La présidence de Georges-Louis Bouchez déchire le MR: « On se tire une balle dans le pied »
La question de l’avenir de Georges-Louis Bouchez à la présidence du MR continue de diviser. Soit le Montois laisse plus de place aux autres cadres libéraux dans les médias, soit on se dirige vers des élections internes. La réponse est attendue ce lundi, avec deux réunions au programme.
Si on se fie aux sondages électoraux, tout va bien dans le meilleur des mondes pour le Mouvement Réformateur. Il suffit de regarder les résultats du dernier Grand Baromètre. À Bruxelles, les libéraux s’installent confortablement en tête des intentions de vote, avec un score de 21,9%, soit 4,4 points de pourcentage au-dessus de leur résultat à la sortie des urnes en 2019. En Wallonie, le parti mené par Georges-Louis Bouchez limite la casse avec un score de 19,7%, même s’il est désormais troisième, dépassé par un PTB toujours plus menaçant et un PS qui perd des plumes. Et puis, l’ex-Première ministre et ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès reste la personnalité préférée des Wallons et des Bruxellois.
En interne, la question de l’avenir de Georges-Louis Bouchez fait des vagues chez les bleus. Son mandat de président de parti – qui arrive à échéance le 30 novembre – devrait normalement être soumis au vote. Mais alors que la deadline approche dangereusement, aucune solution ne semble faire l’unanimité. Et la manière de gérer le parti en agace certains, cristallisant les tensions au sein du camp libéral. « Je suis proche de Georges-Louis, mais je ne nie pas que sa personnalité crée certains remous, confie un libéral bruxellois. On a l’art de se tirer une balle dans le pied, même quand ça va bien dans les sondages ». « Il n’y a pas de problème au MR, tente de désamorcer Louis Michel, père de Charles et Mathieu et ancien président du Mouvement Réformateur. C’est juste que dès qu’il y a un questionnement chez nous, on en profite pour nous tirer dessus ».
Des tensions quant au sort de Georges-Louis Bouchez
Ces tensions ont été dévoilées lundi, après un bureau de parti élargi dont l’issue ne satisfait personne. « Nous devons trouver une solution en famille, pour rester unis à l’approche des élections », demande la vice-présidente du MR Marie-Christine Marghem. « C’est bloqué », glisse un autre poids lourd du parti. Alors comment expliquer ce climat tendu à l’Avenue de la Toison d’Or ? D’abord, il est un fait certain que la proximité du méga scrutin de 2024, malgré des sondages rassurants pour les libéraux francophones, en angoisse certains. Des voix dissonantes et portantes craignent que la manière de communiquer de Georges-Louis Bouchez n’entrave la participation à des majorités après les élections. « Il m’a déjà dit clairement qu’il n’avait pas peur de se retrouver dans l’opposition, déclare un ancien du parti. Il est jeune, il a le temps. Ce qui n’est plus le cas de tout le monde au MR ».
Deux solutions sont envisagées, mais aucune ne fait l’unanimité
En substance, deux solutions sont envisageables : soit le Montois laisse un peu plus de place aux autres libéraux pour exister dans les médias, soit on se dirige vers des élections internes. « Georges-Louis ne porte pas seul la responsabilité de la crise actuelle, tempère l’un de ses soutiens. Nous avons 8 ministres au sein des gouvernements, mais aucun ne parvient à exister médiatiquement ». La première piste serait privilégiée par Sophie Wilmès, le ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles Pierre-Yves Jeholet et le vice-président wallon Willy Borsus. Ils font partie de ceux qui veulent encadrer leur président de parti, pour éviter les dérapages et les décisions trop centralisées.
« J’ai assez tiré la sonnette d’alarme mais certains ne voulaient pas l’entendre : Georges-Louis Bouchez est un homme dangereux »
Un ancien MR
L’enjeu n’est ni plus ni moins que de se rendre fréquentable auprès des autres partis à l’approche des élections. Que Georges-Louis Bouchez en énerve beaucoup est de notoriété publique ; le récent échec de la réforme fiscale en est une bonne illustration. « Certains voient leur avenir dans un gouvernement menacé », confirme Marie-Christine Marghem. « Les barons du MR se réveillent trop tard : les jeux sont faits, analyse un ancien bleu, transfuge du parti. Georges-Louis Bouchez n’a fait que renforcer sa mainmise sur le parti, qui n’est plus le Mouvement Réformateur mais le parti de Georges-Louis Bouchez. Est arrivé ce qui devait arriver, j’ai assez tiré la sonnette d’alarme mais certains ne voulaient pas l’entendre : Georges-Louis Bouchez est un homme dangereux ».
Mais le jeune président libéral ne voit pas cet éventuel encadrement d’un bon œil, tout comme d’autres gros bonnets du parti. D’où le blocage actuel. « Aller au combat avec un demi-président, qui ne peut pas prendre de vraies décisions, est une mauvaise idée, estime le député fédéral Denis Ducarme. Si j’étais Georges-Louis Bouchez, je ne m’engagerais pas sur cette voie-là ».
Entourer Georges-Louis Bouchez ? Cela n’a pas fonctionné par le passé
L’idée d’entourer le président libéral n’est pas neuve. Il y a quatre ans presque jour pour jour, en octobre 2020, avait été créé le G11, sorte de groupe de sages dont la mission était de tempérer les ardeurs du Montois. La décision est prise alors que Georges-Louis Bouchez veut remplacer la ministre wallonne Valérie De Bue par le ministre fédéral sortant Denis Ducarme. Un jeu de chaise musicale impossible : il n’y aurait plus un tiers de femmes au sein de l’exécutif, ce qui est contraire à la loi.
« Une erreur de jeunesse », défend Marie-Christine Marghem, qui rappelle que ce fameux G11 est une idée de l’ex-MR Jean-Luc Crucke, désormais passé du côté des Engagés. Problème : ce groupe censé conseiller et modérer Georges-Louis Bouchez s’est retrouvé aux oubliettes aussi vite qu’il n’est sorti de terre. Le G11, aussi surnommé les « belles-mères », n’a jamais réussi à contrôler le turbulent Georges-Louis. En trois ans, il ne s’est réuni qu’une seule fois. Un ‘sage’ de ce groupe tire à balles réelles : « une telle mesure ne peut pas avoir d’effet, vu que c’est le président de parti lui-même qui devait convoquer le G11 ».
Élections internes, oui ou non ?
L’option d’une présidence collégiale ne fait pas consensus. La voie royale aux élections internes, l’autre piste envisagée ? Pour la vice-présidente du MR Marie-Christine Marghem, « une élection interne serait malvenue ». L’ancienne ministre de l’Energie préconise plutôt des formules « plus sages », tout en restant vague sur ce point. Un député MR au fédéral la rejoint : « organiser des élections internes n’est pas profitable. À quelques mois des élections législatives, il faut rassembler ». Louis Michel, père de Charles et Mathieu, ancien président du Mouvement Réformateur aujourd’hui retraité, ne porte pas non plus l’idée d’élections internes dans son cœur. « Il faut se mettre en ordre de marche pour la campagne, et cesser de pointer des problèmes qui n’en sont pas, alors que les sondages sont bons pour nous ».
Pour l’instant, le suspense est maintenu quant à l’avenir de Georges-Louis Bouchez à la présidence du MR. Questionné, le Montois espère « qu’on va atterrir sur une solution prochainement », avant de botter en touche : « ce qui se passe doit rester en interne et n’intéresse en rien les citoyens ». Prochainement, ce pourrait être ce lundi. Deux réunions doivent normalement se tenir pour enfin trouver une solution, confirment plusieurs sources. D’abord un nouveau bureau de parti, en petit comité, et ensuite un conseil de parti, en comité élargi.
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