Nicolas De Decker

La certaine idée de Nicolas De Decker: Philippe, le roi heureux

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Il était une fois, dans un pays éloigné, un roi heureux et besogneux, enfin, un roi heureux car besogneux, un roi qu’aimaient tous les grands de son royaume, les nobles et les bourgeois, les clercs et les scribes, et même ses sujets –on devait dire ses citoyens désormais.

Le roi était heureux car il servait à quelque chose. Il travaillait. Mais attention, ce n’était pas à faire de la politique. Son travail, c’était autre chose. Il était payé pour cette autre chose, avec l’argent de tous les sujets de son royaume –on devait dire ses citoyens, maintenant.

Il en avait fait une fois, il y a quelques années, de la politique, le roi. Il avait dit qu’il se battrait contre ceux qui voulaient détruire la Belgique. Tous ses grands s’en étaient révoltés, presque révolutionnés. Ils l’avaient tous grondé, les grands, les nobles et les bourgeois, les clercs et les scribes. Il avait retenu la leçon, car il n’avait pas été heureux, et c’est pour ça qu’il était heureux en travaillant désormais.

Il était heureux, le roi, car il était payé pour faire son travail de roi avec de l’argent public, et ce n’était pas de la politique.

D’ailleurs, cette année-là, des grands du royaume avaient gagné les élections comme ça.

Ils avaient dit qu’ils allaient réhabiliter le travail et punir l’oisiveté. Les grands du royaume qui avaient gagné les élections avaient promis qu’avec eux les oisifs qui ne travaillaient pas, on leur enlèverait leur argent. Qu’est-ce que ça aurait été s’il avait été un roi aussi fainéant que ces sujets-là? Il en était heureux, car il était un roi laborieux, et donc on ne lui enlèverait sûrement pas de son argent.

Mais ils avaient aussi dit autre chose, ces grands du royaume qui avaient gagné les élections. Ils avaient dit qu’ils allaient enlever l’argent de ceux qui recevaient de l’argent public tout en faisant de la politique.

Ce n’était pas politique car c’était textuellement au programme des grands du royaume.

Cela ne rendit pas le roi laborieux malheureux. Car il avait compris quelques années auparavant qu’il ne devait surtout pas faire de politique. Alors, lors de son premier discours après ces élections, le jour de sa propre fête nationale, c’était un discours important, le roi choisit de faire son travail du mieux qu’il pouvait en ne faisant pas de politique.


A tous ses sujets –on devait dire citoyens maintenant–, il ne dit rien de politique en se réjouissant du résultat des élections, «une opportunité qu’il faut saisir pour un projet cohérent». Et il ne fit rien de politique en adjurant les gouvernements de se pencher sur l’urgence budgétaire et de construire des «synergies entre secteurs public et privé» dans des domaines comme l’enseignement. Ce n’était pas politique car c’était textuellement au programme des grands du royaume qui avaient gagné les élections. Et tous les grands du royaume qui avaient gagné les élections, les nobles et les bourgeois, tous les clercs et les scribes, l’applaudirent, ce 21 juillet 2024, et ainsi le roi fut heureux.

Car un roturier avait un jour dit, du temps de son princeps ancêtre Léopold, que les valeurs dominantes, dans une société, étaient les valeurs de la classe dominante, et ainsi, alors, personne ne dirait plus jamais du roi, heureux car besogneux, qu’il faisait de la politique tant qu’il applaudirait les politiques que veulent les plus grands du royaume, les nobles et les bourgeois, les clercs et les scribes.

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