Nicolas De Decker
L’Arizona arrive après l’Azur: pourquoi les parents d’élèves pourraient être aussi en colère que les enseignants
La colère des enseignants contre les mesures du gouvernement Azur à la FWB pourrait bientôt être rejointe par celle des fonctionnaires, des salariés et des pensionnés contre le gouvernement Arizona au fédéral.
Combien d’électeurs du MR participaient, le 27 janvier, à la manifestation des 30.000 enseignants en colère? Presque aucun, probablement.
Mais combien d’électeurs des Engagés s’enragèrent sur le pavé bruxellois?
Beaucoup plus que zéro, à coup sûr, et cette différence quantitative, entre un parti pour qui l’école est un objet de guerre culturelle parmi d’autres, et un autre pour qui l’école est un sujet de préoccupation électorale prioritaire, justifie une certaine polarité dans la gestion d’une colère qui a surpris les propriétaires de la Toison d’Or comme les anciens sociétaires de la rue des Deux Eglises.
Le MR peut continuer à avoir l’air dur, et dire que les syndicats mentent quand ils parlent de ses mesures. Ses électeurs, même quand ils sont parents d’élèves, le réclament encore, de toute façon les syndicats mentent toujours. Il peut poursuivre ses très habiles diversions d’ordre culturel et moral dans le champ scolaire, déjà lancées sur la réhabilitation du respect dû aux maîtres, le danger de l’infiltration islamiste, l’interdiction du GSM. Il pourra allègrement continuer à puiser dans le répertoire français, riche de potentialités polémiques, sur l’idéologie transgenre, le nom des congés, la viande à la cantine, le port du voile par le personnel d’entretien ou par les mères qui participent aux excursions, les sujets abordés à la fancy-fair et toutes ces choses dégradant la moralité publique contre lesquelles notre civilisation européenne doit résister.
Mais Les Engagés, eux, ont déjà commencé à se distinguer du MR. Leurs députés remettent en cause la dureté de leur partenaire. Parce qu’il y a derrière ces enseignants en colère des électeurs Engagés en questionnement, et que ce questionnement n’est ni moral ni culturel, mais matériel. Ces maîtres en lutte et électeurs en cuite ont voté turquoise contre la dégradation de la situation matérielle des écoles et celle des enseignants. Il est crucial pour les élus inquiétés que des concessions évidentes pour les électeurs inquiets soient obtenues de ce gouvernement.
Il est crucial qu’ils les obtiennent vite du gouvernement francophone, mais il est sans doute déjà trop tard. Parce que ce que le gouvernement Degryse pourra améliorer de la situation matérielle des enseignants se confrontera encore plus vite à ce que le gouvernement De Wever se promet d’enlever aux pensions et au statut des fonctionnaires, on a déjà dit qu’ils devraient faire des efforts, mais aussi au salaire des travailleurs comme les autres, on sait qu’ils ne seront plus indexés aussi aisément qu’avant.
Car les enseignants sont autant des fonctionnaires pas comme les autres que des salariés comme les autres, et la potentielle colère des autres contre l’Arizona viendra renforcer très bientôt celle des uns contre l’Azur. La lutte des maîtres de classe pourrait alors converger avec celle des salariés ordinaires, les parents de leurs élèves, ceux qui les soutiennent comme ceux qui ne les soutiennent pas.
Et les problèmes matériels scolaires des Engagés ne seront plus, pour le MR, de simples objets de guerre culturelle.
Car combien y aura-t-il d’électeurs du MR parmi ces parents d’élèves et salariés en colère?
Beaucoup plus que zéro, à coup sûr.
Le MR peut continuer à avoir l’air dur. Ses électeurs, même quand ils sont parents d’élèves, le réclament encore.
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