Elections 2024: qui pourrait devenir Premier ministre? Voici les options probables (analyse)

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Les Belges ont voté et les premières négociations ont débuté. Parmi les questions qui se posent désormais: la succession d’Alexander De Croo au poste de Premier ministre. Les pronostics sont toujours hasardeux, mais quelques options émergent.

C’est un ballet que les Belges connaissent bien. Ils se rendent dans l’isoloir, un dimanche, et dans les jours qui suivent, les présidents de parti défilent successivement au palais royal. Le roi désigne un informateur – Bart De Wever, en l’occurrence – puis on prie pour que la suite des opérations se déroule sans heurts.

Cette fois, contrairement peut-être à la réalité vécue voici cinq ans, le message des urnes est relativement clair. Il y a des gagnants et des perdants, à tous les niveaux de pouvoir. Par conséquent, certains protagonistes ont la main et, sans doute, la légitimité nécessaire pour entrer dans le vif du sujet.

Une première observation, assez peu mise en lumière de prime abord, s’impose une fois encore. Sur 8,4 millions de Belges appelés aux urnes, une proportion non négligeable a choisi de ne pas exprimer de suffrage. Un million d’entre eux ont décidé de ne pas faire le déplacement et plus de 400.000 ont déposé un vote blanc ou nul, si on ne tient compte que des élections à la Chambre.

Quant aux résultats électoraux à proprement parler, ils ont désigné deux grands vainqueurs en Wallonie et à Bruxelles. Il s’agit du MR, tout d’abord. Le parti de Georges-Louis Bouchez est en nette progression partout dans l’espace francophone. Les Engagés, ensuite, ont opéré un retour en force que peu avaient vu venir, au cours de la législature écoulée. La formation de Maxime Prévot, née d’une transformation pleinement assumée, s’associera au MR à tous les niveaux de pouvoir. Tous deux l’ont décidé et l’ont annoncé rapidement.

Au nord du pays, le dimanche noir tant redouté n’a pas eu lieu, du moins pas dans les proportions que prédisaient la plupart des sondages réalisés en cours de législature. Tous annonçaient un Vlaams Belang en première position. La N-VA de Bart De Wever a sauvé les meubles, de manière plus affirmée d’ailleurs au fédéral qu’à l’échelon régional. C’est, en attendant, le bourgmestre d’Anvers qui se retrouve dans une position incontournable.

Des coalitions se dessinent déjà, à tous les niveaux de pouvoir. A ce jeu-là, le fédéral demeure celui qui attire le plus de regards, probablement parce que c’est en premier lieu là que cohabitent les forces politiques des deux principales communautés du pays. Parce que c’est là, également, que sont survenues les plus importantes crispations politiques au cours des précédentes législatures.

Réputée ingouvernable, la Belgique fédérale ne le sera peut-être pas tant que cela cette fois. Du moins, la configuration sortie des urnes autorise à envisager une formation relativement rapide d’un gouvernement, eu égard aux atermoiements passés.

Le fait que la N-VA reste la première formation politique du pays lui offre une certaine légitimité, qui n’est d’ailleurs pas contestée par les partis francophones victorieux. Des coalitions moins hétéroclites et accessoirement moins nombreuses –à cinq partis, par exemple– sont désormais parfaitement envisageables. Celle qui, spontanément, semble émerger rassemblerait au minimum la N-VA, Vooruit, le CD&V, le MR et Les Engagés. Mais la personnalité forte de Vooruit, Conner Rousseau, d’ores et déjà émis des réserves la participation de son parti. Au sortir des élections, les déclarations de ce type font partie intégrante du jeu d’influence.

Partant néanmoins sur cette hypothèse, les pronostics vont bon train quant à la personne qui sera désignée en bout de course au poste de Premier ministre. Ils sont risqués, nécessairement, parce qu’il n’est pas rare que le 16 rue de la Loi échoie à une personnalité non pas par le hasard ni la chance, mais par les circonstances particulières. Il s’agit alors de «prendre ses responsabilités», comme le veut l’expression consacrée. Elio Di Rupo (PS) avait «pris ses responsabilités» en 2011. Charles Michel (MR) l’avait fait aussi en 2014, tout comme Sophie Wilmès (MR) en 2019, puis Alexander De Croo (Open VLD) en 2020.

Ce dernier, considérablement défait dans les urnes ne rempilera pas. Cela apparaît comme une quasi-certitude, il a lui-même reconnu la sévère défaite dès le soir des élections. Paul Magnette (PS), régulièrement cité comme candidat potentiel durant les mois précédant le scrutin, n’en sera pas non plus. Son parti, face au résultat, a choisi l’opposition. C’est aussi une quasi-certitude.

Bart De Wever est régulièrement cité. Tout come Sammy Mahdi et, pourquoi pas, Maxime Prévot.

Pour le reste, les jeux restent ouverts, comme à l’accoutumée. Bart De Wever est régulièrement cité. C’est parfaitement logique, dès lors qu’il est le président du premier parti et le candidat ayant, à titre personnel, terrassé la concurrence en Flandre et singulièrement dans sa circonscription d’Anvers. La figure de proue d’un parti nationaliste flamand, amené à diriger un gouvernement fédéral en préparation du bicentenaire de la Belgique, l’expérience pourrait s’avérer… singulière.

Mais la coalition future pourrait aussi se choisir un Premier ministre plus au centre, peut-être plus disposé à rassembler, à canaliser les velléités des uns et des autres. Côté francophone, on songe spontanément au nom de Maxime Prévot, qui n’est pas définitivement à exclure.

Plus vraisemblablement, cette figure pourrait émaner du CD&V, dont le président Sammy Mahdi, parfait bilingue au demeurant, est apprécié par les présidents du MR et des Engagés. D’autres chrétiens-démocrates ont récolté des scores honorables aux élections: Annelies Verlinden par exemple, ou Hilde Crevits au scrutin régional, sans compter les lapins susceptibles d’être sortis du chapeau.

Si le Premier ministre est francophone, il pourrait aussi provenir du MR. Georges-Louis Bouchez est régulièrement cité comme candidat au poste de ministre-président wallon, éventuellement doublé de la ministre-présidence de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Là, comme partout ailleurs, aucune destinée personnelle n’est scellée à ce stade.

Il ne faudrait pas oublier, dans cette exploration des possibles, qu’une autre libérale pourrait, en fonction des circonstances, se profiler comme candidate. Sophie Wilmès, en l’occurrence, n’est peut-être pas l’option la plus évidente si on se place du point de vue flamand. Elle a toutefois l’expérience de la fonction et –ce n’est pas un détail– vient de battre le record de voix de préférence pour un candidat francophone, aux élections européennes. C’est à ce niveau de pouvoir qu’elle compte siéger, affirme-t-elle, mais elle n’exclura pas, elle non plus, de «prendre ses responsabilités» si vraiment cela s’imposait à elle.

Ce sont là des conjectures, à prendre avec d’indispensables pincettes. Parce que lorsqu’on y songe, aucun des récents Premiers ministres, de Di Rupo à De Croo en passant par Michel (et Wilmès), n’étaient des évidences au lendemain des élections. Ce sont les circonstances, une fois encore, qui ont pesé.

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