Les mesures que l’opposition approuve dans l’accord Arizona et celles que même la majorité déplore (analyse)

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Le Vif a demandé à des parlementaires de la majorité les mesures qui leur déplaisaient dans l’accord de gouvernement Arizona, et à des parlementaires de l’opposition ce qui leur y plaisait.

L’accord du gouvernement Arizona, c’est son leitmotiv, veut s’engager pour l’emploi, pour en créer et pour le maintenir. Mais c’est à contre-emploi que Le Vif a mobilisé les parlementaires fédéraux de la majorité et de l’opposition, pour demander aux seconds quelle mesure de l’exécutif De Wever ils sont disposés à soutenir, et pour solliciter des premiers qu’ils déplorent une disposition figurant au catalogue du Premier ministre dont ils ont voté la confiance, après 40 heures d’un débat fastidieux, au milieu de la nuit du vendredi 7 février. Et où l’on n’a pas parlé que des projections budgétaires disputées de l’Arizona.    

L’opposition est contente

Dans l’opposition, les parlementaires interrogés, un par parti, gratifient la toute fraîche nouvelle équipe fédérale de progrès relevant unanimement des affaires sociales ou de la santé. C’est piquant compte tenu d’une feuille de route considérée comme penchant à droite. Mais ce n’est pas anormal sachant, d’une part, que l’opposition francophone se compose exclusivement de formations (PS, PTB, Ecolo et même DéFI sur de nombreux aspects) se situant à la gauche des deux partis de la majorité fédérale. Et d’autre part que celle-ci se compose de formations centristes (Les Engagés et le CD&V), voire de gauche (Vooruit), qui ont tenu, en ces domaines, à faire passer certaines de leurs revendications.

«La page 116 de l’accord annonce un plan interfédéral pour la santé mentale qui était à notre programme.»


Ainsi Caroline Désir (PS) croit-t-elle voir la signature fraternelle de son camarade flamand Frank Vandenbroucke (Vooruit), ministre reconduit de la Santé sous le chapitre «santé mentale» de l’accord de gouvernement fédéral. «Il a dit qu’il avait tenu la plume pour l’accord Santé, et il était le négociateur de son parti sur ces points», argue-t-elle. Et elle précise. «La page 116 de l’accord annonce un plan interfédéral pour la santé mentale qui était à notre programme, tant les besoins sont urgents, spécialement pour les jeunes. On y prévoit davantage de places, en résidentiel et en ambulatoire, notamment. Tout le volet santé de l’accord de gouvernement, du reste, n’est pas globalement négatif, mais il manque selon les calculs du Bureau du Plan deux milliards d’euros par rapport aux besoins prévus», ajoute Caroline Désir.

Elle est rejointe à ce chapitre par la cheffe de groupe PTB Sofie Merckx, médecin généraliste dans la vie civile, qui se réjouit de «l’extension programmée du système du tiers-payant», par lequel le patient n’a pas à débourser d’argent pour se faire soigner. «Il n’est pas spécifié si les généralistes et les spécialistes sont concernés, mais c’est un bon point quoi qu’il en soit, et le PTB s’est toujours battu pour ça. On se rend enfin compte que cela ne sert à rien d’empêcher les gens d’aller voir un médecin, que c’est contre-productif», explique la Carolorégienne, qui y voit une petite victoire de deux des partis de la majorité «sur l’accessibilité des soins de santé, Vooruit a toujours appuyé, comme nous. Et le CD&V avait aussi une proposition de loi sur l’extension du tiers-payant», rappelle-t-elle.
L’écologiste Sarah Schlitz, qui a présenté l’accord de gouvernement au Bureau politique de son parti le 9 février, a appris à ses camarades qu’une de leurs revendications s’y retrouvait, au chapitre affaires sociales, «le droit au rebond, mais c’est une des seules», dit-elle, qui permet à un travailleur de percevoir une indemnité de chômage en cas de démission. «Ça fait superlongtemps qu’on défend ça chez Ecolo. Ça peut aider à limiter les burn-outs et les maladies du travail», relève-t-elle, regrettant que la disposition prévue ne l’autorise qu’une seule fois dans une carrière, et après dix ans de boulot (cette version plus restrictive se trouvait au programme électoral du MR), et se promettant d’être «très attentive aux modalités, il faut autoriser à suivre une formation, par exemple. Et nous devrons éviter que les employeurs y poussent les travailleurs dont ils ne veulent plus, afin de ne pas payer d’indemnités de licenciement. J’espère que l’avis des syndicats sera écouté sur cet aspect, mais je redoute que cela ne soit pas le cas…»

«L’Arizona souhaite renforcer le pouvoir contraignant du Secal. Si ça se fait, c’est un énorme progrès.»

Enfin, François De Smet, l’unique député DéFI, épingle un autre dispositif à l’intersection des affaires et sociales et de l’égalité entre les femmes et les hommes: le volontarisme affiché pour assurer un meilleur paiement des créances alimentaires. «Ils veulent restructurer et refinancer le Service des créances alimentaires (Secal), l’organisme fédéral qui se charge de récupérer les pensions impayées ou de les avancer. Cela concerne énormément de familles monoparentales, donc, en réalité, de femmes. L’Arizona souhaite renforcer le pouvoir contraignant du Secal, notamment en le laissant prélever les pensions à la source. Si ça se fait, c’est un énorme progrès», avoue le Bruxellois.

La majorité est déçue

Les difficiles négociations, on l’a dit et écrit partout, laisseront des traces chez les présidents qui s’y sont usé les cordes vocales autant que les méninges. Et certains compromis passent moins que d’autres dans la base parlementaire des partis vainqueurs des élections du 9 juin dernier, quand bien même le nouveau gouvernement, et l’accord qui l’a institué, y ont été accueillis avec un énorme enthousiasme. La cheffe de groupe des Engagés à la Chambre, Aurore Tourneur, regrette le passage de la déduction sur les dons aux associations de 45 à 30%. «L’associatif, c’est véritablement un secteur auquel nous sommes très attachés», glisse-t-elle. Elle n’incrimine pas pour autant son nouveau ministre des Affaires étrangères et ancien négociateur en chef Maxime Prévot, qui s’est, dit-elle, montré combatif. «D’aucuns voulaient la suppression totale, nous nous sommes battus pour maintenir la déduction, en devant accepter une baisse. C’est l’art du compromis quand on est obligé de faire des économies», soupire-t-elle.

Le chef de groupe MR à la Chambre Benoît Piedboeuf, lui, déplore la réduction de 25% du budget de l’aide au développement. Le Gaumais, bourgmestre de Tintigny, anime depuis longtemps le jumelage de sa commune avec deux entités béninoises, «Djidja depuis 18 ans et Ouinhi depuis 2 ans», et il peut témoigner de l’utilité des fonds de la coopération. «Le travail de terrain mené par les communes et beaucoup d’ONG est un vrai travail de fond et de qualité à l’échelon le plus proche des réalités des populations», rappelle-t-il, un peu tristement.

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