Bart De Wever a passé une drôle de matinée au Parlement, où il est venu défendre l’accord de Pâques de l’Arizona. © BELGA

«En dix semaines, vous avez rajouté sept milliards de déficit budgétaire»: au Parlement, De Wever taclé par la droite comme par la gauche 

Sylvain Anciaux

Le Premier ministre a défendu publiquement l’accord de Pâques du gouvernement Arizona face à la gauche francophone, logiquement, mais aussi face à la droite flamande.

Une insulte –c’en est probablement une aux oreilles de son récepteur– a fusé dans la salle Erasmus du parlement, alors que Bart De Wever venait défendre l’accord de Pâques conclu par l’Arizona mi-avril. «Monsieur le Premier ministre du Royaume de Belgique», apostrophait le socialiste Pierre-Yves Dermagne à l’ancien bourgmestre d’Anvers, comme pour titiller le nationaliste flamand. Qui n’a de toute façon pas dû passer une bonne matinée: certes, les députés de l’opposition ont vivement critiqué son accord de Pâques, mais même les députés de la majorité ont aussi émis des doutes avec, toutefois, moins de véhémence.

L’élaboration du budget de la Défense attendra la semaine prochaine

«C’est simplement la mise en œuvre de votre accord de gouvernement, constatait la libérale flamande Alexia Bertrand (Open VLD). Ce qui est nouveau, ce sont les 2% du PIB pour la Défense.» Pour rappel, l’Arizona a promis à l’Otan de se plier aux 2% du PIB consacrés à la Défense dès cette année. Le choix fût posé après la naissance de l’Arizona et sa déclaration de politique générale, et la nécessité de trouver ces cinq milliards supplémentaires n’avait jusque-là pas encore été clairement budgetée, bien que chaque ministre s’attende à devoir réduire ses ambitions personnelles. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que les parlementaires n’y voient pas plus clair. «Nous soutenons ce plan, mais vous vous taisez sur le financement de ce plan, assénait la représentante de l’Open VLD au Premier ministre. Deux milliards ne sont pas financés, on ne veut pas générer de dettes aux futures générations, mais il n’y a pas non plus d’axe structurel.»

Malgré la pléthore de questions sur le financement de la Défense venues de tous les partis, dont ceux de l’Arizona, Bart De Wever a choisi de ne pas répondre. Le Premier ministre a tenté de détendre l’atmosphère en livrant quelques indices sur à quoi ressemblerait la Défense surboostée sous l’Arizona: il y aura un fonds alimenté par le résultat de participations publiques et de moyens publics, du stock acheté via ce budget consacré à de l’usage civil, «comme du matériel médical». La reprise de la protection des sites nucléaires qui libèrerait 350 policiers est également sur les tablettes, a complémenté la députée MR Catherine Delcourt, qui aimerait savoir à quels autres postes sera consacrée cette fameuse enveloppe.

«Vous êtes Premier ministre, on attend de vous d’être le garant de l’équilibre entre les droits des travailleurs et la compétitivité.»

Sarah Schlitz

Ecolo

Pour le reste, il faudra attendre. «Le budget sera déposé la semaine du 28 avril, je comprends votre impatience mais nous travaillons le plus vite possible. Nous n’essayons pas de cacher des chiffres, ça vient.» Face à cette date promise, et sans vraiment autre forme de choix, les députés ont dégoté d’autres angles d’attaques.

Un accord de Pâques où l’absence de mesures interroge

L’étendard de l’Arizona restant la modification du marché de l’emploi, c’est ce sujet –où l’on y voit déjà beaucoup plus clair– qui a occupé nombre d’échanges ce mercredi. La sortie de David Clarinval affirmant que la limitation dans le temps des allocations de chômage exclurait 100.000 personnes du chômage a fait grimacer le député DéFI, François De Smet, qui se demande comment l’Arizona transformera «des centaines de personnes en chauffeur de bus», un métier en pénurie.

Sur le même thème, Sarah Schlitz (Ecolo) s’est étonnée de «la position de CEO» qu’adoptait le Premier ministre et son équipe. «Vous êtes Premier ministre, on attend de vous d’être le garant de l’équilibre entre les droits des travailleurs et la compétitivité. Ce sont les travailleurs qui font la prospérité des entreprises. Vous visez le taux d’emploi de 80%, mais je ne vois pas le début d’une mesure qui tend vers cet objectif.»

Une autre promesse dont les députés ne voient pas le début d’une mesure, c’est l’écart de 500 euros entre ceux qui travaillent et les autres. «Vous êtes un minteur, comme on dit chez nous» sifflait Raoul Hedebouw (PTB) qui a, au passage, déploré le report de trois mois de l’indexation des pensions qui coûtera 61 euros par mois aux plus âgés.

Côté flamand, la droite critique, la gauche mal à l’aise

Du côté de la majorité, la députée des Engagés Aurore Tourneur a pris la défense de son Premier ministre. «J’ai le sentiment ici que l’on fait le bilan de toute l’année. Laissons les ministres travailler.» Histoire d’être tout de même un brin critique, parce que c’est un peu le but de l’exercice, la bourgmestre d’Estinnes s’est fait le relais de la «fronde profonde qui agite le pouvoir judiciaire (…) et dont il est de notre responsabilité de ne pas l’ignorer». Ca aussi, dans sa réponse, Bart De Wever l’a ignoré.

C’était un petit peu la matinée des paradoxes, et les socialistes francophones ne s’y sont pas trompés. Pierre-Yves Dermagne attendait «des camarades socialistes flamands la taxe sur les plus-value» tant débattue lors des négociations gouvernementales. Voilà Bart De Wever amené à défendre les socialistes au sein de son exécutif et de revenir sur la notion des épaules les plus larges qui pourraient financer l’augmentation du budget de la Défense. «C’est beaucoup car il n’y a pas tant d’épaules larges dans notre pays.»

«Au Royaume-Uni, le prix pour acquérir la nationalité est de 2.000 euros. Aux Pays-Bas, c’est 1.091 euros. Cela coûte moins cher de devenir Belge que de devenir Néerlandais. C’est raisonnable!»

Bart De Wever

«Oui, c’est un accord historique, a conclu Alexia Bertrand dans son rôle aussi pincé que pinçant. En dix semaines, vous avez rajouté sept milliards de déficit budgétaire. Vous avez donné l’impression que les autorités sont l’actionnaire le moins fiable au monde et vous n’avez toujours pas le soutien du CA de Belfius. (…) C’est un chèque en bois de deux milliards que vous avez fait pour la Défense.»

Bart De Wever n’y donnera pas non plus une suite conséquente. Le Premier ministre conclut ses réponses à toutes ses attaques en abordant l’augmentation du coût des démarches pour obtenir la nationalité belge, fixé à 1.000 euros par l’Arizona. «Est-ce exorbitant ? L’inverse est vrai. Au Royaume-Uni, c’est 2.000 euros. Aux Pays-Bas, c’est 1.091 euros. Cela coûte moins cher de devenir Belge que de devenir Néerlandais. C’est raisonnable !»

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