Ecolo
Samuel Cogolati et Marie Lecocq, co-présidents d’Ecolo, ont du travail pour relever la barre verte. © BELGA

Ecolo peut-il se relever après sa chute vertigineuse? «Ils doivent s’inspirer des Engagés et refonder le parti»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Ecolo parle de «rebond positif» suite aux élections communales. Pourtant, les chiffres globaux traduisent une nouvelle déconvenue, à l’une ou l’autre exception près. Les nouveaux co-présidents verts ont du pain sur la planche pour espérer reformuler un programme et une image qui séduisent à nouveau.

En six ans, l’avenir d’Ecolo s’est considérablement assombri. La vague verte des élections communales de 2018 a doublement échoué. D’abord violemment, aux élections fédérales et régionales de juin, avec des revers cinglants aux quatre coins de la Wallonie et de Bruxelles. La tendance s’est confirmée ce 13 octobre, même si elle est, par endroits, plus modérée qu’au soir du 9 juin. Les deux nouveaux co-présidents du parti, Marie Lecocq et Samuel Cogolati, parlent même de «rebond positif». Du pur déni?

Le bilan chiffré d’Ecolo: peu de place au doute

Le bilan chiffré global est en tout cas édifiant: les écologistes perdent environ la moitié de leurs conseillers communaux en Wallonie, et pas moins de 50 à Bruxelles. Il demeure difficile de parvenir à un total exhaustif et chiffré des pertes en Région wallonne, au vu des nombreuses listes renommées et autres cartels. Mais le seul focus sur les listes portant le nom Ecolo (ou Ecolo+) révèle une perte de 171 conseillers communaux (c’est un minimum, donc), selon nos calculs. A Charleroi, -et c’est une première depuis 1982-, aucun représentant vert ne siégera au conseil communal.

Le parti perd aussi tous ses bourgmestres à Bruxelles, malgré une victoire à Ixelles suivie d’une mise à l’écart face à la formation d’une coalition MR-Engagés-PS. Une «trahison» des socialistes, dénonçaient certains verts, qui a amené le bourgmestre sortant, Christos Doulkeridis, à mettre un terme à sa carrière politique active. Indirectement ou non, les écologistes paient aussi les pots cassés de mesures devenues impopulaires, le plan Good Move en tête. L’exemple d’Ixelles est par ailleurs révélateur des difficultés actuelles que rencontrent les Verts dans les négociations de coalitions.

Ecolo: déni ou encouragement?

Au soir du 13 octobre, la co-présidente Marie Lecocq préférait voir le ‘vert’ à moitié plein. «Nous savions que le contexte était difficile, et il ne fallait pas s’attendre à un changement radical en quatre mois.» Samuel Cogolati considérait avoir «déjoué les pronostics les plus pessimistes». Il a mis en avant quelques bons résultats à Ixelles, Louvain-la-Neuve, Eupen, Verviers, Liège ou Huy, mais sans évoquer les pertes de la grande majorité des maïorats en Wallonie et à Bruxelles. Et il a amèrement dénoncé des «dés pipés à l’avance» face à l’axe MR-Engagés.

Chez Ecolo, l’hémorragie n’est pas stoppée, mais la perte semble toutefois moins accusée par endroits, en regard du naufrage du 9 juin. «Ecolo continue à perdre beaucoup de voix mais il résiste plutôt mieux qu’en juin», confirmait dans nos colonnes la chercheuse du Crisp Caroline Sägesser.

Le constat est quelque peu inversé en Flandre, où Groen avait gardé la tête hors de l’eau en juin, notamment à Bruxelles et Anvers, mais a chuté lourdement dans cette dernière le 13 octobre (-7,4%). Au nord du pays, les écologistes font face à une concurrence féroce du CD&V, dont l’ancrage à l’échelon local est encore très puissant.

«Les écologistes sont dans une situation difficile et le discours positif au soir du 13 octobre s’inscrit surtout dans une volonté de ne pas céder au découragement, estime le politologue Pierre Vercauteren (UCLouvain). La question, pour eux, est de déterminer comment rebondir dans les cinq prochaines années.»

Ecolo n’est pas le premier parti historique à se retrouver dans une telle situation. Les Engagés, en état de mort presque clinique cinq ans auparavant avec le CDH, ont finalement connu un rebond spectaculaire.

Deux nécessités

Le parti écologiste fait désormais face à deux nécessités essentielles, selon Pierre Vercauteren: premièrement, la refonte de son programme en profondeur, et deuxièmement, un renouvellement des personnalités cadres. «C’est la trajectoire suivie par Les Engagés pour renaître, auquel doit se livrer le mouvement Ecolo.»

Celui-ci doit surmonter une situation toujours plus paradoxale: si tout le monde s’accorde à reconnaître l’urgence sur le plan écologique, l’enjeu, pour Ecolo, est de déterminer de quelle manière cette urgence doit être appréhendée dans le cadre politique. «D’autre part, le discours écologique n’est plus le monopole du seul parti Ecolo, rappelle Pierre Vercauteren. Il se cogne à une concurrence de plus en plus prégnante des autres partis sur leur thématique phare.»

Les Ecolos doivent suivre la trajectoire des Engagés pour espérer renaître.

Pierre Vercauteren

Politologue (UCLouvain)

Depuis de nombreuses années, le mouvement Ecolo dessine une sorte de sinusoïde irrégulière, composée de moments de belle croissance qui les amènent au pouvoir, suivis de chutes. Ce yo-yo permanent peut s’expliquer en fonction du contexte économico-social, selon le politologue. «Les citoyens sont davantage enclins à considérer l’intérêt écologique dans leur vote lorsque la situation économique est prospère. Or, au cours de la dernière législature, plusieurs éléments l’ont perturbée: le Covid, la guerre en Ukraine, la crise énergétique et l’inflation. Les inquiétudes autour de l’emploi et des enjeux budgétaires se sont alourdies. Ces éléments ne sont pas directement imputables aux écologistes, mais ne ils ne jouent pas en leur faveur.»

A présent, une longue période d’introspection et de refonte débute pour Ecolo. Elle pourrait accoucher d’un programme remanié, de nouvelles personnalités et… d’un nouveau nom. De quoi se revernir l’image?

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