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L’Arizona coupe le fil du «tout électrique» pour les voitures de société: «L’innovation se trouve aussi ailleurs»
En allongeant la déductibilité fiscale des voitures de société hybrides, l’Arizona appuie sur la pédale de frein du «tout électrique». La nouvelle n’est pas nécessairement mauvaise pour la verdurisation du parc automobile: «L’innovation est désormais multiple». Mais «la simplification du système est impérative», estiment deux experts fiscalistes.
«Un véhicule de société électrique n’est pas une option pour tout le monde». Voilà comment l’Arizona lance, dans son accord de gouvernement, sa volonté de ne plus octroyer les pleines faveurs au «tout électrique».
La loi de verdurisation du parc automobile, en vigueur depuis 2021, a pourtant fait ses preuves: grâce à son régime fiscal avantageux, la Belgique est désormais le cinquième pays de l’OCDE à avoir le plus électrifié ses véhicules. «C’est la preuve que l’incitation fiscale fonctionne. En revanche, de nombreuses réalités ne sont pas intégrées dans ce dispositif, pointe le fiscaliste Emmanuel Degrève (Deg & Partners). Notre réseau électrique, surtout, ne suit pas le rythme. Au regard de ces problèmes infrastructurels, la réponse du gouvernement paraît raisonnable.»
Voitures de société: un bol d’air pour les hybrides
Quelle est cette réponse, précisément? En réalité, elle concerne surtout les voitures hybrides de société. «En milieu urbain, dans les immeubles à appartements, en zones rurales isolées et pour les ménages à bas revenu, un modèle électrique reste inenvisageable. C’est pourquoi le gouvernement prévoit une période de transition plus large pour les véhicules hybrides», décrit l’accord.
Concrètement, le gouvernement maintiendra le pourcentage maximal de déduction fiscale pour les hybrides à 75% jusqu’à la fin de 2027. Il diminuera ensuite à 65% en 2028 et à 57,5% en 2029 (en parallèle avec la réduction pour les véhicules électriques).
Concernant les coûts de carburant des hybrides, ils resteront déductibles à hauteur de 50% jusqu’à la fin de 2027. Les coûts d’électricité, eux, bénéficieront de la même déductibilité que ceux des modèles électriques. «Le gouvernement prévoit une exception à cette déductibilité limitée pour les voitures hybrides émettant un maximum de 50 grammes de CO2/km», précise le document.
Voitures de société: l’innovation est multiple
Ce nouvel étalement pour les véhicules hybrides était une mesure nécessaire, estime Emmanuel Degrève, «car l’électrique à tout prix était un peu trop excessif». Si le système de verdurisation permet effectivement d’accélérer la transition, il n’est pas neutre puisqu’il favorise surtout le 100% électrique. «Or, l’innovation est aussi ailleurs, relève le fiscaliste. Par exemple, les nouveaux moteurs diesel de BMW consomment 90% de CO2 en moins, ce qui est tout de même intéressant. La dernière création de Toyota propose une voiture composée de bonbonnes d’hydrogène autonomes. Celles-ci ne nécessitent pas de bornes ou d’infrastructures particulières. Cela démontre que l’innovation est multiple, et que le tout électrique est une vision partiale, qui privilégie une technologie au détriment des autres.»
Le fiscaliste Guillaume Charlier (Tetra Law) ajoute que la loi verdissement de 2021 ne vise pas uniquement les véhicules électriques, mais bien les véhicules «non-émetteurs», en ce compris les véhicules à hydrogène, donc. «Cela reste un peu dogmatique de penser «c’est l’électrique ou rien, estime-t-il. Pour l’industrie automobile européenne, déjà en très mauvaise posture, passer au 100% électrique représente aussi des coûts de production gigantesques, et, pour le consommateur, des coûts d’acquisition encore très élevés.»
Car, en parallèle, les constructeurs développent aussi de nouveaux moteurs, certes émetteurs de CO2, mais beaucoup plus propres que par le passé. Ils «doivent être vus comme un outil pour la transition, et pas comme un opposant. Même si elle est souhaitable dans l’absolu, une électrification totale en 2030 reste idéaliste.»
Fiscalité des voitures de société: l’indispensable simplification
Car, selon Guillaume Charlier, «si l’on tend vers une électrification totale du parc automobile, il faut que le plus grand nombre ait accès aux bornes de recharge. Ce qui est loin d’être le cas actuellement. En ce sens, le constat du gouvernement semble justifié», commente-t-il. Selon le fiscaliste, «on peut donc saluer l’intention de simplification d’un système terriblement complexe. La difficulté avec ce genre d’accord général, cependant, c’est qu’il ne détaille pas la manière dont le législateur souhaite harmoniser.»
Actuellement, les fiduciaires font toujours face à des règles de déductibilité qui varient fortement selon le type précis de véhicule, sa date d’acquisition, les normes d’émission, sa date d’immatriculation, etc. «La nécessité de simplification est impérative, estime Guillaume Charlier. En revanche, on ne pourra pas éviter un traitement différencié selon le type de moteur. Car l’intention européenne reste in fine d’arriver à un parc automobile 100% électrique.»
En Belgique, la durée moyenne de conservation d’un véhicule a tendance à augmenter. «Ceci prouve le décalage entre la volonté du monde politique de faire passer rapidement tout le monde à l’électrique, et, dans la réalité, le fait que les gens ne puissent pas consacrer davantage de leur pouvoir d’achat à la voiture, pointe Emmanuel Degrève. L’argent dépensé dans la mobilité ne va pas seulement dans l’acquisition de la voiture, mais aussi dans son fonctionnement coûteux au quotidien», rappelle-t-il.
«Une usine à gaz»
A ce sujet, les taxes auto (circulation, immatriculation, assurance) n’ont jamais été aussi élevées qu’à l’heure actuelle. «En d’autres termes, les dépenses élevées du quotidien empêchent un renouvellement trop rapide. En ce sens, les propositions du gouvernement sont pragmatiques. C’est une façon de repousser le tout électrique, tout en ouvrant la voie à une meilleure diversification», salue Emmanuel Degrève.
D’autre part, la loi de verdurisation du parc automobile, si elle a le mérite d’avoir activé une transformation, comporte un autre inconvénient majeur: «C’est une usine à gaz», lance le fiscaliste. Un système bien trop complexe, qui, aujourd’hui, dédie un propre écosystème de déduction fiscale pour chaque type de voiture. Emmanuel Degrève plaide ainsi «pour l’instauration d’un seul taux de dépenses non admises (DNA) qui s’appliquerait pour l’ensemble des frais de mobilité de l’entreprise.»
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