Démocratie sous pression: un jeune Belge sur trois considère que la démocratie n’est pas le système le plus efficace
Un jeune (18-34 ans) Belge sur trois considère que la démocratie n’est pas le système politique le plus efficace. Les vieilles recettes ne séduisent plus les jeunes.
Affirmer que la jeune génération perçoit la démocratie de manière radicalement différente que la plus âgée serait exagéré. Il apparaît néanmoins que la conception de ce que devrait être la démocratie varie selon les tranches d’âge.
En forçant le trait, on pourrait considérer que les jeunes sont davantage disposés à secouer le cocotier, tandis que leurs aînés défendent plutôt un idéal reposant sur les institutions en place. Transformer le système ou sauver les meubles, telles sont les deux aspirations autour desquelles quelques différences générationnelles se cristallisent.
Dans l’ensemble, toutes les générations en âge de voter considèrent majoritairement qu’elles vivent en démocratie, même si les plus vieux l’affirment plus volontiers que les plus jeunes. Dans le même temps, elles ne perçoivent pas le danger de la même façon. Parmi les plus de 65 ans, une personne sur deux considère que la démocratie est en danger. Mais plus de six personnes sur dix le pensent chez les 18-34 ans et les 55-64 ans.
Parmi ceux qui l’estiment en danger, c’est surtout la nature des menaces qui est perçue différemment. Les 18-34 ans estiment moins que tous leurs aînés que ces éléments constituent des menaces: l’extrême gauche, l’extrême droite, l’ingérence étrangère, la désinformation, la religion, la concentration des richesses, la migration et le wokisme.
Pour les 18-34 ans, c’est la guerre (31,5%) qui est la plus souvent citée, devant l’extrême droite (24,7%), la migration (24,6%) et la désinformation (24,3%). Les tranches d’âge plus élevées établissent un classement différent. Ainsi, toutes catégories d’âge confondues, les Belges citent le plus souvent la migration (39,3%), la désinformation (39%) et l’extrême droite (37,9%). Au final, les éléments que la plus jeune tranche d’âge identifie plus que les autres comme des menaces sont le catastrophisme (20,6%), le dérèglement climatique (15,2%), le pouvoir des forces de l’ordre (13,3%), le vote par Internet (12,4%) et – de façon plus interpellante – le mouvement LGBTQIA+ (11,1%).
Jeunes et aînés s’accordent sur un point: la plupart de nos politiciens sont incompétents.
Un autre constat s’impose. Les jeunes Belges semblent moins attachés que leurs aînés à quelques grands fondamentaux de la démocratie: la séparation des pouvoirs, l’élection des représentants par les citoyens, le multipartisme, le respect de la liberté d’expression et de la liberté de la presse.
Lorsqu’il leur est demandé de sélectionner les éléments qui constituent une base essentielle de la démocratie, les plus jeunes choisissent ces valeurs bien moins souvent que les autres. Les résultats passent parfois du simple au double entre les 18-34 ans et les plus de 65 ans. Par exemple, 26,9% des jeunes cochent la séparation des pouvoirs, tandis que les aînés sont 61,8% à le faire.
Les plus jeunes seraient-ils donc moins attachés à la démocratie? Ce serait aller vite en besogne, mais l’enquête démontre un attachement plus accru des plus âgés à la démocratie «à l’ancienne», si l’on peut dire. Parmi les plus de 65 ans, plus d’un Belge sur deux (53,6%) voit dans une coalition de plusieurs partis le moyen le plus efficace de diriger le pays. Seul un 18-34 ans sur quatre (25,2%) le considère. A l’inverse, 22,2% des plus jeunes optent pour un gouvernement à parti unique, contre 5,9% chez les plus âgés. Les 18-34 ans sont 4,5% à penser qu’un dictateur serait le plus efficace, alors que l’avis des plus âgés à ce sujet est limpide: 0%.
Ce n’est pas pour autant que la jeune génération rejette en bloc l’idéal démocratique. Une part non négligeable des 18-34 ans considère qu’une assemblée citoyenne (17,4%) ou un système de votation des lois par référendum (18,4%) seraient les moyens les plus efficaces de diriger le pays, ces taux de réponse étant supérieurs à la moyenne.
Les 18-34 ans considéreraient donc davantage que leurs aînés que le système doit être réinventé. C’est probablement dans ce sens qu’on peut interpréter un autre résultat: ils sont 25,9% à estimer que l’opposition politique constitue un contre-pouvoir indispensable à la sauvegarde de la démocratie, mais autour de 40% dans les deux tranches d’âge supérieures et même 54,6% chez les plus de 65 ans.
Quant à savoir, de manière générale, quelles seraient exactement les pistes privilégiées par ces jeunes insatisfaits des institutions en place, il s’avère compliqué de fournir une réponse claire. Les 18-34 ans sont nettement plus favorables (39,7%) au tirage au sort des élus que les plus de 65 ans (13,8%), par exemple. Mais ils manifestent moins d’enthousiasme par rapport aux référendums sur les grandes questions de société. L’instauration d’assemblées citoyennes en lieu et place des assemblées parlementaires, par contre, convainc un peu moins d’un Belge sur deux, mais sans grandes divergences entre générations.
Peut-être les jeunes sont-ils un peu plus partisans de la méthode «musclée» que leurs aînés. Pour faire entendre leur voix, les 18-34 ans et les 35-54 ans sont respectivement 13,7% et 12,3% à considérer que des manifestations, même si elles ne sont pas pacifiques, peuvent être utiles. Ce n’est pas énorme, mais c’est trois à quatre fois plus que les générations supérieures.
Les moins de 55 ans ont également plus d’appétence pour la désobéissance civile. Un exemple parlant: les 18-34 ans sont 15,1% à considérer qu’il est utile de s’attaquer aux œuvres d’art. Les trois tranches d’âge suivantes approuvent ce type d’acte respectivement à hauteur de 5,7%, 1% et 0,3%…
Ainsi brossé, le tableau porte à croire que les aînés manifestent moins de mécontentement. En réalité, ils le font, mais plutôt à l’intérieur du cadre des institutions démocratiques. Par exemple, les plus de 65 ans sont 87,9% à vouloir interdire le cumul des mandats, tandis que les 18-34 ans sont 53,9%. Et des tendances similaires se dessinent autour de la thématique de la rémunération des mandataires, ou de l’idée que les politiciens privilégient leurs propres intérêts. Il y a par contre une affirmation avec laquelle toutes les générations répondent avec constance: environ 54% sont plutôt ou tout à fait d’accord avec l’idée qu’«en Belgique, la plupart des politiciens sont incompétents».
(1) Enquête réalisée par l’institut Kantar du 4 au 8 septembre 2023 auprès de 1 012 Belges âgés de 18 ans ou plus, avec une marge d’erreur de 3,1 %.
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