Le jour où Vincent Van Quickenborne a été communiste (podcast)
Comment se fabrique un engagement? Un livre peut-il changer une vision du monde? Une rencontre peut-elle faire bifurquer un chemin politique? Une chanson peut-elle donner du sens à un combat? Chaque mois, entre parcours intime et questions de doctrine, le podcast «Le sens de sa vue» dissèque ce qui a construit l’idéal politique d’un invité.
A bientôt un demi-siècle (le 1er août), le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) n’a pas encore terminé un parcours déjà long et sinueux.
Il a atteint une maturité politique qu’il souhaite encore valoriser «avec sa team», comme il dit. Ce parcours le vit, après un petit moment gauchisant d’adolescent – «Oui, à 16 ans, je me suis dit peut-être une fois que j’étais communiste, mais comme on dit, celui qui n’est pas communiste à 16 ans n’a pas de cœur, celui qui n’est pas libéral à 40 ans n’a pas de raison. Et moi, j’en ai 50…» – s’investir dans le mouvement citoyen des années 1990 par lequel il entrera à la Volksunie – «Je suis plus fédéraliste que flamingant» – puis rejoindre le VLD triomphant du début des années 2000. Après la conquête du maïorat de Courtrai en 2012 – «Le premier bourgmestre libéral depuis, pfiou!, 150 ans» –, il avait renoncé à un ministère fédéral. «On m’a pris pour un fou», se rappelle-t-il, pas mécontent de laisser voir ce côté un peu «anar» qu’il aime revendiquer. Depuis, il est revenu au gouvernement, fin 2020, à l’invitation de ses camarades et amis Alexander De Croo et Egbert Lachaert, qui le voulaient en vice-Premier.
Et, ce côté anar ouest-flamand, ses camarades du kern le redoutent autant qu’il les amuse…
Jim Collins
C’est un best-seller du management, Good to Great, «le seul livre de management que j’ai lu de ma vie», insiste le ministre, lecteur passionné des grands auteurs libéraux, de Karl Popper à John Stuart Mill. «Good to Great a déterminé toute ma façon de travailler. L’essence du livre est que pour avoir une très bonne entreprise, il faut d’abord choisir les bonnes personnes, puis seulement développer la vision avec elles. Donc d’abord qui et ensuite quoi. J’ai suivi ce principe tout au long de ma carrière politique lors de la constitution de mes équipes.» L’analogie du hérisson, un animal qui ne sait faire qu’une seule chose, mais qui la fait très très bien, et que développe Jim Collins, a inspiré le Courtraisien à chaque moment de sa vie politique depuis sa première désignation comme ministre: «Il faut une ligne de force, une idée simple, pour guider son mandat. Quand j’étais à la Simplification administrative, dans le gouvernement Verhofstadt II, j’étais venu avec l’idée de kafka.be (NDLR: site qui informe sur la loi Only Once), qui a frappé tout le monde», se souvient-il.
Les bains à Ostende
Il n’y a parfois qu’un pas de Courtrai à Ostende… «Je suis un grand fan de l’œuvre de James Ensor, pose Vincent Van Quickenborne. Il dresse un portrait fascinant de son époque avec un grand sens de l’humour. Sa critique sociale est toujours d’actualité. Il n’est pas une référence historique ; au contraire, il est incroyablement contemporain car ses œuvres continuent de montrer l’homme tel qu’il est: un individu, un animal de troupeau, un peu vaniteux, parfois honteux. J’ai une gravure de lui à la maison. C’est la seule œuvre d’art que j’ai achetée jusqu’à présent.» Il l’a payée 16 000 francs belges, «c’était en 2000», à une vente aux enchères. Cette férocité ensorienne dans la critique sociale, il dit la partager, jusque dans le rejet des habitudes bourgeoises. «On a besoin de gens comme Ensor, qui nous remettent en question», plaide-t-il.
Jean-Pierre De Bandt
Un grand avocat, chez qui le tout jeune libéral fera un stage et qui le rappellera, après ses études. «A la fin de mon cursus en droit, j’étais plus intéressé par l’économie. J’ai donc commencé à postuler dans des banques. J’allais pouvoir commencer à la Kredietbank, il ne me restait plus qu’à signer quand il m’a appelé: “Vincent, viens, j’ai quelque chose pour toi.” Il avait un groupe de réflexion pour une Belgique fédérale, le groupe Coudenberg, mais il voulait quelque chose de nouveau et c’est moi qui devais le diriger. “Je vais te donner un bureau, tu peux commencer”, m’a-t-il dit. Sur l’autoroute entre Bruxelles et Courtrai, j’ai appelé mon frère: “Qu’est-ce que je dois faire?”. Mon frère m’a demandé: “Que te dit ton cœur?”. J’ai choisi l’asbl. J’ai ensuite rencontré Bert Anciaux, nous avons créé ID21, qui s’est associé à la Volksunie et j’étais lancé.»
Les copains d’abord
«Direct. Simple. Et ça reste dans la tête.» Le ministre de la Justice, qui avoue une passion pour la musique, «pour toutes les musiques», a un faible pour l’hymne amical de Tonton Georges. «C’était la musique qu’on mettait quand on sortait avec les amis, pendant nos études. Des amis pour la vie. C’est la plus belle chose qui soit. Se remémorer nos années folles. Et écrire une nouvelle page à chaque rencontre. Dans ces moments-là, il n’y a pas de politique, alors qu’habituellement, c’est ma vie», répète-t-il, avant d’avouer avoir perdu un ami en politique, Jean-Marie Dedecker, exclu de l’Open VLD en 2006.
Guy Verhofstadt
Vincent Van Quickenborne regarde vers le passé pour l’avenir du «Sens de sa vue». Le sien, partagé avec celui qui fut, dans les années 1980 puis 1990, la figure émergente, puis dominante, de l’échiquier politique flamand: Guy Verhofstadt. «J’avais 19 ans en 1992. J’ai étudié le droit à la Kulak, l’université de Courtrai. Avec des amis étudiants, nous avons fondé l’Union des étudiants libéraux flamands à Courtrai (Liberaal Vlaams Studentenverbond). Notre premier orateur fut Guy Verhofstadt, l’homme de l’opposition de l’époque. Il m’avait dit que je finirais avec lui… Onze ans plus tard, en 2003, je suis devenu secrétaire d’Etat dans son deuxième gouvernement. C’est grâce à lui que ma carrière politique a commencé. On va se voir dans quelques jours pour un lunch, d’ailleurs», se souvient-il, à l’évocation d’une personnalité au «parcours fascinant: d’abord thatchérien et libertaire, puis humaniste et libéral», qu’il ne souhaite toutefois pas voir revenir en Belgique, à qui, pourtant, il a tant donné. «C’est à notre génération de jouer», conclut le ministre de la Justice.
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