
Isolation gratuite des logements, 500 euros net de plus par mois, etc. : quand les promesses embarrassantes des Engagés refont surface
L’opposition reproche aux Engagés de faire au pouvoir le contraire de ce qu’ils promettaient en campagne. Leurs promesses de faire gagner 500 euros de plus à chaque travailleur ou d’isoler gratuitement tous les logements, par exemple, ont récemment resurgi.
Il est monté à la tribune de la Chambre, le 6 février, a rassemblé ses petites fiches en un petit tas, en a tapoté l’un des côtés contre le pupitre pour bien les aligner –toc, toc, toc– puis il a respiré un grand coup, et Paul Magnette a dit «personne n’a voté pour ça!», «personne n’a voté pour ça!», a-t-il doctement insisté. Un miroir placé au-dessus de ses fiches aurait pu le lui dire aussi, car presque plus personne n’a voté pour son parti le 9 juin aux législatives, et encore moins le 13 octobre puisque Les Engagés y ont même dépassé le PS aux élections provinciales. Mais le président du Parti socialiste en refondation ne se livrait pas là à une ravageuse séance d’introspection. Il évoquait l’accord du gouvernement Arizona, expliquait pourquoi sa formation, renvoyée dans l’opposition, ne voterait pas la confiance à Bart De Wever, et ciblait spécialement Les Engagés, qui ont pris des paquets d’électeurs au Parti socialiste.
Il faut dire que la refondation, parfaite celle-là, de l’ancien CDH s’est accomplie depuis le confort contraint de l’opposition, ce qui autorisait de se focaliser sur les prochaines élections sans trop se préoccuper de leur lendemain. De l’opération #ilferabeaudemain à la ratification de son programme, le nouveau parti de Maxime Prévot a ainsi pu se composer un cahier de revendications plaisantes, du sur-mesure électoral à la reliure turquoise, radical sur plusieurs points, en soufflant le plus fort possible dans le sens du vent, mais tourbillonnant en fonction des thèmes.
Espoirs déçus
Le catalogue était si confortablement contradictoire que le vice-président et futur ministre fédéral Jean-Luc Crucke put promettre, un jour, dans un mouvement d’une flexibilité de gymnaste, d’économiser dix milliards d’euros rien qu’en «arrêtant le gaspillage d’argent public» tout en s’engageant à refinancer la justice et la police et à faire adopter une norme de croissance du budget des soins de santé que même le PTB n’osait pas réclamer, et que Paul Magnette a pu jalouser cette aisance.
Mais il faut dire aussi que les accords de gouvernement négociés par Les Engagés, en Région wallonne et en Fédération Wallonie-Bruxelles d’abord, au fédéral ensuite, en attendant la Région bruxelloise plus tard, recèlent, au regard des engagements engagés, un beau lot d’espoirs déçus et de promesses trahies. Maxime Prévot et les siens les enfouissent sous de graves évocations de l’éthique de la responsabilité et sous la nécessité de faire des compromis.
Paul Magnette, lui, a pu les inscrire sur ses petites fiches lors de la discussion sur la confiance à la Chambre, et c’est pour cela qu’il a pu raconter que personne n’avait voté pour «ça». Parce que ça lui fait mal à lui, mais aussi parce que ça fait mal aux Engagés.
Quelques heures plus tôt, son chef de groupe à la Chambre, Pierre-Yves Dermagne, avait exposé le plus mobilisateur de ces espoirs déçus, qui virent Les Engagés, une fois les élections gagnées, mettre en œuvre beaucoup moins que ce à quoi ils avaient fait rêver les électeurs. Avant le 9 juin, ils vendirent leur «bonus bosseur», «un véritable changement de paradigme fiscal pour que les travailleurs (employés, indépendants ou fonctionnaires) gagnent en moyenne près de 450 euros net de plus par mois», tandis que l’accord du gouvernement De Wever ne programme qu’une réforme fiscale, qui augmentera les salaires de 100 euros net tout au plus, et d’ici à trois ans. En séance, Maxime Prévot avait accusé Pierre-Yves Dermagne de raconter n’importe quoi. Il avait lu un extrait de son programme qui parlait «de garantir un écart salarial d’au moins 450 euros net par mois par rapport au chômage», alors que c’est déjà le cas en Belgique. Puis Pierre-Yves Dermagne avait lu le site des Engagés qui parlait bien de tous les travailleurs et de 450 euros net en moyenne par mois, et Maxime Prévot n’avait plus rien dit, parce que 450 euros net de plus en moyenne, c’est beaucoup plus que 100 euros net tout au plus, et d’ici à trois ans.
D’autres engagements très puissamment sponsorisés des Engagés avant le 9 juin, mais moins bravement mis en œuvre après, seront taxables d’espoirs déçus par une opposition jalouse, comme la fin des quotas Inami, qu’exigeaient Les Engagés tandis que l’Arizona ne fera qu’en augmenter le nombre. Ou comme la suppression pure et simple, par la Région wallonne, de droits de succession qui seront finalement réduits de moitié plutôt qu’en entier. Peut-être la dernière moitié a-t-elle été mise au frais jusqu’à la prochaine campagne.
«Maxime Prévot et les siens ont soufflé le plus fort possible dans le sens du vent, avant de tourbillonner en fonction des thèmes.»
Promesses trahies des Engagés
Mais si Paul Magnette, à la Chambre, s’est cru assez à l’aise pour pouvoir dire que personne n’avait voté pour «ça» pour Les Engagés, ce n’est pas seulement parce que ces derniers font moins dans les gouvernements que ce qu’ils avaient dit qu’ils feraient en campagne. C’est aussi parce que, parfois, ils font le contraire de ce qu’ils avaient dit qu’ils feraient. Et qu’à ce moment-là, on peut même parler de promesses trahies.
Ainsi, en janvier 2024, depuis l’opposition, le groupe Engagés au parlement de Wallonie, dont le chef était François Desquesnes, déposait une motion demandant au gouvernement wallon de «garantir le financement de l’extension du tram de Liège vers Seraing». Mais en août 2024, le nouveau ministre de la Mobilité au gouvernement wallon, dont le nom est François Desquesnes, prenait la décision d’abandonner l’extension du tram de Liège vers Seraing, et faisait le contraire de ce qu’il avait dit qu’il fallait faire. Ou ainsi, en février 2025, lorsque la ministre fédérale Vanessa Matz défend la politique migratoire «la plus stricte jamais menée en Belgique», alors qu’en décembre 2022 une délégation engagée menée par la députée fédérale Vanessa Matz campait devant le siège de l’Open VLD pour protester contre le «traitement inhumain réservé aux demandeurs d’asile», elle défend le contraire de ce qu’elle disait qu’il fallait défendre. Ou enfin, puisque Les Engagés de début 2024 disaient que les primes wallonnes à la rénovation énergétique ne suffisaient pas, et qu’ils proposaient un «Win for Life», un forfait isolation à trois zéros (zéro frais, zéro tracas, zéro émissions) financé par la collectivité, tandis que ceux de début 2025 disent que les primes wallonnes à la rénovation étaient trop coûteuses pour la collectivité, il est à peu près certain que beaucoup de leurs électeurs n’ont pas voté pour qu’ils fassent le contraire, en ces matières, de ce qu’ils disaient qu’il fallait faire.
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