élections communales 2024 en Belgique
Que le PS ne soit plus aux commandes à Mons a longtemps été inenvisageable. Ce n’est plus forcément le cas aujourd’hui, en théorie du moins. © BELGAIMAGE

Elections communales 2024 | Comment éviter que les mêmes occupent toujours le pouvoir?

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Pour favoriser le renouvellement du personnel politique, une meilleure considération des mandataires locaux constitue certainement une piste à explorer. La question mérite d’être posée, à l’approche des élections communales en Belgique.

Si une part des électeurs se satisfait du pouvoir en place, il n’en demeure pas moins vrai que l’enracinement de quelques personnalités au pouvoir, dans certaines entités, n’est pas particulièrement sain sur le plan démocratique. Le renouvellement du personnel politique ne se décrète pas, ni ne se produit en un claquement de doigts. Quelques pistes pourraient cependant permettre d’insuffler davantage de rotation.

Les élections, tout simplement

Ce sont encore les électeurs qui choisissent, dans l’isoloir, les candidats qu’ils envoient au conseil communal et, le cas échéant, au maïorat. Or, «dans les villes et communes de taille moyenne ou de grande taille, on observe ces dernières années une plus grande volatilité de l’électorat avec, par exemple, un certain déclin du PS là où il était tout-puissant. A Bruxelles, on pourrait aussi parler de communes comme Ixelles, historiquement libérale, où la majorité a basculé au début des années 2000», note Jean-Benoit Pilet, professeur de science politique à l’ULB.

Cette réalité est moins observable dans de plus petites entités, où les enjeux politiques ne sont pas directement associés aux dynamiques des grands partis, mais il n’est pas interdit de penser que des alliances se renversent ou que des majorités absolues tombent. «Le fait que le PS ne puisse plus être aux commandes à Charleroi, Liège ou Mons était complètement inenvisageable il y a une vingtaine d’années. Je ne dis pas que c’est ce qui se produira, mais c’est désormais envisageable», poursuit-il. Le MR, d’ailleurs, axe grandement sa campagne sur cet argument: faire tomber quelques citadelles, en confirmant l’essai des élections de juin dernier. En 2000, des majorités s’étaient formées entre socialistes et libéraux, au détriment d’un PSC en mauvaise posture. Dans le même ordre d’idées, il est possible que le binôme MR-Les Engagés qui s’est constitué aux autres niveaux de pouvoir bénéficie d’une tendance favorable.

Donner l’envie

«Le blues des bourgmestres et des élus», c’est sous ce titre choc que l’Union des villes et communes de Wallonie dépeignait, en 2022, l’état d’esprit des mandataires locaux au sud du pays, passablement découragés, démotivés face à une forme d’ingratitude croissante. Dans le même temps, constituer des listes électorales (complètes) s’apparente de plus en plus à une gageure dans bien des communes. Les candidats se font rares et, une fois élus, abandonnent souvent en cours de route. Geoffrey Grandjean, politologue à l’ULiège, avait analysé avec son équipe le phénomène des démissions à mi-mandature: entre décembre 2018 et janvier 2022, 15% des mandataires communaux avaient quitté prématurément le poste. C’était une décision personnelle dans neuf cas sur dix.

Dès lors, il faut souvent composer avec celles et ceux qui en ont l’envie et/ou les compétences. «Il y a certainement un travail à mener sur l’offre électorale, selon Geoffrey Grandjean. Pour ce faire, il conviendrait sans doute d’améliorer l’attractivité des mandats communaux», de manière à faire face à cette crise des vocations. Cela peut signifier une plus grande attractivité sur le plan pécuniaire, éventuellement, pour des mandats coûteux en temps et en énergie, mais peu rétributifs en reconnaissance.

Au-delà des aspects plus matériels, ajoute Jean-Benoit Pilet, les conditions dans lesquelles un mandat de conseiller communal sont exercées pourraient être améliorées: accès à l’information, encadrement et accompagnement des élus par l’administration, pour des matières souvent techniques et ardues. «Ce soutien professionnel aux mandataires locaux est encore plus important pour les conseillers communaux d’opposition, dont le rôle est essentiel en démocratie, surtout dans ces entités où la majorité est confortablement installée. Or, être conseiller de l’opposition peut être un vrai sacerdoce.»

«Il conviendrait sans doute d’améliorer l’attractivité des mandats communaux.»

Moins de mandataires

Le gouvernement wallon MR-Les Engagés l’a inscrit dans sa Déclaration de politique régionale: il est envisagé de réduire le nombres de mandataires locaux, «singulièrement dans les grandes villes», pour mettre fin à une certaine «disproportion» d’élus, au regard de ce qui se pratique en Flandre notamment. L’argument est budgétaire et politique, mais une réduction globale du nombre de mandataires pourrait naturellement réduire ce manque de candidats.

Par ailleurs, estime Geoffrey Grandjean, bien que ce soit souvent un sujet sensible dans les villes et villages, les fusions de communes, plus avancées au nord du pays, devraient également simplifier les structures… donc réduire les besoins en matière de mandataires et éventuellement dynamiser l’offre électorale. Là encore, le nouveau gouvernement wallon a annoncé qu’il accompagnerait et soutiendrait les fusions volontaires.

Faire évoluer le système électoral

Si le souhait consiste à provoquer davantage de rotation dans les majorités communales, quelques éléments institutionnels favorisent néanmoins une certaine inertie, souligne Min Reuchamps, professeur à l’UCLouvain. La Flandre a choisi de supprimer l’obligation de vote aux élections communales. Qu’on apprécie ou non la mesure, elle aura nécessairement un effet sur les résultats, donc possiblement sur les majorités en place. Mais ni Bruxelles ni la Wallonie ne sont concernées, à ce stade du moins.

La clé de calcul de répartition des sièges au niveau communal (la clé Imperiali), ensuite, a tendance à favoriser les listes qui obtiennent des scores importants. «Peut-être qu’il y a matière à réfléchir de ce côté, pour offrir plus de chances à des listes émergentes. Mais puisque c’est le régional qui est à la manœuvre, ce sont les grands partis qui ont le pouvoir de changer ou non les choses, en étant juges et parties, pour le coup.» Ont-ils intérêt à le faire?

Permettre aux électeurs de panacher leurs votes entre candidats de listes différentes pourrait aussi favoriser une dynamique dans la politique locale, suggère encore Min Reuchamps. L’électeur choisirait alors des individus plutôt qu’un parti ou une liste, à un niveau de pouvoir où la dimension personnelle pèse plus qu’ailleurs.

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