Fin de partie pour le clan Michel? © BELGA

La chute de la maison Michel: «Je ne crois pas que Georges-Louis écoute encore beaucoup Louis»

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Pour la première fois depuis 1999, aucun membre de la famille Michel ne siège dans un exécutif fédéral ou régional. On dirait bien qu’une page se tourne. Sans bruit.

Parmi les quatre ministres libéraux fraîchement nommés par le président Georges-Louis Bouchez, aucun ne porte le patronyme Michel, cette famille libérale qui occupe le devant de la scène politique belge depuis le début des années 1980. Plus de Louis, ni de Charles, ni de Mathieu pour poser, au bas d’un monumental escalier, sur la photo de famille gouvernementale. Faut-il y voir une page qui se tourne? La disparition définitive des clans Michel et Reynders, ce dernier, pour les raisons que l’on sait, faisant le mort pour l’instant? La preuve que le président du MR Georges-Louis Bouchez considère dorénavant qu’il ne doit plus rien à personne?

L’époque où le clan Michel s’opposait au clan Reynders est loin. En 2009, à l’issue du renvoi du MR dans l’opposition, des libéraux frondeurs emmenés par Charles Michel et Willy Borsus s’étaient associés au sein du mouvement Renaissance pour faire tomber Didier Reynders, alors vice-Premier ministre, ministre des Finances et président du parti. A ce titre, il était considéré par certains comme responsable de cet échec électoral. On lui reprochait, pêle-mêle, d’avoir isolé le parti en faisant preuve d’arrogance, d’avoir cumulé ses différentes fonctions, d’avoir négligé l’animation des troupes. Les soutiens du clan Michel avaient obtenu la tête et le poste de Didier Reynders, qui avait jeté le gant en novembre 2010. En février 2011, Charles Michel devenait président du MR.

Quinze ans plus tard, Louis Michel, qui a présidé le parti avant de devenir ministre fédéral des Affaires étrangères entre 1999 et 2004 puis commissaire européen, n’assume plus de fonction politique. Son fils Charles, ministre wallon de 2000 à 2004, puis ministre fédéral de la Coopération au développement de 2007 à 2011 et Premier ministre de 2014 à 2019, a quitté la politique belge pour la présidence du Conseil européen, jusqu’en décembre 2024. On n’imagine guère qu’il fasse son retour sur la scène belge, quoique tout reste possible.

Quant à Mathieu, entré au gouvernement fédéral en octobre 2020, il y a occupé le poste de secrétaire d’Etat à la Digitalisation et à la Simplification administrative jusqu’à fin janvier. A l’époque de sa nomination, Georges-Louis Bouchez l’avait choisi alors que le nom du Liégeois Mathieu Bihet, aujourd’hui ministre de l’Energie dans le gouvernement De Wever, était déjà cité. «La nomination de Mathieu Michel a pu être interprétée comme un signe d’allégeance de la part de Georges-Louis Bouchez envers la famille Michel, qui l’a toujours soutenu, rappelle Benjamin Biard, politologue au Crisp, le Centre de recherche et d’information sociopolitiques. Mais le président du MR ne raisonne pas dans une logique de clans.»

On sait celui-ci désireux de lancer de jeunes pousses au-devant de la scène politique. Il en a fait la preuve en nommant Eléonore Simonet (27 ans) et Mathieu Biet (33 ans) au sein du nouveau gouvernement, comme il l’avait fait avec Adrien Dolimont (36 ans), propulsé dans l’exécutif wallon dès 2022. De nouveaux visages libéraux font ainsi leur apparition, au détriment des anciennes générations.

«Il ne faut sans doute pas voir dans l’absence de Michel au gouvernement une volonté délibérée de mettre un terme à leur présence dans les exécutifs, avance Benjamin Biard. Mais ainsi va la vie politique, qui se renouvelle.» D’aucuns estiment au contraire que Georges-Louis Bouchez, fort de sa victoire électorale, n’a plus besoin de la famille Michel et agit donc les mains libres. «Je ne crois pas qu’il écoute encore beaucoup Louis», avance un ténor. En interview, GLB avait d’ailleurs cloué au pilori le libéralisme social, cher à Louis Michel. « On m’a souvent soutenu au MR que le « libéralisme social », c’est formidable, déclarait-il ainsi en juin 2024 dans La Libre. Mais les deux seules fois où le MR a fait 30%, c’était après des campagnes électorales à droite: en 2007, grâce à Didier Reynders, et aujourd’hui (NDLR: aux législatives de 2003 et 2007, le résultat libéral était supérieur à celui de 2024). C’est une leçon.» Louis Michel et Georges-Louis Bouchez ne sont pas partisans du même libéralisme…

Enfin, le second cité ne s’inscrit pas lui-même dans une lignée familiale où l’on fait de la politique de génération en génération. Il se targue même d’être vierge de toute filiation politique. Dont acte: «Tu quoque mi fili…»

L.v.R.

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