
L’Arizona priverait Bruxelles et la Wallonie de 1,6 milliard d’euros: «Ces calculs sont incontestablement justes»
La mise à la diète par l’Arizona des entités fédérées pèsera lourd au moment d’élaborer un budget. La Wallonie devrait faire avec un trou de 266 millions jusqu’en 2029. Bruxelles serait privée de 295 millions, voire 430, selon une analyse de l’opposition.
Ce n’est plus un scoop du tout, l’Arizona veut mettre les budgets des entités fédérées à la diète. Le cabinet du ministre-président wallon, Adrien Dolimont (MR), l’a même admis ce mardi dans Le Soir: les mesures (fiscales notamment) de l’Arizona priveront la Wallonie de 270 millions d’euros par an. Même un parti de l’opposition, à travers une note que Le Vif a consultée, n’avait pas calculé un tel déficit. L’estimation prévoit qu’en 2029, la Wallonie devra combler un trou de 266 millions dans son budget, rien que pour compenser les réformes arizoniennes. Pour Bruxelles, l’estimation se porte à 295 millions d’euros, et 430 en cumulant l’impact sur Beliris et les projets dits «de prestige» comme le réaménagement du Parc du Cinquantenaire prévu pour le bicentenaire de la Belgique, par exemple. La réforme du chômage pèserait environ 203 millions pour la Région wallonne et 128 millions pour Bruxelles. En y ajoutant la réforme fiscale (208 millions en moins pour la Wallonie et 63 millions de trou au niveau des pouvoirs locaux) et la suppression de la pension maladie qui ampute au total 120 millions aux francophones wallons et bruxellois, l’opposition calcule un trou d’1,6 milliard pour l’ensemble des entités dont 875 millions à charge des francophones à ce rythme de croisière, soit en 2029.
Côté flamand, la réforme fiscale de l’Arizona devrait créer un trou de 475 millions d’euros à l’échelon régional. En y ajoutant la limitation des allocations de chômage dans le temps (126 millions) et la suppression de la pension maladie (147 millions en 2029), la note partisane estime que la Flandre sera impactée pour un total de 748 millions en 2029.
Les communes bruxelloises un peu plus en difficulté
Bien sûr, il s’agit d’une note partisane qui se base sur des hypothèses tout autant partisanes, mais qui sont «incontestablement justes», estime le professeur en finances publiques à l’UMons, Giuseppe Pagano. «Mais je suis surtout préoccupé par la situation à Bruxelles, plus qu’en Wallonie où les courbes budgétaires restent finalement sous contrôle. En période de croisière, les autorités auront une ligne directrice, ce qui n’est pas le cas à Bruxelles, même lorsqu’il y avait un gouvernement.»
Au sein des institutions bruxelloises, justement, on a aussi sorti la calculette. «La mise en place de la limitation des allocations de chômage dans le temps entraînerait un coût de 72 millions d’euros, rien que pour le paiement du revenu d’intégration sociale, estime Bruxelles Pouvoirs Locaux. Cette mesure va aussi générer des coûts supplémentaires pour les communes, notamment pour le personnel qui devra encadrer ces nouveaux bénéficiaires et pour les frais de fonctionnement des services sociaux.» Tout cela alors que la majorité des communes bruxelloises sont sous tutelle financière et que les 19 entités devront également compenser la réduction des allocations d’insertion pour les jeunes.
C’est la limite de ce que peut faire le fédéral. Au-delà de ça, il faut une réforme de l’Etat.
Giuseppe Pagano
Professeur de finances publiques à l’Umons
Alors, comment faire pour combler ces trous créés par les mesures fédérales? D’abord, il faut noter que l’Arizona en a conscience et a prévu une ligne budgétaire censée renflouer les caisses des entités fédérées et des pouvoirs locaux à hauteur de 527 millions en 2029. Pas de quoi tout solutionner, donc. En Wallonie, Le Vif a déjà pointé que diverses taxes augmenteront dans 25 communes et que celles-ci devraient cesser les services gratuits. «Les régions peuvent également lever des impôts en créant un additionnel à l’IPP pour compenser la perte, rappelle Giuseppe Pagano. Elles ne l’ont pas encore fait pour l’instant, mais elles le peuvent.» Cependant, on voit mal Adrien Dolimont et David Leisterh (si toutefois celui-ci arrive à former un gouvernement bruxellois) manger leur parole et augmenter les taxes qu’ils exècrent, en bons libéraux. «Si l’on n’agit pas sur les recettes, alors il faut couper dans les dépenses.» C’est justement ce qu’invite à faire l’Arizona qui ne veut, concrètement, pas mettre fin à la nomination dans la fonction publique, mais qui confiera le financement des pensions de fonctionnaires nommés aux régions. «C’est d’ailleurs la limite de ce que peut faire le fédéral, note Giuseppe Pagano. Au-delà de ça, il faut une réforme de l’Etat.»
Des impacts imprévisibles, peu calculables, non souhaités
Enfin, la note issue du parti d’opposition questionne également des mesures dont l’essence n’est pas budgétaire, mais dont les impacts se feront bien sentir à l’échelon régional, et particulièrement bruxellois. On évoque notamment la réduction de moitié du financement de Fedasil (qui apparaît comme un regroupement de toutes les instances d’asile et migration au sein d’un seul SPF dans l’accord de l’Arizona) qui pourrait encore accentuer la pression sur la région et les communes bruxelloises, qui interviennent souvent en cas de crise sur le terrain. «Ce n’est pas seulement que le Fédéral ne prend pas ses responsabilités, mais les mesures annoncées vont aggraver la situation, avec davantage de migrants à la rue, s’inquiète Bruxelles Pouvoirs Locaux. Il est difficile de chiffrer précisément l’impact, mais on peut s’attendre à un coût important pour Bruxelles. La convention [de financement de places d’accueil régionales par le fédéral] couvre partiellement les frais de 2.000 places à hauteur de 45 millions, ce qui ne couvre qu’une partie de la gestion de l’accueil des personnes migrantes par la Région.»
Idem pour Beliris. L’analyse de l’opposition s’inquiète de voir le financement de cet organisme fédéral œuvrant au rayonnement de Bruxelles amputé de 50 millions d’euros en 2029. L’accord de l’Arizona stipule clairement que sa mission sera désormais priorisée sur «des projets autour de la mobilité et des investissements stratégiques de développement sur le territoire bruxellois et qui sont importants pour plusieurs Régions». L’accord entre les gouvernements fédéral et bruxellois au sujet de Beliris courait d’ailleurs jusque 2024. Il faudra attendre la naissance d’un gouvernement bruxellois de plein exercice pour le renouveler, rappelle le cabinet du ministre en charge de Beliris, Bernard Quintin (MR). Voilà de quoi alimenter la discussion entre David Leisterh et Ahmed Laaouej, qui se retrouvaient ce mercredi pour tenter de débloquer la situation politique dans la capitale.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici