Formation bruxelloise: les partis néerlandophones annoncent une majorité, mais David Leisterh constate un blocage côté francophone
En cinq minutes, l’inversion des pôles dans la formation du gouvernement bruxellois s’est produite. Elke Van Den Brandt (Groen) annonçait que la majorité à quatre du côté néerlandophone, attendue depuis six mois par leurs homologues francophones, était prête. Cinq minutes plus tard, David Leisterh annonçait un blocage côté francophone. Le PS se retrouve dans un position délicate.
Cinq toutes petites minutes. Un instant attendu depuis le 9 juin. Jeudi, à la mi-journée, Elke Van Den Brandt annonçait avoir trouvé un accord avec ses partenaires néerlandophones dans l’optique de créer une formation bruxelloise. Le casting n’est pas vraiment une surprise : Groen, Vooruit, la N-VA et l’Open-VLD. Ce dernier devait occuper un poste consultatif au sein du gouvernement car seuls trois sièges sont attribués aux néerlandophones pour une majorité à quatre.
Cinq minutes après l’annonce, c’est David Leisterh qui publiait à son tour un communiqué. «J’ai réuni ce matin les partenaires francophones (MR – PS – LE) et la formatrice néerlandophone qui est venue présenter sa coalition comprenant Groen, Vooruit, le VLD et la NVA, écrit celui qui est destiné à devenir Ministre-Président. J’ai dû constater un blocage autour de la table à basculer dans une phase de formation avec sept partis.» Ce blocage n’est pas vraiment une surprise. Depuis plusieurs semaines déjà, les socialistes francophones avaient annoncé que les notes rédigées par les équipes néerlandophones qui fuitaient dans la presse étaient taillées sur mesure pour le programme institutionnel de la N-VA. Et de rappeler ce jeudi que la loi spéciale sur les institutions bruxelloises requiert l’assentiment des partis francophones pour la création d’un poste de Commissaire du gouvernement se voyant attribuer la compétence du Budget.
Deux scénarios s’ouvrent alors.
D’abord, le PS tient la promesse qu’il fait depuis plusieurs semaines, c’est-à-dire ne pas gouverner avec la N-VA et ne pas venir à la table des négociations. La région bruxelloise s’enfonce dans la crise, mais les socialistes ne trahissent pas leur électorat et ne jouent pas le jeu de l’axe MR-Engagés-N-VA qui se dessine du fédéral à la région.
Le second scénario consiste à détricoter le programme institutionnel de la N-VA et les idées libérales du MR, des Engagés et de la même N-VA. Il faudra attendre pour cela un signal de ses potentiels partenaires.
Pour le PS, un rôle de héro ou rien
Réunis ce matin, aucun socialiste bruxellois n’aurait semblé ouvrir la porte à la seconde option. Du côté du MR et des Engagés, on soupire. «Nous n’avons plus le luxe de venir avec des exclusives par rapport à des partis démocratiques, estime Christophe De Beukelaer (Les Engagés). Car l’enlisement de la formation bruxelloise et ses conséquences budgétaires donnent tous les arguments à ceux qui, en Flandre ou en Wallonie, veulent aboutir à la co-gestion de Bruxelles.»
En coulisses, aucun négociateur francophone ne se dit heureux d’avoir à travailler avec la N-VA pour les cinq années à venir. Les différents vétos posés ces six derniers mois (du MR envers la Team Fouad Ahidar, du CD&V qui ne voulait pas venir sans la N-VA, notamment) ont fermé des pistes et l’arithmétique est telle que plus aucune autre coalition n’est envisageable. «Mais ici, le problème n’est pas que l’enfant ne veut pas manger de légume, c’est qu’il refuse même de dîner», sourit une source proche des négociateurs.
Que peut gagner le PS à s’asseoir à la même table que la N-VA ? Les socialistes pourraient assumer ce rôle de défenseur de la cause sociale, mais aussi des francophones pendant que Défi est dans le coma. Suite aux élections de juin, le parti amarante a vu 33,3% de ses électeurs se tourner vers les Engagés, 13,9% vers le MR, 6,9% au PS. Seulement, ce rôle est prisé par les deux autres négociateurs francophones qui rappellent que la fusion des communes (voulue par ailleurs par tous les partis flamands) est du ressort du fédéral. En coulisses, il se murmure que l’agenda institutionnel de la N-VA ne passera pas le cap des négociations et ne figurera pas dans la déclaration de politique commune bruxelloise.
A entendre ces bruits de couloir, il apparaît clair que l’institutionnel ne sera donc pas le seul pipeau dans lequel souffler pour attirer les socialistes à la table des négociations.
Voilà le récit de cinq minutes au mitan d’une journée à priori banale dans la saga de la formation bruxelloise. Cinq minutes qui où les pôles se sont renversés, pour entamer un autre tour de manège. Celui-ci, selon certains, pourrait tourner jusqu’au printemps.
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