Lutte contre la fraude : des dizaines de millions manquants (info Le Vif)
Les 200 millions d’euros de recettes supplémentaires prévus en 2021 en matière de lutte contre la fraude fiscale et sociale ne sont pas atteints. Loin de là : à peine 10 % de l’objectif. Promesse non tenue du gouvernement De Croo…
Le Réseau pour la justice fiscale (RJF), qui réunit une cinquantaine d’organisations (syndicats, ONG…), a épluché les comptes des administrations fiscale et sociale. Objectif : voir si la Vivaldi tient ses engagements en matière de lutte contre la fraude fiscale et sociale. Dans un courrier qu’il s’apprête à envoyer au gouvernement et aux partis, le RJF rappelle que l’accord politique de l’équipe De Croo prévoit des recettes supplémentaires, en la matière, de 200 millions d’euros en 2021 (par rapport à 2020), idem en 2022 par rapport à 2021, puis 300 millions les deux années suivantes, soit 1 milliard d’euros d’ici à 2024. Cette augmentation est considérée comme structurelle : elle doit donc se répéter jusqu’en 2025 et au-delà.
Résultat : le constat du RJF pour l’année 2021 est cinglant mais étayé. Le gouvernement atteindrait tout juste 10 % de l’objectif qu’il s’est fixé, soit seulement 20,8 millions de recettes supplémentaires en 2021. C’est au niveau du fisc que le bât blesse. En effet, selon les chiffres officiels des administrations chargées de lutter contre la fraude sociale (réunies au sein du SIRS), les contrôles effectués par celles-ci ont engendré 342 millions d’euros de droits en 2021, contre 234 millions en 2020, soit des droits supplémentaires de 88 millions. Si l’on retient l’hypothèse d’un taux de perception de 45 % de ce montant, les recettes supplémentaires pour l’Etat en matière de lutte contre la fraude sociale s’élèveraient donc, hors contestations, à 39,6 millions d’euros. Pas énorme, mais pas si mal quand même.
Côté fiscal, le bilan est beaucoup moins satisfaisant. A la lecture du dernier rapport annuel du SPF Finances, le RJF constate que les contrôles de l’ISI (Inspection spéciale des impôts), chargé des dossiers de grande fraude fiscale, ont généré 9,2 millions d’euros de recettes supplémentaires l’an dernier par rapport à 2020. Le rapport du SPF n’étant pas explicite à ce point, le RJF a obtenu ce montant en comparant les recettes des deux années par agent et multipliant le résultat par 600 équivalent-temps plein. A noter que le taux de perception annuel moyen de l’ISI reste fixé à 14 % pour les cinq dernières années. Imperturbablement. Si cela perdure, il y a peu de chance que l’ISI contribue, de manière substantielle, à l’objectif du milliard d’ici à 2024. Ce serait plutôt gênant pour cette administration qui est le bras armé du fisc (surtout depuis qu’on sait que certains de ses agents auront bientôt la qualité d’officier de police judiciaire).
Pour le reste, à savoir les divers impôts sur les revenus, des particuliers, des sociétés, des non-résidents et des personnes morales, le Réseau a calculé, dans une hypothèse optimiste, qu’avec un taux de perception de 45 % sur les majorations fixées par les équipes de gestion et de contrôle de l’Administration générale de la fiscalité (Agfisc), les recettes supplémentaires s’élèveraient, hors contestations, à 94 millions d’euros. Par contre, en matière de TVA, les montants de recouvrement ont chuté de 122 millions d’euros en 2021 par rapport à l’année précédente, hors les courants de fraude tels les carrousels TVA (gérés par l’ISI). Cette chute est surtout le fait des équipes de gestion TVA, moins celui des contrôleurs. En résumé, le bilan pour le SPF Finances (9,2 millions + 94 millions – 122 millions) est, en termes de recettes supplémentaires, négatif de 18,8 millions d’euros. Si l’on additionne les résultats de la fraude fiscale et de la fraude sociale, on obtient le montant global de 20,8 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2021, donc un dixième de l’objectif fixé.
Dans son courrier-bilan au gouvernement, le RJF réitère l’appel qu’il a lancé, il y a quelques jours, à refinancer le SPF Finances via un engagement de rattrapage de 300 agents pour les fonctions de contrôle, soit un engagement pour un départ. Ensuite, le Réseau demande un engagement supplémentaire de 1 600 agents pour augmenter de 7 % les effectifs des administrations opérationnelles du SPF Finances, comme cela a été accordé à la Police judiciaire fédérale. Notons par ailleurs que, dans la déclaration de ses formateurs, le gouvernement fédéral avait donné l’impression d’enfin prendre au sérieux le fameux gap TVA, soit l’écart entre ce que l’Etat devrait percevoir en matière de TVA et ce qu’il perçoit réellement. Un trou qui s’élève, selon l’UE, à 3 ou 4 milliards d’euros selon les années pour la Belgique. Or il faut bien constater que, malgré ces bonnes intentions, le recouvrement TVA reste une pierre d’achoppement.
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