Ce qui précède le vote et ce qui lui fait suite, enjeu de la démocratie. © belgaimage

La démocratie représentative s’exerce-t-elle contre la volonté du peuple ?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La philosophe Barbara Stiegler et l’historien Christophe Pébarthe dénoncent les illusions de la démocratie représentative.

«Pourquoi aurait-il été nécessaire d’inventer la démocratie représentative, sinon pour conserver la fiction d’un peuple se gouvernant lui-même, comme pour le rassurer au moment de le priver de tout pouvoir?» Dans Démocratie! Manifeste (1), essai fondateur de la conférence qu’ils ont présentée pour la première fois aux Rencontres inattendues de Tournai en août dernier, la philosophe Barbara Stiegler et l’historien Christophe Pébarthe questionnent l’absence du peuple dans la décision politique en démocratie.

Cette faille est consubstantielle à la création de la démocratie représentative au début de la révolution française. «Au XVIIIe siècle, ce qui était nommé gouvernement représentatif s’opposait à la démocratie», rappellent les auteurs sur la base des travaux du philosophe Bernard Manin. Le même principe domine au moment de la fondation des Etats-Unis et de l’adoption de la Constitution fédérale: «Le député n’exprime pas directement la volonté populaire et son inter- cession vise à “protéger le peuple contre ses erreurs et illusions temporaires”.»

L’intercession du député vise à “protéger le peuple contre ses erreurs et illusions temporaires”.

Deux évolutions vont accroître la distanciation entre l’exécutif représentatif et le peuple. D’une part, la prétention des gouvernants à dire ce qui est bon pour la population, y compris parfois contre sa volonté. De l’autre, le constat que les parlementaires ne reflètent que très imparfaitement le «démos», en raison de la sous-représentation de membres des classes les plus défavorisées dans les assemblées.

Pour réorienter la démocratie représentative sur la voie des attentes du peuple, Barbara Stiegler et Christophe Pébarthe invitent à «rompre avec le sens commun contemporain qui consiste à distinguer le suffrage – le pouvoir du citoyen – de ce qui le précède ou lui fait suite qui serait l’affaire des seuls représentants». Pour les auteurs de Démocratie! Manifeste, cette évolution passe par l’éducation. «Appréhender la démocratie à travers le vote et la révélation d’une majorité arithmétique revient à manquer l’essentiel. Eduquer à la démocratie, ce n’est pas absolutiser les différences arithmétiques entre les individus et leur point de vue ni sanctifier le principe “one man, one vote”. C’est au contraire apprendre à intégrer dans sa propre perspective un nouvel horizon, celui porté par d’autres que la sienne, et qui oblige incessamment chacun à élargir les limites de son propre point de vue.» Revivifier le débat, accepter que son opinion en soit modifiée, et se rallier in fine à la décision prise, bref retrouver l’essence de la démocratie.

(1) Démocratie! Manifeste, par Barbara Stiegler et Christophe Pébarthe, Le Bord de l’eau, 170 p.

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