alternance
© Getty Images

Héritiers, footballeurs pros, artistes, universités…: voici les «contents» et les «pas contents» du virage à droite de la Belgique

Nicolas De Decker Journaliste au Vif
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Les nouvelles cartes électorales promettent une alternance à droite en Wallonie et au gouvernement fédéral. Ce bouleversement politique n’ira pas sans mécontenter certains acteurs. Mais il constitue une aubaine historique pour de nombreux autres. En voici quelques exemples.

Au fédéral, Bart De Wever mène doucement sa mission d’information fédérale, qu’il cumule avec un mandat flamand. Mandat flamand et mission fédérale doivent aboutir à l’installation d’une majorité flamande N-VA-CD&V-Vooruit et de la même coalition associée aux Engagés et au MR au gouvernement fédéral. En attendant le bourgmestre d’Anvers, Maxime Prévot et Georges-Louis Bouchez, eux, n’ont pas traîné pour avancer côté francophone. Triomphateurs des urnes wallonnes et (un peu moins) bruxelloises, ils peuvent se permettre d’aller vite. Ils ont lancé une vaste opération de consultations de tous les secteurs, qui les verra, d’ici au 28 juin, recevoir plusieurs dizaines d’acteurs de la société civile.

Dans les vestiaires et les loges, on accueille le renforcement de ce flanc droit avec des vivats.

Ces organisations, Georges-Louis Bouchez et Maxime Prévot les connaissent déjà. Le Montois et le Namurois n’ignorent pas quels intérêts elles défendent et quelles valeurs elles promeuvent. Parfois, ils les partagent, parfois pas. D’ailleurs, leur rencontre inaugurale avec les organisations patronales, le 18 juin, a duré plus de temps que prévu, et celle, qui suivait, avec les organisations syndicales, moins. C’est la CGSLB qui a parlé en premier, avant les deux autres syndicats wallons. On sait déjà que chacun se pliera au résultat des élections, mais que les syndicats sont mécontents et que les patrons ne le sont pas. On sait aussi que les chômeurs de longue durée vivent probablement leurs derniers mois d’allocations. Dans plusieurs autres domaines, des acteurs font une moue inquiète, et d’autres ont le sourire qui claque, c’est la saine dynamique de l’alternance en démocratie. Voici qui sont les contents et les «pas contents» de ce fort temps.

Lire aussi | La loi du 99 contre un

Les grandes villes

Pas contentes

Une tempête va souffler sur l’Escaut, la Haine et la Trouille, la Sambre et la Meuse, mais peut-être pas au confluent de ces deux dernières. Dirigées, sauf Namur, par des bourgmestres socialistes, les grandes villes wallonnes (Tournai, Mons, Charleroi, Liège) s’attendent, sauf Namur donc, à ce qu’une charge politique s’ajoute aux charges financières sous lesquelles elles ploient déjà. Ces métropoles affichent en effet des déficits vertigineux, dus à des décisions régionales et surtout fédérales (sur les CPAS, la police, les zones de secours, les pensions des fonctionnaires, etc.). L’exclusion annoncée des chômeurs de longue durée (lire par ailleurs) devrait en envoyer une partie vers les CPAS, donc sur le maigre trésor municipal de ces plus grandes villes. Et puis un plan oxygène, renouvelé annuellement, leur permettait, par des prêts avantageux garantis ou en partie déboursés directement par la Région et son bras financier, le Crac, d’équilibrer leurs finances en perdition. Parce que les banques, d’abord Belfius qui a renoncé, puis ING qui était de plus en plus réticente, refusaient elles-mêmes d’engager des montants toujours plus importants vers des institutions toujours plus déséquilibrées. C’est désormais le Montois Georges-Louis Bouchez, futur probable ministre-président wallon, qui exercera la tutelle, juridique et financière, sur ces communes dont les bourgmestres, en particulier Nicolas Martin à Mons et Paul Magnette à Charleroi, sont ses pires adversaires, sauf à Namur. On en reparlera à coup sûr avant les communales d’octobre. Sauf à Namur.

Les indépendants et professions libérales

Contents

Ils sont les nouveaux héros du temps, ils seront la focale unique de toutes les politiques publiques, et ils sont la base électorale des triomphateurs du moment. Les professions libérales, les indépendants et les commerçants sont ceux qui, comme répètent sans cesse Georges-Louis Bouchez, futur probable ministre-président wallon et fils de commerçants, et Maxime Prévot, probable futur ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ancien consultant et époux d’une réviseuse d’entreprises, «travaillent, investissent et prennent des risques». Ceux-là ont massivement gratifié ces partis respectifs, qui sont leur débouché politique le plus naturel, le 9 juin. 52,6% des Wallons exerçant une profession libérale ont voté MR, et 19,5% Les Engagés, selon le sondage «sortie des urnes» du Centre d’étude de la vie politique de l’ULB. Ces proportions s’élèvent à respectivement 50,2% et 18,8% pour les indépendants et les commerçants. Il ne pourra pas s’agir de clientélisme, puisque ce terme semble ne s’appliquer que pour d’autres catégories sociodémographiques, mais les indépendants et les professions libérales seront les aiguillons de l’action de tous les tout prochains gouvernements.

Les soins de santé

Ils attendent

Les soins de santé en Belgique agrègent plusieurs galaxies d’acteurs, aux valeurs et aux intérêts parfois convergents, des mutuelles aux syndicats de médecins, des défenseurs des patients aux firmes pharmaceutiques, des praticiens libéraux aux soignants au mille statuts. Tous, aujourd’hui, attendent que les gouvernements s’installent. Et ils attendent parce que, contrairement à beaucoup d’autres thématiques, les soins de santé opposent les deux pôles de l’axe MR-Les Engagés, opposition dédoublée au fédéral avec la N-VA d’un côté, et le CD&V et Vooruit de l’autre, si bien que Maxime Prévot, lundi, a appelé les socialistes flamands à s’unir aux siens, car cela serait «la meilleure façon de protéger les soins de santé». D’accord sur tout le reste, les uns et les autres divergent sur le rôle des mutuelles, vertueux pour les partis héritiers d’un pilier, vicieux pour ceux qui s’en sont détachés, et cela met les acteurs du secteur en attente. Surtout, MR/N-VA d’un côté, Engagés/CD&V/Vooruit, de l’autre, projettent une norme de croissance du budget des soins de santé fort différente, faible voire nulle par rapport aux besoins estimés par le Bureau du Plan d’un côté, ou calquée sur ceux-ci, de l’autre. Entre ces milliards à rogner par le MR et la N-VA et les milliards à distribuer par les démocrates-chrétiens et les socialistes, les acteurs du secteur espèrent parfois, redoutent souvent, mais tous attendent.

Contrairement à beaucoup d’autres thématiques, les soins de santé opposent les deux pôles de l’axe MR-Les Engagés.

Boucle du Hainaut

La boucle du Hainaut

Elle attend

Les acteurs du secteur de l’énergie, ceux qu’on appelle les stakeholders, savent, pour la plupart, déjà à quel traitement ils auront droit. L’histoire récente, les revirements sur le nucléaire (seule la N-VA y a toujours été favorable, tous les formations, flamandes et francophones, dans le game fédéral et régional, le sont désormais), les tensions sur l’éolien terrestre (en Wallonie, le MR s’est opposé à plusieurs projets), les déboires des propriétaires prosumers, par exemple, témoignent des alignements sociopolitiques qui vont s’exprimer. Une question reste toutefois suspendue, cruciale dans le renforcement du réseau électrique que tous, pourtant, réclament. La «boucle du Hainaut» prévue par Elia pour transporter l’électricité produite en mer du Nord doit passer par plusieurs communes en révolte, elle doit se faire vite, mais la dernière version de son tracé n’a pas apaisé toutes les tensions. Surtout pas dans certaines communes rurales ou semi-rurales de la province (Celles, Leuze-en-Hainaut, Courcelles, Braine-le-Comte, Lens, Frasnes-lez-Anvaing ou Seneffe, par exemple), qui prennent volontiers la boucle comme une balafre, et que d’influents bourgmestres Engagés ou réformateurs dirigent depuis (presque) toujours.

Les femmes qui voudraient avorter

Pas contentes

Le blocage prévu par les sondages aurait débloqué la situation, le déblocage proposé par les électeurs bloquera la revendication. Les affaires courantes fédérales auraient pu être longues, et elles auraient alors ouvert une fenêtre pour élargir les conditions de l’interruption volontaire de grossesse. En particulier pour hausser la période pendant laquelle elle est autorisée, des douze semaines actuelles à 18, comme le recommandent les experts, médecins et éthiciens, y compris parmi les plus conservateurs. Mais la coalition qui se dessine au fédéral, et qui est en condition de s’installer rapidement, rassemblera les partis démocratiques les moins favorables à cette libéralisation. La N-VA et le CD&V sont contre. Ils avaient tout fait pour l’empêcher lors des précédentes affaires courantes. Le MR et Les Engagés ne sont ni pour ni contre, mais laisseraient à leurs députés la liberté de se prononcer sur le sujet. Ensemble, entre opposants et indifférents, ils se mettront rapidement d’accord pour ne plus en parler, et des centaines de femmes belges s’en iront encore avorter aux Pays-Bas ces prochaines années.

Les fonctionnaires et leurs pensions

Pas contents

Presque tout le monde le dit et presque personne ne l’a fait parce que ça concerne tout le monde. Les pensions constituent le plus gros poste de dépenses publiques. Les partis promis à diriger le gouvernement fédéral se sont engagés à le réduire. Ils devront éviter l’erreur de la précédente tentative, sous Charles Michel, où une décision générale prise très tôt, la hausse de l’âge légal de la retraite à 67 ans, avait concerné, donc énervé, tout le monde. Il est fort probable qu’éclairés par cette expérience, les prochains gouvernants concentrent leurs volontés d’économies sur le segment de la population active qui cumule plusieurs avantages, celui de bénéficier des meilleures pensions d’abord, celui de ne pas être le segment le plus populaire du moment, ensuite, et celui de ne pas voter pour les partis annoncés au fédéral, enfin. On pariera donc plutôt sur des efforts demandés qui énerveront peu de monde hormis les concernés, via le régime de pension des fonctionnaires.

Les propriétaires wallons

Contents

C’est basique comme une chappe sur un terrain à bâtir. Le rapport à la propriété immobilière est un des déterminants du comportement électoral: les propriétaires votent plutôt à droite, les locataires plutôt à gauche, et chaque parti s’en trouve culturellement enclin à davantage se préoccuper des uns que des autres. L’installation prochaine de gouvernements de droite au fédéral (compétent pour une partie de la fiscalité immobilière) et en Région wallonne (compétente pour une autre partie de la fiscalité immobilière, mais aussi pour le logement, les loyers, la construction, la rénovation, l’énergie, l’urbanisme, la mobilité, etc.) porte dès lors en elle une vague de réformes favorables aux propriétaires de biens immobiliers (et à leurs héritiers, lire par ailleurs). A Bruxelles, où le PS est incontournable, la situation restera en revanche plus friable.

Le football pro

Content

Les années Vivaldi auront été difficiles pour les défenseurs du foot pro. Le régime dérogatoire de cotisations sociales appliqué aux professionnels du ballon rond a été remis en cause par Frank Vandenbroucke. Et l’interdiction de la publicité pour les paris sportifs voulue par Vincent Van Quickenborne privera les trésoreries des clubs de leurs plus gros annonceurs. La constitution d’un gouvernement fédéral avec le MR, dont le président, Georges-Louis Bouchez, ami de Mehdi Bayat, préside aussi un club professionnel, et avec la N-VA, dont l’ancien vice-président, Lorin Parys, est désormais président de la Ligue pro, le syndicat des clubs professionnels, alimente déjà de forts espoirs dans les vestiaires et les loges, où l’on accueille le renforcement de ce flanc droit avec des vivats.

L’UCLouvain

Contente

En Belgique francophone, le monde universitaire obéit à des lois géopolitiques complexes, mises en suspens le temps d’un réflexe hostile de la corporation des recteurs, réunie pour défendre le décret Glatigny, dont la réforme a contraint les administrations des universités à de pesants changements. Le décret Glatigny sera, dès la rentrée, réintroduit par le MR et Les Engagés. A ce moment, les équilibres géopolitiques traditionnels reprendront cours, sous une configuration absolument nouvelle, puisque les deux partis les plus proches de l’acteur universitaire dominant, l’UCLouvain, seront aux manettes partout. Les anciens recteurs Vincent Blondel (UClouvain passé aux Engagés, député wallon et ministrable) et Pierre Jadoul (UCLouvain Saint-Louis, au MR et suppléant de Valérie Glatigny), artisans d’une fusion redoutée par les autres universités, surtout par l’ULB, veilleront à préserver le lien privilégié entre leurs nouvelles formations et leur alma mater formatrice.

Le décret Glatigny sera, dès la rentrée, réintroduit par le MR et Les Engagés.

L’UMons

Pas contente

Historiquement couvée par le PS et à l’origine d’une grave crise au gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles autour de son master en médecine, l’UMons, dont Georges-Louis Bouchez est administrateur, s’attend à une forme de retour de bâton. Le président du MR, entré au CA de l’UMons l’an dernier, a déjà plusieurs fois souhaité qu’elle se spécialise plutôt qu’elle ne se massifie, et le compromis noué (au sein de la majorité PS-MR-Ecolo, mais avec la menace d’une majorité alternative avec Les Engagés, qui y étaient favorables) au printemps 2023 pour l’habiliter à ouvrir un master en médecine prévoyait une évaluation après trois ans, en 2026. Les évaluateurs ne seront plus les mêmes. L’évaluation sera stricte. On verra si l’Umons s’en sort avec assez de crédits pour rester finançable.

Les policiers

Contents

Les moyens alloués à la police relèvent essentiellement du fédéral. Le MR et Les Engagés ne seront donc pas seuls à décider, mais on peut partir du principe que la coalition orientée au centre-droit qui se dessine ne devrait pas trop être défavorable à un renforcement des forces de l’ordre. La Vivaldi avait promis le recrutement de 1.600 policiers par an, mais les résultats se situent en deçà des ambitions. Dans l’opposition ces dernières années, Les Engagés ont régulièrement dénoncé cette situation de sous-effectif. Le parti a numériquement fixé un cap dans son programme: il faut engager 3.684 policiers supplémentaires, polices locale et fédérale confondues. Quant au MR, qui n’est pas contre un renforcement des moyens policiers, le discours est surtout axé sur l’efficacité, qui doit précisément permettre aux services de police de pouvoir se concentrer sur leurs fonctions premières. «Plus de bleu dans les rues», dit l’adage. Parmi les mesures préconisées, pour la justice en l’occurrence, figure une plus grande effectivité des peines prononcées, censée soulager le travail policier en bout de course.

3.684

policiers supplémentaires, polices locale et fédérale confondues sont réclamés par Les Engagés.

Les artistes

Pas contents

«On va gérer le pays comme des ingénieurs, pas comme des poètes.» La petite phrase a été lâchée par Georges-Louis Bouchez dans une interview à La Libre. Les réactions ne se sont pas fait attendre dans le monde de la culture, où on voit bien ce qu’il a voulu dire, mais on apprécie peu la façon de le dire. A force d’entendre les tenants de la future coalition à la Fédération Wallonie-Bruxelles expliquer qu’il faudra se serrer la ceinture, plus d’un protagoniste redoute de devoir réduire la voilure. «Nous verrons et nous connaissons la situation financière. Mais les ambitions culturelles n’en demeurent pas moins essentielles, surtout par les temps qui courent. La montée des extrémismes, des radicalismes, du racisme impose qu’on accorde à la culture la place qu’elle mérite», commente Pierre Dherte, ancien président de l’Union des artistes du spectacle. Très concrètement, une crainte s’exprime aussi auprès de certains artistes, quant au sort qui sera réservé à leur statut, enfin réformé au cours de la précédente législature. On est dans le registre du fédéral, où les partis de la Vivaldi ont approuvé l’accord. «Ne détricotons pas ce qui vient à peine d’être mis en place, il faut au minimum avoir quelques années de recul pour éprouver le nouveau statut», prévient Pierre Dherte. MR et Engagés entendent améliorer le statut, ce qui n’est pas forcément mal perçu. En revanche, la crainte existe que le revenu des artistes soit extrait du giron de la sécurité sociale, avec une potentielle précarisation à la clé.

La crainte existe que le revenu des artistes soit extrait du giron de la sécurité sociale

Les héritiers

Contents

C’est une des premières décisions du binôme MR-Les Engagés: travailler à la disparition ou à une importante réduction des droits de succession, cette «taxe sur la mort» que Maxime Prévot a dans le viseur. L’idée consisterait à instaurer un «droit de transmission» dont le taux s’élèverait à 4% ou 5%, avec un éventuel abattement pour les quelques premières dizaines de milliers d’euros. Cela doit encore être négocié et, accessoirement, budgété, dans un contexte de vaches maigres pour la Région wallonne. Les fiscalistes applaudissent ou sont incrédules, selon leurs sensibilités. Les droits de succession, dont le taux en Wallonie varie 3% à 80% en fonction des situations, sont impopulaires, méritent une modernisation, sont contournés par les plus fortunés et les plus habiles. A l’inverse, historiquement, ils symbolisent une réduction des inégalités sociales entre les biens nés et les autres. Une chose semble en tout cas acquise: les héritiers, du moins ceux qui ne bénéficient ni des plus gros abattements ni de l’ingénierie fiscale, ne se plaindront pas de cet allègement promis.

4% à 5%

de «taux de transmission» pourraient remplacer les 3% à 80% de droits de succession.

Les sans-papiers

Pas contents

Il a été assez peu question, durant la campagne, du sort à réserver aux 100.000 à 150.000 personnes qui vivent en situation irrégulière en Belgique. Doivent-elles s’attendre à un durcissement des critères de régularisation? En réalité, hormis durant quelques périodes temporaires, un certain flou règne depuis des décennies en Belgique autour des critères de régularisation. Les personnes en attente de droits, en quelque sorte, ne peuvent craindre un durcissement des critères qui n’existent pas vraiment. Un manque de clarté et un caractère discrétionnaire dans le traitement des dossiers est dénoncé de longue date. Et la coalition sortante, la Vivaldi, n’a pas particulièrement dissipé le flou. Du côté de la Ligue des droits humains, la présidente Sibylle Gioe se garde bien de commenter une déclaration gouvernementale qui n’a pas encore été rédigée. Il s’agit surtout de rappeler «les revendications principales, qui se fondent sur les droits humains: l’instauration de critères clairs et permanents, de même qu’une procédure transparente», qui font défaut à ce stade. A y regarder de plus près dans les intentions des partis en discussion, seuls Les Engagés réclament explicitement ces clarifications, les partis plus à droite sur l’échiquier n’étant a priori pas très enclins à favoriser des régularisations plus nombreuses. Il reste à voir quelle sensibilité dominera le rapport de force.

Les médias de service public

Pas contents

Fini de rire, à la RTBF? La question est volontairement caricaturale, mais les médias de service public dans leur ensemble, y compris donc ceux de proximité, peuvent s’attendre à devoir se serrer la ceinture. Telle est du moins la volonté du MR, dont le président a répété à quelques reprises qu’il faudrait revoir à la baisse la dotation de la RTBF, qui se chiffre aujourd’hui à 350 millions d’euros. C’est davantage qu’en Flandre et dans de nombreux pays voisins, a-t-il fait remarquer. L’idée, en résumé, consiste notamment à recentrer la RTBF sur ses missions de service public (sous-entendu: doit-elle continuer à diffuser The Voice, par exemple?). Les marges dégagées permettraient d’accroître le soutien à la presse écrite, qui sera contente, pour sa part. Le MR souhaite aussi voir des médias de proximité se regrouper, approfondir les synergies entre eux et avec la RTBF, éventuellement s’ouvrir aux capitaux privés. Bref, il conviendra de rationaliser. A moins que Les Engagés ne l’entendent pas de cette oreille, eux qui comptent augmenter le financement du média de service public.

350 millions

d’euros de dotation à la RTBF, c’est davantage qu’en Flandre et dans de nombreux pays. Pour combien de temps encore?

parlement wallon

Les cabinettards

Pas contents

Le MR et Les Engagés se suffisent à eux-mêmes à la Région wallonne et à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ils souhaitent favoriser le principe de la «double casquette». Rien de péjoratif ici, puisqu’il s’agit de faire des économies d’échelle en personnel politique. Les mêmes personnes occuperaient des portefeuilles ministériels à Région et à la Communauté. En corollaire, il n’est pas inconcevable que le nombre de cabinettards soit lui aussi réduit. Si les cabinettards socialistes et écologistes apprécient peu la séquence, les cabinettards «dans l’absolu» devraient être moins nombreux demain qu’hier. Cela tombe à point nommé: une récente étude de l’UCLouvain objectivait cette abondance de l’appareil politique en Belgique. Concernant les cabinets, ils comptent en moyenne une cinquantaine de membres en Wallonie, pour une trentaine au fédéral et en Flandre.

50

cabinettards en moyenne en Wallonie contre une trentaine en Flandre. Ils devraient être moins nombreux demain qu’hier.

Les agriculteurs

Contents

On ne s’aventurera pas dans le débat qui consiste à savoir qui défend le mieux les intérêts des agriculteurs. Mais historiquement, il se fait que les familles libérale et centriste/chrétienne ont toujours pu trouver auprès du secteur un électorat relativement fidèle. Ce n’est pas pour rien que les ministres en charge de cette matière ont presque exclusivement été libéraux ou chrétiens/centristes par le passé. Les coups de semonce des agriculteurs, les derniers moins, ont donné lieu à quelques expressions d’animosité à l’égard des écologistes et, plus globalement, de normes environnementales jugées trop contraignantes. En cela, les agriculteurs peuvent se réjouir du succès engrangé tant par le MR que par Les Engagés, qui ont cherché à les rassurer sur ces points durant les mouvements de colère. Différentes sensibilités existent, d’un syndicat agricole à l’autre. Le principal en Wallonie, la FWA, est présidé par une mandataire MR, ce qui témoigne sans doute d’une certaine proximité idéologique. Peu avant le scrutin, Le Sillon belge, journal consacré au monde agricole, effectuait un coup de sonde parmi ses lecteurs, qui plaçaient le MR en tête (mais en recul), devant Les Engagés (en nette progression), tous deux étant loin devant les écologistes, communistes et autres socialistes.

Les étudiants du supérieur

Pas contents

Certains étudiants du supérieur sont contents, d’autres le sont moins, en fonction de leur vote. Parmi tous ceux-là, sans doute, ceux qui se réclament de la FEF (Fédération des étudiants francophones) font partie des moins contents. Celle-ci avait tiré la sonnette d’alarme en mars, considérant que quelques dizaines de milliers d’étudiants risquaient d’être déclarés non finançables si la Fédération Wallonie-Bruxelles n’amendait pas le décret Paysage. Ils ont grosso modo été suivis par le PS et Ecolo, avec l’appui du PTB. Le MR, membre du gouvernement de la FWB, et Les Engagés, dans l’opposition, avaient tous deux fustigé leur attitude, ce qui avait conduit à une profonde crise politique. Les deux seront demain au gouvernement, avec une volonté très probable de revenir à moyen terme sur cette réforme de la réforme adoptée aux forceps en pleine campagne.

Les conducteurs de voitures salaires

Contents

Dans le grand débat autour de la réforme fiscale, la question des niches fiscales revient souvent sur la table. Et, niche parmi les niches, l’avantage extralégal des voitures de société fait l’objet de biens des dissensions. S’il fallait résumer, c’est un non-sens environnemental et une injustice fiscale pour les uns, un élément intéressant du package salarial pour les autres. Dans les grandes lignes, les bénéficiaires d’une voiture de société ne devraient pas trop s’en faire. A tout le moins, les deux partis francophones qui devraient gouverner au fédéral n’envisagent pas de supprimer le régime à court terme. Rectification: Les Engagés veulent le supprimer, mais les bénéficiaires pourraient conserver l’avantage jusqu’à la fin de leur contrat de travail, après quoi ils obtiendront des avantages financièrement équivalents. Quant au MR, il n’est pour lui pas question de supprimer l’avantage tant qu’une réforme fiscale n’aura pas augmenté «considérablement» le revenu net des travailleurs.

Les bénéficiaires d’une voiture de société ne devraient pas trop s’en faire.

Les cyclistes

Pas contents

Précisons d’emblée: il n’y a pas un parti francophone qui ne promeuve le développement de la mobilité douce. Il n’empêche que le débat s’est beaucoup cristallisé autour de la mobilité, en Région bruxelloise. Le MR exige de remettre en question le polémique plan Good Move, censé réduire la place accordée à la voiture en ville. Le projet était porté par une ministre Groen, mais initié, quelques années plus tôt, sous la houlette du CDH. Les Engagés se montrent par conséquent moins assertifs à ce sujet, souhaitant néanmoins revoir la méthode. Les libéraux, en toute logique, privilégient la liberté de choix du véhicule, ce qui inclut la liberté de se déplacer en voiture, naturellement.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire