La fin de la mission de formation de Bart De Wever ne signifie pas la fin de l’Arizona.
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L’Arizona reste la seule option crédible: voici 6 raisons d’y croire

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

La coalition Arizona a du plomb dans l’aile, après que Bart De Wever a échoué dans sa mission de formation. Cette formule à cinq partis demeure néanmoins la plus crédible, à ce stade. Voici quelques raisons de ne pas l’enterrer.

L’Arizona est morte, vive l’Arizona! L’information avait quelque chose de surprenant, ce jeudi, sans toutefois rompre avec cette habitude belge qui consiste à éprouver de grandes difficultés à former un gouvernement fédéral. Face aux positions inconciliables du MR et de Vooruit au sujet de la fiscalité, le formateur Bart De Wever a acté l’impossibilité pour lui de poursuivre sa mission, avant d’en faire part au roi.

Pour autant, il existe quelques bonnes raisons de croire que la coalition Arizona, qui comprend la N-VA, le CD&V, Vooruit, le MR et Les Engagés, a encore de bonnes chances de voir le jour. Peut-être pas tout de suite, ni aussi aisément que pressenti au lendemain des élections, mais de bonnes chances tout de même…

1. Parce qu’ils le veulent

Les partenaires potentiels ont pour la plupart regretté le coup d’arrêt de ce jeudi, mais ne remettent pas fondamentalement en question la formule Arizona, qui «est toujours pour nous la configuration la plus légitime», confirme-t-on auprès des Engagés. Elle est «celle qui reflète le plus adéquatement la volonté exprimée dans les urnes le 9 juin dernier de chaque côté de la frontière linguistique», communiquait d’ailleurs Maxime Prévot dans la foulée de l’échec.

Georges-Louis Bouchez, président du MR, désigné par les autres comme le responsable de ce revers, faisait même montre d’un certain optimisme. «Le fait de ne pas y être encore parvenu n’est en rien un constat définitif», commentait-il, appelant à la discrétion des protagonistes.

Les consultations du roi programmées ce vendredi, au passage, concernent encore et toujours les cinq partis de l’Arizona, signe qu’il n’est a priori aucunement question de faire entrer un autre parti dans la danse.

2. Parce que les autres ne le veulent pas

Changer de formule implique le bon vouloir d’autres partis, qui ne sont cependant pas disposés ou pas en mesure de gouverner. En politique, les exemples historiques abondent, les postures d’un jour peuvent se transformer le lendemain, en fonction des circonstances. Il n’empêche que le PS, face au résultat des élections, a opté pour l’opposition, ce qui rend le MR pratiquement incontournable. Remplacer les libéraux par les socialistes francophones serait imbuvable aux yeux d’une partie de la N-VA. Les adjoindre à la coalition la ferait pencher plus à gauche, ce qui rendrait l’équilibre politique encore plus ardu à trouver, du point de vue du MR singulièrement.

La participation du PTB ou du Vlaams Belang est inconcevable, les écologistes sont hors-jeu. Et l’Open VLD, défait dans les urnes, n’a guère de légitimité pour faire l’appoint (ni l’envie d’ailleurs), d’autant plus que son embarcation hypothétique, en lieu et place de Vooruit, rendrait la majorité très fragile en termes de sièges à la Chambre (76 sur 150).

3. Parce que c’est mathématique

Rien n’impose, en théorie, que le gouvernement fédéral repose sur une majorité de chaque côté de la frontière linguistique. Mais enfin, il est apparu évident dès le soir des élections que, compte tenu des résultats, la formule qui semblait la plus robuste et la plus légitime était celle de l’Arizona. Elle dispose de 81 sièges à la Chambre, est majoritaire dans chaque groupe linguistique et rassemble grosso modo les partis vainqueurs. Du moins, elle exclut les partis considérés comme infréquentables et ceux ayant subi une déculottée.

Même en faisant fi de la question de la légitimité, les autres formules souffrent systématiquement d’un déficit d’assise: la Vivaldi (76 sièges), la Vivaldi avec les Engagés (minoritaire côté néerlandophone), la tripartite classique (idem), la Raketcoalitie avec les nationalistes, les centristes et les socialistes (78 sièges, c’est court), la Bourguignonne avec les nationalistes, les libéraux et les socialistes (mais le PS et l’Open VLD ne le veulent pas), etc.

A l’instar de Georges-Louis Bouchez (MR), les cinq présidents de parti de l’Arizona ont été reçus par le roi dans la foulée de l’échec. © BELGA

4. Parce que leurs destins sont scellés

C’est peut-être une des raisons principales pour plaider en faveur de l’Arizona: c’est une coalition miroir. Le MR et Les Engagés se sont diligemment associés en Wallonie et en Fédération Wallonie-Bruxelles, annonçant d’emblée leur intention de rester partenaires à l’échelon fédéral.

Côté flamand, c’est la coalition N-VA, CD&V et Vooruit qui se dessine progressivement. Là aussi, il n’y a pas de raison que les uns et les autres se lâchent au niveau fédéral. En particulier, il semble évident que N-VA et Vooruit comptent gouverner ensemble, ce qui peut expliquer qu’ils se ménagent mutuellement… et que le MR se fasse par conséquent le garant des accents plus droitiers des négociations.

5. Parce que des convergences sont possibles

Cet argument est plus politique que mathématique. On a beau sortir son boulier au moment d’imaginer des majorités, il convient in fine que les protagonistes accouchent d’une déclaration de politique générale un tant soit peu cohérente. Il a suffisamment été dit et écrit que la Vivaldi souffrait d’une trop grande hétérogénéité. L’Arizona, elle, peut donner lieu à des convergences, du moins sur les questions socioéconomiques, ce qui constitue déjà un bon point de départ. La fenêtre de tir est prégnante, les négociateurs des cinq partis le savent. C’est aussi une raison pour laquelle, étant vraisemblablement incontournables, les uns et les autres peuvent se permettre la plus grande fermeté sur leurs totems.

6. Parce qu’il ne faut pas dramatiser

Les séquences post-électorales conduisent toujours à des phases de dramatisation. Celle des derniers jours a pris une tournure plus fâcheuse qu’escompté, mais n’enterre pas l’Arizona – bien que jamais à l’abri d’une surprise, les Belges ont été gouvernés ces dernières années par des exécutifs fédéraux que nul n’avait envisagés au commencement.

D’autres formateurs et autres missionnaires royaux ont démissionné par le passé, les crises se sont succédé, mais une issue a toujours été trouvée, en bout de course. Les contingences budgétaires poussent les responsables politiques à se presser, la date butoir du 20 septembre avait même été fixée. Chacun avait cru, sans doute, que la formation serait plus aisée qu’elle ne l’est effectivement. Mais pas tout de suite ne signifie aucunement pas du tout, pour autant qu’un sursaut permette aux formations politiques concernées de remettre l’ouvrage sur le métier. Sans Bart De Wever au pilotage, en l’occurrence.

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