus.
Etre Hermione m’aiderait beaucoup: avec ma baguette magique, j’aurais déjà fait disparaître l’extrême droite.
Pourquoi Hermione est-elle votre personnage fictif préféré?
Je n’ai plus jamais ressenti l’effet que me faisait un nouveau Harry Potter, je n’ai plus jamais ressenti cette même émotion. Au début, j’allais à la bibliothèque emprunter chaque tome ou réserver celui qui allait sortir. J‘ai grandi, dans tous les sens du terme, avec cette saga. Le soir, quand le nouveau tome venait de sortir, je le lisais dans mon lit, jusque tard ; j’entendais mes parents monter, j’éteignais vite la lumière, ils allaient se coucher, je rallumais et je reprenais le livre. Je ne sais pas comment j’arrivais à tenir à l’école. J’avais 10 ou 11 ans quand une copine de classe, Naomi, m’a passé le premier. Elle était tellement fan qu’elle les lisait en anglais, dès leur sortie. Pour moi, c’était encore impossible, donc j’étais mégajalouse parce que la version en néerlandais sortait plus tard. A 15 ans, j’étais en pleine session d’examens lorsque le septième tome (Les Reliques de la mort) est paru et ma mère l’a caché. Mais je l’ai trouvé et je le gardais sur les genoux, sous la table, pour le lire au lieu d’étudier, avant de le remettre dans l’armoire. Le soir, je faisais la gentille qui demandait: «Je peux avoir le livre maintenant que j’ai étudié?» Pour le continuer. Et quand je retournais au Maroc, une fois tous les X ans, je m’installais dans un fauteuil avec un des tomes. Un de mes oncles, là-bas, m’appelle «Harry Potter». Je désapprouve les propos de son autrice, J. K. Rowling, sur les personnes transgenres, mais cette série est une grande partie de ma vie. Entre Hermione et moi, il y a beaucoup de parallèles.
Qu’est-ce qui vous fascine chez elle?
Elle est issue d’une famille de Moldus, donc ses parents ne sont pas sorciers. Elle a vraiment dû travailler dur pour se prouver à elle, et prouver aux autres, issus de familles de sorciers, qu’elle avait sa place à Poudlard. Chaque fois, elle commençait plus bas que les autres, parce qu’ils ne s’attendaient pas à ce qu’elle soit assez douée, et à la fin c’est elle la meilleure. Etre une Moldue lui fait peur, au début, et ça rend sa vie difficile, mais dans le dernier livre, elle dit: «Je suis une Sang-de-Bourbe (l’insulte à un sorcier Moldu) et je suis fière de l’être!» C’est très fort. Et puis, dans le quatrième tome, elle crée la Société d’aide à la libération des elfes de maison: cet esprit combatif, ses principes, et elle en a tellement, le fait qu’elle s’y tienne, c’est très beau. Très inspirant. Qu’elle ait créé la Société d’aide à la libération des elfes de maison, je comprenais pourquoi. L’asservissement des elfes, dans le récit, beaucoup de gens le considéraient normal et elle était une des seules à estimer que, en réalité, non, pas du tout, et qu’il y a moyen de changer les choses. Moi, je suis devenue végétarienne à un jeune âge. Ce n’est pas comparable, mais quand même: je rentrais à la maison, où tout le monde trouvait normal de manger des animaux, sauf moi. J’ai fait comme aurait fait Hermione: j’ai changé les choses, au moins pour moi. J’aime qu’elle ait autant de principes. Et de courage, parce que c’est elle, encore, qui crée l’armée de Dumbledore, quand il faut combattre les Mangemorts qui, petit à petit, sont occupés à reprendre les institutions, comme Poudlard.
C’est la femme qui mène les autres au combat et comprend mieux qu’eux les liens entre tous les problèmes.
Y a-t-il quelque chose que vous n’avez pas et que vous lui enviez?
Elle est très tenace. J’étudie beaucoup, moi aussi, aujourd’hui encore, pour connaître à fond mes dossiers, mais elle va encore plus loin: jusqu’au dernier détail.
Elle agace quand même, on l’appelle «Miss Je-sais-tout»…
Mais elle sait réellement tout! Et elle a raison de vouloir tout savoir. Ça dérange les autres, mais je pense que, parfois, cela dérange que des femmes sachent mieux que les autres. Quand ce sont des hommes, c’est tout de suite moins dérangeant… Cet aspect-là d’Hermione, c’est un point fort, un atout, une qualité. Sans elle, il n’y aurait pas eu l’armée de Dumbledore, Sans elle, la recherche de horcruxes (NDLR: objets maléfiques, au nombre de sept) n’aurait jamais abouti et n’aurait même jamais eu lieu: ils n’auraient pas été capables de le faire sans elle. C’est elle qui guide tout le groupe, pas Harry, il a juste beaucoup de chance d’être entouré par Hermione qui, grâce à son savoir et son courage, le pousse dans la bonne voie. Ron, lui, dans le dernier épisode, arrête la recherche des horcruxes et rentre à la maison. Hermione, pas du tout: elle est vraiment convaincue de la cause et elle y va à 100%.
Il existe des tee-shirts, féministes, sur lesquels on peut lire: «Sans Hermione, Harry serait au premier tome.» Vous vous y retrouvez, là aussi?
Je m’y retrouve, même sans savoir si cet esprit féministe était voulu dans la saga. Mais j’avoue que je le lis comme ça aussi. Hermione, c’est la femme qui mène les autres au combat et qui comprend beaucoup mieux qu’eux les liens entre tous les problèmes: elle analyse d’abord, elle déclenche l’action ensuite. Elle sait ce que Harry doit ou peut faire, et ce qu’elle ne peut pas faire, elle. La leader, c’est elle.
Vous êtes-vous déjà demandé ce qu’Hermione aurait fait à votre place?
Non, mais elle a été une source d’inspiration, durant toute ma jeunesse. Elle m’a formée aussi, en partie. Elle a contribué à ce que je suis aujourd’hui, j’en suis certaine.
Auriez-vous voulu être elle, dans la vraie vie?
Oui. Et ça m’aiderait beaucoup: avec ma baguette magique, j’aurais déjà fait disparaître l’extrême droite! Maintenant, dans la saga, Hermione, Harry et Ron ont été rejoints, soutenus et aidés par tout un groupe, toujours plus nombreux, pour combattre l’ennemi. Il y a toujours une majorité silencieuse, qu’on peut mobiliser. Aujourd’hui, plein de gens, dans la société, veulent aussi combattre cette extrême droite. On doit juste les rassembler.
Autour de vous, y a-t-il un Harry Potter, un Ron, un Dumbledore…?
Oui, même si on manque peut-être d’un Dumbledore au parti. Sinon, il y a pas mal de personnes inspirantes. Dans ma vie privée aussi, comme ma sœur et mon copain: sans eux, je ne serais pas capable de faire le travail que je fais.
Hermione, si brillante, qui tombe amoureuse de Ron, le cancre, ça vous a dérangée?
Jamais. Je comprends pourquoi: j’ai toujours été supportrice de l’underdog et je pense que Ron est un peu l’underdog de la saga. Entre Ron et Harry, j’aurais choisi Ron, moi aussi.
Bio express Nadia Naji
Naissance, le 2 février 1992, à Bruxelles. Père marocain, mère algérienne, un frère et une sœur. Francophone, elle grandit à Beersel, en périphérie flamande, et étudie à Hal, en néerlandais. Diplômée en communication de l’Erasmushogeschool (Bruxelles) et de l’UAntwerpen, elle est successivement consultante en relations publiques, journaliste à l’hebdo Bruzz, responsable des relations avec le secondaire à la VUB, assistante Groen au parlement bruxellois et conseillère santé et affaires sociales de la ministre bruxelloise Elke Van den Brandt. En juin 2022, elle est élue coprésidente du parti écologiste flamand, avec Jérémie Vaneeckhout.
Bio express Hermione Granger
Naît le 19 septembre 1979, dans le nord de Londres. Fille unique d’un couple de dentistes moldus, elle découvre ses pouvoirs magiques à 12 ans, ce qui lui permet d’entrer à l’école des sorciers de Poudlard. Elle y rencontre Harry Potter et Ron Weasley, qui deviendra son mari. Elle y découvre aussi la haine que vouent certains, dans le monde de la magie, à ceux dont la lignée n’est pas «pure», ceux dont les parents ne sont pas sorciers. Redoutant l’échec par-dessus tout, bûcheuse inouïe, pétrie de talents et d’ambition, terriblement sensible à l’injustice et la cruauté, et pas qu’envers elle, elle allie réflexion, courage et obstination. Devient ministre de la Magie en 2019.
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