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Ces réductions d’impôts que l’Arizona souhaite… supprimer: ce «nettoyage» impacte-t-il votre pouvoir d’achat?
Le gouvernement Arizona supprimera une série d’exonérations fiscales. Un «nettoyage» nécessaire, estiment certains fiscalistes, mais qui pourrait augmenter «indirectement la pression fiscale». De là à toucher directement au pouvoir d’achat de chaque individu?
Dans son volet dédié à la fiscalité, entre deux grandes lignes, l’accord de gouvernement de l’Arizona liste une série de réductions et d’exonérations d’impôts qui seront tout bonnement… supprimées. L’intention semble à première vue contradictoire, émanant d’un gouvernement qui dit vouloir alléger la pression fiscale. Simplification nécessaire ou paradoxe avec impact direct sur le pouvoir d’achat? Voici ce qu’en pensent les spécialistes.
Suppression de plusieurs réductions d’impôts «mineures»
«Le grand nombre de déductions, d’exceptions et d’exonérations à l’impôt sur le revenu des personnes physiques augmente la complexité de cet impôt», expose l’accord dans le chapitre «simplification» du volet fiscalité. Parti de ce constat, le gouvernement souhaite mettre en place «un régime fiscal plus facile à comprendre afin que les contribuables puissent plus aisément remplir leurs obligations, sans complications inutiles.»
Dans son autre objectif affiché de simplifier l’impôt des sociétés, le gouvernement entend supprimer «différentes exceptions et exonérations mineures.» Ainsi, «l’exonération fiscale pour le passif social disparaîtra, tout comme le plan PC privé et l’exonération pour les plus-values sur les véhicules d’entreprise (NDLR: voir la liste complète en fin d’article).»
Ce gouvernement n’aime pas la société civile.
Philippe Defeyt
Economiste
L’économiste Philippe Defeyt se dit «assez favorable» à la simplification fiscale «à condition qu’elle ne touche pas à des choses essentielles». Dans certains cas, «une simplification ne signifie pas un allègement de la charge administrative, mais un allègement des normes, ce qui n’est évidemment pas la même chose», distingue-t-il. L’économiste estime toutefois que la suppression de niches fiscales est positive «et qu’on ne va même pas assez loin». «Il faut se concentrer sur le revenu, et stopper cette multiplication de niches et de réductions.»
Pour Philippe Defeyt, «un gouvernement vraiment libéral devrait cependant faire en sorte que le système fiscal n’influence pas les choix d’investissement. Or, c’est encore le cas pour beaucoup de produits fiscaux, comme l’épargne-pension.»
Augmentation indirecte de la pression fiscale
Au fil des années, des petites «mesurettes» fiscales se sont accumulées, et «elles débouchent sur un système inutilement compliqué», pointe l’avocat fiscaliste Thierry Litannie (LawTax). La volonté du gouvernement «semble donc se diriger vers un régime de simplification.» Mais pour l’expert, «l’air de rien, cette volonté de supprimer une série d’exonérations ne fera qu’aggraver la pression fiscale.» Car, selon lui, «ne pas augmenter l’impôt d’un côté mais supprimer des niches d’exonération de l’autre, cela revient à une augmentation indirecte de l’impôt.»
Cette série de petites niches fiscales, individuellement, «n’engendrent toutefois pas d’économies d’impôts significatives, estime Thierry Litannie, pour qui l’accord de gouvernement ne laisse entrevoir que des suppressions d’exonération. «Hormis le relèvement de la quotité d’exemptée d’impôts et la possibilité d’avoir 10.000 euros de plus-values sur actifs financiers par an, il n’y a pas de cadeaux fiscaux, il n’y a que des reprises.»
L’air de rien, cette volonté de supprimer une série d’exonérations ne fera qu’aggraver la pression fiscale.
Thierry Litannie
Avocat fiscaliste (LawTax)
Pour Sabrina Scarnà, avocate fiscaliste chez TetraLaw, ces petites réductions d’impôts «coûtent plus cher à formaliser dans la déclaration fiscale que ce qu’elles rapportent vraiment. Cependant, certaines sont plus conséquentes que d’autres.»
La suppression de réduction d’impôts pour les frais d’adoption (159 euros) ou pour l’assistance juridique, par exemple, est dommageable, «mais la réduction en tant que telle n’impactait pas fondamentalement le pouvoir d’achat», tempère Sabrina Scarnà.
La déduction d’impôts sur les dons, qui passe de 45% à 30%, est en revanche «clairement mauvaise pour le secteur philanthropique et pour le citoyen qui réalise plusieurs dons», concède l’avocate fiscaliste. Pour Philippe Defeyt, cette mesure est même totalement inacceptable. «Ce gouvernement n’aime pas la société civile, tance-t-il. On ne peut pas à la fois réduire l’ampleur des dépenses publiques d’un côté, et ne pas laisser l’occasion aux citoyens de pouvoir soutenir librement une cause de l’autre . C’est une contradiction énorme.»
«Plus un nettoyage que quelque chose de paradoxal»
Cette liste de suppressions d’exonération «s’apparente plus à du nettoyage qu’à quelque chose de paradoxal», estime l’avocate fiscaliste Sabrina Scarnà, qui aurait cependant apprécié que ce tri concerne aussi un «allongement des tranches, même si on sait que ce n’est pas payable.»
Les exonérations de niche génèrent plus de charges qu’elles ne profitent à chaque personne.
Sabrina Scarnà
Avocate fiscaliste (TetraLaw)
Bref, ces mesures d’économie «ne vont pas réellement changer le pouvoir d’achat de chaque individu, —sauf de façon très marginale—, mais permettront des réductions de dépenses à grande échelle, ne fut-ce que par la simplification de la déclaration fiscale et des contrôles, avance Sabrina Scarnà. Les exonérations de niche «génèrent plus de charges qu’elles ne profitent à chaque personne. C’est presque du win-win pour chacun.»
On connaît par ailleurs l’intention de l’Arizona d’augmenter la valeur des chèques-repas. «Typiquement, cette mesure est beaucoup plus forte pour le pouvoir d’achat que des réductions d’impôt qui ne profitent pas nécessairement à tout le monde.»
In fine, pour Thierry Litannie, la seule modification fiscale significative réside dans le rehaussement du seuil minimal en-deçà duquel on ne paie pas d’impôts. «C’est un cadeau fait à tous les contribuables belges. Il coûte très cher —environ 3,5 milliards d’euros— et n’est pas réservé à ceux qui en avaient réellement besoin, à savoir les bas revenus. Appliquer cette mesure uniformément est un peu baroque, déplore l’avocat fiscaliste. C’est pour cela, aussi, qu’on voit éclore en parallèle des mesures compensatoires pour retrouver ces 3,5 milliards d’euros.»
Les petits postes de déduction, exceptions et exonérations à l’impôt sur le revenu des personnes physiques qui seront supprimés:
• La réduction d’impôt dans le cadre des investissements dans des fonds de développement pour la microfinance;
• La réduction d’impôt pour le personnel de maison;
• L’exonération fiscale pour le personnel supplémentaire à bas salaire et pour le personnel supplémentaire pour l’exportation et l’assurance qualité intégrale;
• La déduction augmentée des frais professionnels pour les mandats locaux;
• La réduction d’impôt pour les frais d’adoption;
• La réduction d’impôt pour l’assistance juridique;
• La déduction sur les dons passera de 45% à 30%;
• Le forfait augmenté pour les déplacements longs;
• Le plan PC privé;
• La réduction d’impôt pour les moins-values liées à la distribution totale du capital social d’une pricaf privée;
• La réduction d’impôt pour les motos électriques, les tricycles et les quadricycles;
• La déduction accrue des frais pour les salaires des stagiaires;
• Enfin, l’exonération pour les déplacements domicile-travail en voiture ne sera de manière unique pas indexée.
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