Jérémie Tojerow, candidat PS à Uccle, bastion MR: «Uccle, ce n’est pas que des rentiers ou des fils à papa»
Série 5/5 | Jérémie Tojerow est cinquième sur la liste PS à Uccle, commune que les libéraux dominent depuis toujours. «Certains oublient que la plupart des familles, des seniors, y ont les mêmes difficultés qu’ailleurs», dit-il.
Communales 2024 en Belgique | Les poissons volants: «Il existe aussi des poissons volants, mais ils ne constituent pas la majorité du genre» parait-il. Ils sont même, aux élections communales, la très petite minorité, ces candidats engagés dans certaines communes dominées politiquement, historiquement, sociologiquement, outrageusement, par l’adversaire politique. Un poisson volant aux élections communales 2024 en Belgique, c’est une libérale qui se présente à Châtelet, un socialiste à Uccle, un Flamand en Wallonie, un communiste dans le Brabant wallon, un francophone en Flandre ou une écologiste à l’ombre d’une centrale nucléaire, par exemple. Le Vif a découvert ces poissons volants-ce ne fut pas simple. Il vous présente plusieurs spécimens de cette espèce rare, la très petite minorité du genre-c’est intéressant.
Jérémie Tojerow est juriste, il milite au PS depuis presque toujours, a travaillé dans divers cabinets socialistes. Mais il habite à Uccle. Il figurera à la cinquième place sur la liste socialiste, dans cette commune bruxelloise, la plus riche de la Région, celle dans laquelle les libéraux ne sont en danger que quand ils sont divisés en trois listes. Même quand il n’y en a que deux, ce n’est pas vraiment un problème. Demandez à Boris Dilliès, l’actuel bourgmestre, associé pendant cette législature à Ecolo, mais qui espère récupérer, grâce à une liste commune avec DeFI, la majorité absolue à Uccle…
Comment peut-on être socialiste à Uccle, la commune la plus prospère de la Région de Bruxelles-Capitale?
Uccle, c’est une commune de près de 90 000 habitants, avec tous les défis d’une grande ville, une population socialement hétérogène, des inégalités de revenus plus importantes qu’ailleurs à Bruxelles. 12% de la population active au chômage (en Flandre, c’est 3,9%, à titre de comparaison), le nombre de bénéficiaires du CPAS en augmentation. Beaucoup d’enseignants, d’employés, de travailleurs du secteur de la santé et du social, de personnes qui ont une petite pension… On est très loin de l’image des rentiers et fils à papa. Uccle, ce n’est pas que le quartier du Prince d’Orange : certains oublient que la plupart des familles, des seniors, y ont les mêmes difficultés qu’ailleurs. Comme galérer entre leur job, la vie de famille, un parent proche à aider, une crèche ou une école à trouver. En particulier les parents solo.
«Certains», c’est la majorité MR-Ecolo-Engagés?
Cela va en fait objectivement au-delà, à l’échelle bruxelloise aussi, parfois même dans mon propre parti. C’est une petite musique qui pénalise de fait la majorité des Ucclois, si on y réfléchit. Et puis la dynamique politique locale n’aide pas à créer les conditions d’un débat démocratique très vivant. Le bourgmestre cherche à mettre presque tout le monde sur sa liste: c’est le cas de Défi qui fait donc liste commune avec le MR, et de l’échevin Engagé. Les Ecolo ucclois semblent également très satisfaits de leur majorité avec le MR.
Aujourd’hui, les difficultés d’une grande partie des habitants sont occultées, on en débat même très peu. Le bourgmestre Boris Dilliès (MR), au demeurant une personnalité très sympathique, met en titre de son tract qu’il faut «rester mieux à Uccle». Eloquent: c’est comme si tout le monde vivait bien, qu’il n’y avait aucun défi propre à la commune à relever, que l’objectif était simplement d’être mieux qu’ailleurs. Mais une famille uccloise qui cherche une place d’école ou de crèche, un senior qui cherche une aide à domicile, ça lui fait peut-être chaud au cœur de savoir que c’est parfois pire ailleurs, mais bon, quelles solutions à leurs difficultés à eux? Et puis surtout le but c’est que les Ucclois vivent mieux demain qu’aujourd’hui, plutôt que mieux qu’ailleurs, non?
En moyenne, on vit quand même mieux à Uccle qu’ailleurs…
Si Uccle connait des situations sociales très compliquées, en moyenne, le niveau de revenus de ses habitants est plus élevé qu’ailleurs à Bruxelles, et les habitants bénéficient d’une série d’investissements dans des équipements publics d’il y a plusieurs décennies déjà: la piscine, les écoles primaires communales, le centre culturel, et j’en passe.
Mais on ne peut se reposer là-dessus, d’autres enjeux appellent de l’ambition. Notre commune compte par exemple une forte proportion de personnes âgées. Il nous tient à cœur de leur permettre de rester à domicile le plus longtemps possible si elles le souhaitent et, pour les cas où ce n’est pas possible, de garantir des maisons de repos où chacun est traité dignement et à prix accessible, même avec une petite pension.
Il y a aussi une importante croissance du nombre d’enfants à Uccle. Les écoles secondaires sont saturées chaque année, et plus encore celles à pédagogie active. On peut changer dix fois encore le décret inscription, ça ne suffira pas à répondre au problème: il y a plus de demandes que de places. Nous proposons que la commune crée une école secondaire à pédagogie active. C’est un projet déjà mené à Bruxelles-Ville, Saint-Gilles ou encore Ixelles – donc c’est réalisable. Il faut l’initier le plus vite possible, car cela ne se fera pas en un jour. Il va falloir se bouger.
Le collège MR Ecolo Engagés porte le projet d’une piscine en plein air. C’est même la proposition mise en avant dans le projet de la liste du bourgmestre MR-Défi. Pourquoi pas dans l’absolu, mais peut-être après celui d’une nouvelle école secondaire, ou d’une crèche, au moment où tant de familles ne trouvent pas de places? En tout cas à Uccle, on me parle plus de la nécessité d’une nouvelle école que d’une piscine en plein air, je suis obligé de vous l’avouer.
Vous insistez sur les familles avec enfants… C’est un marqueur socialiste dans une commune libérale ça?
Je pense qu’en particulier les plaines de jeux font partie d’un vrai projet de ville progressiste, oui. La plupart des aires existantes ne proposent rien pour les enfants à partir de 6-7 ans, et de nombreux quartiers en sont totalement dépourvus. Or c’est tout sauf futile: les plaines de jeux, ce sont les jardins de ceux qui n’en ont pas, et une façon simple et gratuite, pour les parents, de permettre à leurs enfants de bouger en toutes saisons – c’est aussi pour cela qu’il faut envisager des plaines de jeu avec un toit pour protéger de la pluie ou du soleil.
Et puis au lieu d’être dans la confrontation sur le bois de la Cambre avec Bruxelles, menons un projet positif ensemble: une grande plaine de jeu sur la partie orientée vers Uccle.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici