Le bilan des écologistes après 3 ans passés au sein de la Vivaldi est maigre © DR

Ecolo, le grand oublié de la Vivaldi? Le bilan mi-figue, mi-raisin des écologistes (analyse)

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Par le passé, Ecolo a souffert de ses participations au gouvernement fédéral. Après quatre années au sein de la Vivaldi, les Verts ont-ils réussi à faire entendre la voix du climat ? « On a soulevé des montagnes », estime le Vice-premier écologiste George Gilkinet. En interne, certains militants de longue date ne sont pas de cet avis. Déçus du volte-face de leur parti sur la question nucléaire, ils ont choisi de faire leurs valises.

Pour une fois, la Vivaldi n’a pas fait de vague. L’accord sur le budget fédéral pour 2024 a été concocté de sorte que tous les partenaires soient contents. Mais certains le sont plus que d’autres. Côté francophone, le PS brandit la taxe sur les contributions bancaires et le relèvement du salaire minimum, tandis que le MR se félicite de l’extension des flexi-jobs. Et Ecolo alors ? De prime abord, le document budgétaire est davantage teinté de rouge et de bleu que de vert. « C’est une fausse impression, rétorque Georges Gilkinet, Vice-premier et ministre fédéral de la Mobilité. Nous avons investi dans les énergies renouvelables et dans le rail comme jamais auparavant ».

Ces mesures ont été décidées lors des conclaves budgétaires précédents, et ne sont pas visibles dans le budget fédéral pour 2024. « Cela n’a pas été remis en cause lors de ce dernier conclave, même si le MR a essayé ». Et le Vice-premier écologiste de pointer la TVA réduite sur les pompes à chaleur, prolongée aussi lors des dernières négociations sur le budget. « Est-ce que je trouve que c’est suffisant ? Non, on doit faire davantage », reconnait Georges Gilkinet. Il ajoute: « On a fait le choix de mettre le capital à contribution de manière assez spectaculaire en taxant davantage les banques ».

« Même si Ecolo et Groen ont pesé à gauche pour appuyer cette taxe, elle est perçue plutôt comme une victoire socialiste », pointe le politologue Pierre Verjans (ULiège). « Les acquis des Verts dans ce budget 2024 leur sont moins clairement attribuables, confirme Emilie Vanhaute (ULB), également politologue. Sur les plans fiscal et social, les lignes d’Ecolo et du PS sont très proches ». Il y a une seconde explication, selon la chercheuse. « Les portefeuilles ministériels des écologistes (climat, mobilité, fonction publique et égalité des chances) sont moins faciles à vendre ».

Ecolo au sein de la Vivaldi : l’heure du bilan

Pierre Verjans, politologue à l’ULiège

Au-delà de l’accord sur le budget de la dernière année vivaldienne, Ecolo a-t-il réussi son passage au fédéral, niveau de pouvoir que le parti n’avait plus connu depuis 20 ans ? « L’enjeu pour les écologistes était de montrer à leurs partenaires de majorité qu’ils sont fiables et qu’ils tiennent leurs engagements », cadre Pierre Verjans. Le politologue estime qu’Ecolo a plutôt validé cette étape, non sans risque. « Quand on gagne sur un tableau, on perd sur un autre. Plusieurs militants de longue date ont quitté le parti en 2023. Pourquoi ? Parce qu’ils estiment qu’Ecolo n’a pas été en mesure de faire appliquer son programme ».

En réaction aux propos du politologue, le porte-parole du parti nous a confié les chiffres des membres et sympathisants pour l’année 2023. En septembre de cette année, il y en aurait 24.227. Ce qui serait, toujours selon les chiffres avancés par le porte-parole d’Ecolo, plus que les 24.097 membres et sympathisants de l’an dernier.

« L’attitude des écologistes vis-à-vis du nucléaire va à l’encontre de la volonté des militants »

Pierre Verjans, politologue à l’ULiège

Le nucléaire, marche arrière toute

Deux dossiers expliquent ce départ massif de la base militante. Le nucléaire, d’abord. C’est un véritable étendard écologiste, le ciment ayant formé la fondation des partis verts. Longtemps anti-nucléaires, Groen et Ecolo avaient dans un premier temps réussi à entériner l’arrêt des réacteurs nucléaires belges après 2030. Avant de faire marche arrière, poussés dans le dos par un conflit russo-ukrainien qui a fait exploser les prix du gaz et de l’électricité, rendant l’énergie nucléaire incontournable. « Les écologistes ont adopté une attitude réaliste vis-à-vis du nucléaire, mais qui va à l’encontre de la volonté des militants ». « Ces éléments ont compliqué la transition énergétique que les Verts voulaient imprimer au gouvernement via Tinne Van der Straeten (ministre fédérale de l’Energie, membre de Groen, NDLR). Au final, les gens retiendront surtout l’explosion des prix de l’énergie ».

La question de l’asile : un apaisement réel au sein du gouvernement ?

La secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration Nicole de Moor a longtemps donné du fil à retordre à Ecolo sur la question des demandeurs d’asile

Deuxième dossier important pour Ecolo et qui fait encore l’actualité de la Vivaldi : l’asile et la migration. Un thème qui a provoqué des remous au sein de la majorité, au point que certains se sont demandé pourquoi Ecolo supportait une politique migratoire en opposition totale avec son programme. Mais les écologistes n’ont pas quitté le gouvernement, préférant « faire preuve de responsabilité ». Depuis, les choses se sont améliorées, entend-on chez Ecolo, qui salue la volonté de la secrétaire d’Etat Nicole de Moor de se conformer à la loi. Et de tout le gouvernement d’accueillir le plus de personnes possibles. Une politique visible dans l’accord sur le budget 2024, qui prévoit de créer des places d’accueil supplémentaires via une enveloppe supplémentaire de 150 millions d’euros.

Ecolo, pas assez écouté par la majorité ?

Georges Gilkinet
Georges Gilkinet estime qu’Ecolo a eu son mot à dire au sein de la Vivaldi

En tout cas, certaines séquences donnent l’impression que les écologistes peinent à faire entendre leur voix au sein de l’attelage gouvernemental. « C’est plus compliqué de marquer un gouvernement à sept partis de son empreinte », rappelle Emilie Vanhaute. Georges Gilkinet, lui, botte en touche : « Nous ne sommes pas moins écoutés que les autres. Qui peut dire que son programme a été réalisé ? ». Et le ministre de citer en exemple le MR, qui n’a pas pu faire passer la réduction des allocations de chômage dans le temps.

Avant de sucrer les réalisations de son parti. « On est là que depuis 3 ans au fédéral, mais on a déjà soulevé des montagnes. Je pense au crédit d’impôt sur les bas et moyens revenus et à l’électrification de la société. On a réussi à faire payer Engie pour les déchets nucléaires passés. Et le relèvement de la pension minimum fait aussi partie de notre programme. Après, c’est clair qu’il reste beaucoup à faire pour le climat ». Le Vice-premier cite la rénovation énergétique des bâtiments comme dossier-clé pour la prochaine législature.

Des sondages douloureux

La politologue Emilie Vanhaute (ULB) estime que monter dans un gouvernement coûte plus à Ecolo que ce que cela lui rapporte © ULB

Encore faut-il y être, dans la prochaine législature. Car les écologistes, au nord comme au sud du pays, reculent de sondage en sondage. Le dernier en date les place 4e en Wallonie et à Bruxelles, loin de leurs bons résultats électoraux de 2019. « Participer à un gouvernement se paie en général lors des prochaines élections, indique Emilie Vanhaute. Mais pour les écologistes, rebondir après avoir été dans une majorité est toujours compliqué. L’exercice gouvernemental abaisse leur cote de popularité, qu’ils doivent tenter de reprendre par après ».

« Toute la question est finalement de savoir la mesure phare que les électeurs associent à Ecolo, et qu’ils garderont en tête au moment des élections », résume Pierre Verjans. « D’autant qu’Ecolo est l’un des partis dont la loyauté des électeurs est la plus faible », termine Emilie Vanhaute. Les Verts ont 8 mois pour se rappeler à la mémoire des électeurs…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire