Départ de Kristof Calvo: pourquoi les Verts flamands sont-ils victimes d’une hémorragie ?
Ce jeudi, Kristof Calvo (Groen) a annoncé son départ de la politique nationale. Le vice-président de la Chambre n’est pas la seule figure de proue Groen à quitter le navire : ces dernières semaines, d’autres ténors ont jeté l’éponge. Quelles sont les causes de cette débandade ? Décryptage avec le politologue Carl Devos (Université de Gand).
« Après 3 années passionnantes en tant que député, il est temps pour de nouveaux chemins et un nouveau rôle, a déclaré Kristof Calvo sur les réseaux sociaux. J’opte donc pour Malines et pour une autre politique. » « Quelqu’un qui, comme moi, veut changer et innover beaucoup, doit aussi oser innover et changer lui-même », ajoute-t-il.
Carl Devos, êtes-vous surpris par le départ de Kristof Calvo ?
Oui et non. Ces derniers mois, Kristof Calvo semblait très amer et déçu par le gouvernement qu’il avait lui-même contribué à former. Cette déception était principalement due au fait que rien n’a été réalisé en matière de renouveau politique, alors que la grande ambition de l’accord de coalition Vivaldi était principalement le fait de Kristof Calvo. Lors d’interviews, il a révélé à quel point il était déçu que le système politique et le gouvernement Vivaldi n’aient rien donné en matière de renouveau politique.
Il a été évidemment aussi été très déçu de ne pas avoir été nommé ministre au gouvernement fédéral après les élections précédentes, alors qu’il l’avait explicitement espéré. La situation n’est pas non plus favorable pour la suite des événements. Les écologistes sont en mauvaise posture dans les sondages. Au sein de Groen, on estime qu’il faut un renouveau. Kristof Calvo termine actuellement son troisième mandat, alors que chez Groen, la règle veut que l’on ne puisse siéger que pendant deux législatures et que l’on doive ensuite démissionner, sauf si l’on demande une exception.
Le parti s’inquiète de son orientation électorale. On entend souvent dire qu’il faut de nouvelles figures. Au sein de Groen, Kristof Calvo et Meryem Almaci (NDLR : l’ancienne présidente de Groen) sont tenus pour responsables du résultat décevant du parti en 2019. Kristof Calvo est indéniablement une figure forte, un talent, mais, à son grand dam, ce talent ne s’est peut-être jamais pleinement développé. Il ne faut pas non plus sous-estimer le fait que si, en tant que député, on se bat pendant des années sans rien obtenir, on finit par se lasser.
Groen est-il plus touché par les départs que d’autres partis ?
Ces dernières semaines, le chef de file Groen au parlement flamand Björn Rzoska et la députée Elisabeth Meuleman ont annoncé leur départ. D’autres ont également quitté le parti. Ils privilégient le niveau local. Ils souffraient un peu du même problème que Kristof Calvo. Björn Rzoska et Elisabeth Meuleman voulaient devenir présidents de parti, Kristof Calvo voulait être ministre. Ils ont échoué, et je pense qu’il ne s’agit pas seulement d’un choix positif pour le niveau local de leur part, mais aussi d’une certaine déception.
Groen est donc en mauvaise posture ?
Dans les sondages, pour ce qu’ils valent, Groen se situe toujours au-dessus du seuil électoral de 5 %, mais il est possible qu’il ne l’atteigne pas dans certaines provinces. On sent également que les ministres sont en difficulté. Pour Tinne Van der Straeten, les choses n’ont pas fonctionné avec Engie : la sortie du nucléaire n’a pas été réalisé. Petra De Sutter a de gros problèmes avec bpost. Aujourd’hui, le Premier ministre De Croo s’érige en directeur de campagne dans le cadre de la loi sur la restauration de la nature, et va directement à l’encontre des Verts. Là aussi, ils sont isolés. Il y a un certain soutien de la part du PS, mais personne ne croit vraiment que celui-ci est sincère. Je pense que le PS veut surtout avoir une discussion sur le taux d’épargne plutôt que sur la loi sur la restauration de la nature. Donc oui, Groen est en mauvaise posture. Dans ce sens, certains évoquent une sorte de désertion. Kristof Calvo a mis en garde contre un dimanche noir, mais si évidemment si vous l’une des figures fortes et que vous vous en allez, ce dimanche pourrait être encore un peu plus noir.
Gwendolyn Rutten, l’ancienne présidente du VLD, me racontait que de nombreuses personnes qui passent d’un niveau national à un niveau local sont très motivées, car ce niveau permet de réaliser beaucoup de choses. Cela devrait servir de leçon au système politique : beaucoup de personnes se lassent de siéger au parlement. Si le parlement déçoit tant de personnes talentueuses, c’est significatif et cela devrait servir de leçon. Mais la politique a déjà reçu beaucoup de leçons ces dernières années. Mais on n’écoute pas, on continue.