Edwin Penninckx sera tête de liste PTB à Tubize, la seule commune du Brabant Wallon où le PTB présentera une liste aux élections communales 2024.

Edwin Penninckx, seul candidat PTB du Brabant wallon aux communales: «Mon patron, il appelle à voter pour moi et pour le PTB»

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Série 4/5 | Edwin Penninckx est tête de liste à Tubize, la seule commune du Brabant wallon dans laquelle le PTB présente des candidats (et encore, seulement deux), aux élections communales. «Il y a deux Brabant wallon, mais on s’implante partout», dit-il.

Communales 2024 en Belgique | Les poissons volants: « Il existe aussi des poissons volants, mais ils ne constituent pas la majorité du genre », parait-il. Ils sont même, aux élections communales, la très petite minorité, ces candidats engagés dans certaines communes dominées politiquement, historiquement, sociologiquement, outrageusement, par l’adversaire politique. Un poisson volant aux élections communales 2024 en Belgique, c’est une libérale qui se présente à Châtelet, un socialiste à Uccle, un Flamand en Wallonie, un communiste dans le Brabant wallon, un francophone en Flandre ou une écologiste à l’ombre d’une centrale nucléaire, par exemple. Le Vif a découvert ces poissons volants-ce ne fut pas simple. Il vous présente plusieurs spécimens de cette espèce rare, la très petite minorité du genre-c’est intéressant.

Edwin Penninckx a soixante ans, il est salarié dans une petite société de taxis à Tubize, il a failli devenir député wallon le 9 juin, et il mènera la seule liste communale du PTB dans la très belle, très prospère, et très bleue province du Brabant wallon. Sa liste ne comptera que deux candidats, et sa commune, marquée à jamais par la sidérurgie, n’est sans doute pas la plus représentative de la beauté, la prospérité et de la bleuté de sa province. C’est peut-être pourquoi ce communiste du Brabant wallon ne se sent pas dans les écailles d’un poisson volant: «Les besoins de la population sont bien présents ici, vous pouvez me croire. Peut-être moins dans certaines communes brabançonnes, c’est vrai… Mais si on prend le résultat des dernières élections régionales, il n’a manqué que 0,6% des voix sur l’ensemble de la province pour que le Brabant wallon envoie un député régional PTB…», dit-il.

Il faut dire aussi que Tubize, votre commune, présente une morphologie assez différente de celle des communes du centre et de l’est de la province…

Les chiffres sont éloquents, c’est vrai. Sur Tubize, qui est une commune de tradition ouvrière, avec les Forges de Clabecq notamment, on a fait 21,4% le 9 juin. En comparaison, par exemple à Lasne, on n’a fait que 3%. Il y a vraiment deux Brabant wallon.

Est-ce que le PTB va dans cet autre Brabant wallon?

Oui, bien sûr, on a un groupe à Wavre, un autre à Jodoigne, on en a un à Nivelles, même si c’est à Tubize qu’on fait les meilleurs résultats. Ca veut dire que le PTB s’implante petit à petit partout.

Mais le bilan de la droite au BW c’est qu’on y vit mieux qu’ailleurs non?

Simplement, dans certaines communes, les gens ont des revenus plus élevés, et donc ils vivent mieux. Mais ce n’est pas le cas partout, parce qu’il y a Tubize, oui, mais tout l’est du Brabant wallon, Rebecq, Quenast, etc., sont dans la même situation que nous. On peut dire que Tubize est une petite ville industrielle qui est sinistrée, parce qu’il y avait des milliers d’emplois aux Forges de Clabecq et qu’il n’y en a plus aujourd’hui je crois que 250 ou 300….

Il y a une tradition ouvrière à Tubize, mais l’ancien syndicaliste des Forges de Clabecq, Roberto D’Orazio, soutient désormais son fils, qui est sur la liste MR. C’est un échec pour la vraie gauche tubizienne, ça, non?

Oui, c’est assez paradoxal… Mais vous savez, mes parents ne votaient pas pour la gauche radicale, donc l’implication politique, ce n’est pas nécessairement dû à mon hérédité, mais plutôt à mon vécu, parce que j’ai commencé à travailler très jeune. Je croise parfois Roberto, on se fait un petit coucou de loin, mais je ne lui en ai jamais parlé. Moi, si mon fils devrait passer de l’autre côté, et militer au MR, je ne le renierais pas, bien sûr. Mais je ne ferais pas sa pub non plus…

Le message spécifique de votre parti pour Tubize, c’est quoi?

C’est pas quelque chose qu’on sort de notre chapeau. Quand le PTB a organisé sa grande enquête avant les élections du 9 juin, plusieurs centaines de Tubiziens y avaient répondu, donc nos priorités, au niveau local aussi, ce sont les priorités des Tubiziens… Il y a un gros problème de logement abordable, parce que tout monte très très fort à Tubize, et on veut une grille contraignante des loyers. L’autre grosse problématique, je suis bien placé pour le savoir parce que je suis chauffeur de taxi, c’est une ville où il manque de transport en commun, ceux-ci, globalement, ne suivent que les horaires des écoles. Donc, d’une part, la ville est embouteillée aux heures de pointe, on se croirait à Bruxelles, parfois vous mettez plus de vingt minutes pour faire trois kilomètres. D’autre part, ces problèmes sont un frein à l’emploi. Moi, je me rappelle, avant d’être taxi, moi je me suis retrouvé sans emploi après avoir travaillé dans trois imprimeries qui avaient fermé. Quand je postulais dans des boites d’intérim, la première question qu’on me posait toujours c’était «est-ce que vous avez une voiture?». Parce que si vous n’avez pas de voiture, vous ne savez pas aller bosser. Maintenant, ici, il y a un petit zoning industriel qui commence à créer un peu d’emploi, si vous n’avez pas de voiture, ce n’est pas facile d’y être. Et c’est un paradoxe, parce qu’une voiture c’est un coût, et il vous en faut une pour travailler, mais si vous ne travaillez pas, vous ne pouvez pas vous la payer… Moi j’enquête tous les jours dans mon taxi, et un autre problème, c’est la taxe-poubelle… Et la fréquence des ramassages est tout à fait problématique. Les sacs-poubelle blancs, on ne les ramasse que deux fois par mois.

Ce sont souvent des sujets régionaux ça tout de même, pas communaux…

Oui, c’est vrai, c’est régional. Cependant, la commune a quand même une marge de manoeuvre. Et on a huit députés, au Parlement wallon, qui travaillent dans le même sens. De plus, nous sommes un parti de mobilisation, et on veut que les gens se rassemblent au conseil communal, pour faire pression, avec des pétitions, des manifestations. On travaille aussi dans les communes adjacentes, même si on ne se présente pas aux communales. Et je rappelle que tous les Brabançons pourront voter le 13 juin, à la province, où il y aura des candidats PTB dans tous les districts.

Vous êtes tubizien avant d’être ptbiste, ou ptbiste avant d’être tubizien?

Ni l’un ni l’autre! J’ai milité depuis mes vingt ans, dans des partis de gauche radicale, et il y a douze-treize ans j’ai rejoint le PTB parce que je pense que quelqu’un de gauche radicale, c’est là qu’il doit aller, plutôt que dans des petits groupuscules de dix, quinze, vingt, cent personnes… Et je suis Bruxellois de souche, et je suis arrivé ici à Tubize à 29-30 ans, ça fait la moitié de ma vie…

Est-ce que les PTB du BW sont différents de leurs camarades des autres régions du pays?

Non, je ne pense pas! Nos membres, nos sympathisants, nos militants, sont le plus souvent des gens qui sont issus du monde du travail. Et il y a aussi des gens qui ont voté socialiste de génération en génération, et qui se rendent comptent qu’à part certains discours, et encore, il n’y a pas grand-chose de gauche qui ait été fait. Ce qui sensibilise aussi, partout, c’est que nous ne tirons aucun avantage matériel de la politique. Moi, j’ai failli être député, mais je n’aurais pas gagné plus que mon salaire actuel comme chauffeur de taxi, 2.100-2.200 euros, et j’aurais reversé le reste au parti.

Vous êtes préparé à devenir conseiller communal?

Ca, c’est quelque chose qui s’apprendra sur le tas. On viendra avec ses convictions, je serai bien sûr aidé par le parti, le service d’études, mais moi je suis un militant politique, pas un politicien. On m’a demandé si j’étais déçu de ne pas être élu, le 9 juin, oui, j’ai été déçu de ne pas représenter la classe laborieuse du Brabant wallon au Parlement. Mais en fait, de par mon boulot, comme le patron pratique des prix très démocratiques et qu’il y a peu de transport en commun, je suis en contact avec une population qui n’est pas très riche, et…

Et vous n’êtes pas en conflit social avec votre patron alors?

Ah non, ce sont des petits indépendants, ils ont tout mon respect, c’est un couple en fait, le patron est plus âgé que moi, il continue à rouler, il roule avec nous, il travaille avec nous, il connait les conditions de travail, et mon salaire arrive en temps et en heure. Maintenant, il faut savoir que le taxi, c’est pas une commission paritaire très favorable… Mais ce qui m’intéresse dans ce métier, c’est ce contact avec la population. Pour quelqu’un qui est au PTB, c’est important d’entendre les préoccupation des gens. Les déchets, ou les gardes d’enfant par exemple. La santé aussi, et c’est paradoxal parce que j’entends le MR ici crier parce qu’on n’a plus d’hôpital à Tubize, mais qu’au programme du MR au fédéral, il y a des économies sur la norme de croissance des soins de santé. On ne peut pas dire «on mène une politique de droite» au fédéral, et faire croire qu’on veut mener une politique sociale à la commune, c’est incohérent.

Votre patron vous reproche-t-il parfois votre engagement au PTB?

Ah non, il appelle même à voter pour moi! C’est un petit indépendant, et pour nous, ce sont des travailleurs. A la différence d’un gros actionnaire, les petits indépendants font complètement partie de la classe travailleuse.

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