Le MR récupère des écolo-déçus, Les Engagés «siphonnent» DéFi: zoom sur les transferts de voix entre 2019 et 2024
Comment a évolué le comportement des électeurs entre 2019 et 2024? Alors que le MR et Les Engagés ont glané des voix tous azimuts, le PS a été incapable de capitaliser sur la débâcle d’Ecolo pour se maintenir au pouvoir.
Infidèles, les électeurs wallons? Au fil des scrutins, la proportion de votants oscillant d’un parti à l’autre va croissant. Cette volatilité s’observe à nouveau dans les transferts de voix entre les élections fédérales de 2019 et de 2024, révélés par le sondage «Sortie des Urnes» du Centre d’Etude de la Vie Politique (Cevipol).
A en croire l’étude, menée dimanche auprès de 3.700 électeurs, le MR est le plus grand bénéficiaire de cette instabilité. Logique, au vu du triomphe de l’écurie Bouchez à tous les niveaux de pouvoir. «Pour gagner une élection, il faut à la fois réussir à conserver son socle électoral, mais aussi parvenir à capter de nouveaux électeurs, soit chez les primo-votants ou chez les concurrents», rappelle Pascal Delwit, politologue à l’ULB et auteur du sondage. Deux conditions remplies haut la main par les libéraux, qui affichent un taux de rétention impressionnant: 73,9% des électeurs MR en 2019 ont en effet rempilé en 2024, contre 66,7% pour les socialistes et seulement 44% pour les écologistes.
Du rose au turquoise
Les Bleus ont ensuite réussi à picorer des voix, tant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique: 13,4% d’ex-électeurs d’Ecolo ont ainsi voté MR dimanche, pour 21,6% d’ex-CdH ou encore 13,9% d’ex-DéFi. Le virage à droite amorcé par Bouchez a également permis de séduire des électeurs issus de formations plus extrêmes, qui avaient opté pour le Parti Populaire et les Listes Destexhe en 2019: 64,2% d’entre eux ont ainsi voté bleu dans l’isoloir.
Ce même discours a, par contre, pu effrayer certains libéraux plus modérés, conquis par le renouveau affiché par Les Engagés (16,4%). De manière générale, le parti de Maxime Prévot a ratissé large et a surtout profité de l’humiliation de DéFi, miné par les querelles internes. Plus de 33% d’anciens électeurs amarantes figurent désormais dans les rangs turquoises. «Les électeurs de DéFi en Wallonie ont un positionnement un peu plus à droite qu’à Bruxelles, note Pascal Delwit. Ce n’est donc pas étonnant de les voir glisser davantage vers les Engagés ou le MR plutôt que vers le PS ou Ecolo.»
Des écolos de droite?
Les écolos-déçus, eux, ont plutôt jeté leur dévolu sur le centre (21,4% vers Les Engagés) et la droite (13,4% vers le MR) que sur les autres formations de gauche (PS ou PTB). «Les socialistes n’ont pas été capables de s’imposer comme le réceptacle de la déroute verte», confirme Pascal Delwit. Aux yeux du politologue, les transferts entre écologistes et libéraux ou écologistes et centristes n’ont en réalité rien d’étonnant. Ils s’étaient d’ailleurs déjà observés dans le sens inverse lors du scrutin précédent. «Le MR et Ecolo ont une structure électorale un peu identique, avec des électeurs à capital scolaire important (titulaires d’un diplôme de l’enseignement secondaire général ou de l’enseignement supérieur/universitaire), note l’expert. Ce capital scolaire influence davantage le comportement électoral que les choix professionnels ou socio-économiques qui différencient ces deux types d’électeurs.»
Le glissement vers Les Engagés peut, lui, s’expliquer par l’attention portée par le parti aux thématiques environnementales – Jean-Luc Crucke en ayant fait une priorité de campagne – et la quête d’un positionnement économique plus modéré. Enfin, faute d’alternative crédible, certains écologistes désabusés ont également opté pour l’abstention, qui a atteint un niveau record (12,5%) cette année, rappelle Pierre Vercauteren, politologue à l’UCLouvain.
Faible glissement PS-PTB
Globalement, la gifle d’Ecolo s’explique par la fragilité et la volatilité historiques de sa base électorale, contrairement aux socles plus solides de partis traditionnels comme le PS. «Le nombre d’électeurs 100% fidèles aux Verts représente 5 à 8% du paysage politique belge, estime Pascal Delwit. C’est donc le parti le plus susceptible d’engranger des défaites marquantes, comme en 2004, 2014 et 2024, mais aussi de succès remarquables quand les astres sont alignés, comme en 2009 et 2019. »
Enfin, les performances décevantes des socialistes sont plutôt à attribuer au succès des Engagés qu’à la montée de l’extrême-gauche. Si le PTB a réussi à glaner 7,2% des voix au PS, le transfert des voix s’est plutôt opéré en sens inverse: 11,6% des pro-Hedebouw en 2019 se sont en effet révélés pro-Magnette cette année. «Le PTB avait l’espoir d’élargir son audience, en misant sur un électorat davantage apolitique ou protestataire, mais rien de tout cela ne s’est produit en Wallonie», conclut Pascal Delwit.
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